Contrôle des médias en Europe : Belgique

Nouveau cadre légal imminent

d'Lëtzebuerger Land vom 06.06.2002

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel est jeune. Cinq ans à peine. Ce n'est en effet qu'en vertu du décret remontant au 24 juillet 1997, voté par le gouvernement de la Communauté française que cette institution a vu le jour.

Sans entrer dans la cuisine belge qui ne manque pas de sel d'un point de vue juridique, on relèvera que la Flandre dispose de plusieurs organismes de régulation et que c'est le VCM (Vlaamse Comissariaat voor de media), institué en 1998, fait office de « CSA » pour le nord du Royaume et en partie pour la région de Bruxelles-Capitale. 

Physiquement, le CSA belge (francophone) est établi à Bruxelles. Un chiffre, d'emblée, pour se donner une idée de ce qu'il représente aujourd'hui : « Tout personnel confondu, nous sommes une petite quinzaine à travailler full-time, » glisse Jean-François Furnémont, l'une des chevilles ouvrières de l'organisme régulateur dans le pays le plus « câblé » au monde. 

Si en Belgique, comme souvent ailleurs, l'efficacité est directement proportionnelle aux moyens, il faut sans cesse se soucier et composer avec le célèbre et non moins épineux « équilibre à la belge ». 

Après les guerres linguistiques (flamands vs. francophones) ou philosophiques et idéologiques (libéraux vs. catholiques) aiguës de l'après seconde guerre mondiale, l'immense majorité des lois, décrets et autres décisions des autorités respectent la pluralité des opinions. Au royaume du compromis, les choses ne sont jamais noires ou blanches mais grises pâles ou foncées...

 

Vraiment indépendant ?

 

Le lien est donc ténu entre monde politique et le CSA. Face à l'explosion audiovisuelle des années 1980, le gouvernement de la Communauté française, débordé, avait toutefois décidé de « lâcher » l'organisme de régulation audiovisuelle qui sommeillait dans ses attributions pour en faire un organe « indépendant ». Vraiment indépendant ? C'est toute la question. Il faut reconnaître que le CSA est né avec une étiquette de « créature politique » sur sa tête. Le bureau du CSA, véritable moteur de l'institution, n'est-il pas composé de quatre membres qui représentent les... quatre partis politiques les plus importants en Belgique francophone ? Oui, mais... 

« Le bureau n'est pas modifié à chaque changement de majorité, » relève Jean-François Furnémont. Les mandats se renouvellent tous les cinq ans. Et ce respect strict des équilibres (politiques) se retrouve dans l'organigramme des trois collèges qui composent pour quelques mois encore le CSA. 

On remarque ainsi, par exemple, dans le Collège d'avis, la présence de patrons de chaînes (RTBF, RTL-TVI, Canal + et depuis peu AB3) qui côtoient des représentants du monde politique, du cinéma, des câblodistributeurs ou du journalisme. 

Récemment, à l'occasion de la succession chahutée de Christian Druitte à la tête de la RTBF (chaîne de service public), la présidente du CSA, Evelyne Lentzen, s'est énergiquement opposée au gouvernement pour des questions d'une procédure trop favorable à ses yeux à Jean-Paul Philippot, l'heureux élu...

Affirmer que le CSA est à la solde du gouvernement serait trop réducteur, simpliste, même si Evelyne Lentzen, sur le coup, n'appartient pas à la famille politique du libéral Richard Miller, le ministre ayant dans ses attributions les Arts, les Lettres et l'Audiovisuel. 

« Nous sommes arrivés en une législature à une certaine maturité, assure même Jean-François Furnémont. N'oublions pas qu'il a fallu tout créer et j'estime que nous avons trouvé une certaine alchimie tout en nous faisant connaître du grand public, des opérateurs... » Les gens envoyés au CSA ont eu le souci général que ce genre d'instance réclame.

 

Sanction et contrôle

 

Le gouvernement de la Communauté française prépare un nouveau décret qui renforcera le pouvoir du CSA. En gros, le texte affirmera sa compétence sur le service public (RTBF) et son pouvoir d'autorité complet sur la télé et la radio.

Le ministre Richard Miller révélait voici quelques semaines dans Le Soir les grandes lignes de la refonte du CSA, qu'il veut transformer en « gardien du temple audiovisuel ». 

« Le secteur audiovisuel est tellement évolutif, a tellement d'influence sur le comportement social, personnel et politique des citoyens, qu'il est fondamental d'avoir un Conseil supérieur de l'audiovisuel attentif disposant de moyens d'interventions et régissant l'ensemble du secteur, » affirme le ministre Richard Miller. 

Le nouveau décret intègre donc tout ce qui concerne le CSA ramené de trois à deux collèges : le collège d'autorisation et de contrôle et le collège d'avis (qui reprend les compétences du collège de publicité dissous). Ce dernier sera compétent sur la communication publicitaire au sens large. 

Le CSA disposera donc désormais d'une capacité de contrôle et de sanction (pénale, civile et administrative, élargie et renforcée) aussi bien à l'égard du secteur privé que de la radio-télévision de service public. 

Le CSA, qui est donc loin d'être le petit frère du grand frère français, est en contact régulier avec ses alter ego européens. 

Dès 1998, il a ainsi adhéré à la véritable plate-forme de concertation et de dialogue entre les régulateurs de l'Union, au même titre que l'ITC britannique et que la DLM allemande. L'Epra, Plate-forme européenne des régulateurs de l'audiovisuel, réunit principalement les jeunes autorités des pays du Nord du Vieux-Continent. 

Cette structure paraît pouvoir servir de socle à des échanges approfondis entre les instances de l'Union européenne, échanges qui seront ouverts aux autorités de régulation de l'Europe centrale et orientale. 

Générera-t-elle quelques pistes pour imaginer le cadre légal d'Internet qui fait l'objet d'une réflexion au sein du CSA belge ?

Le Collège d'avis a pour mission principale de rendre, d'initiative ou à la demande du Gouvernement ou du Parlement de la Communauté française, des avis sur toute question relative à l'audiovisuel. Il est en outre chargé de se prononcer
sur :

- les modifications décrétales et réglementaires que lui paraît appeler l'évolution technologique, économique, sociale, culturelle des activités du secteur de l'audiovisuel, ainsi que du droit européen et international ;

- le respect des règles démocratiques garanties par la Constitution ;

- la protection de l'enfance et de l'adolescence dans la programmation des émissions. 

Le Collège d'autorisation et de contrôle peut sanctionner un opérateur en cas de manquement à ses obligations légales ou conventionnelles. Il est donc chargé de : 

- rendre un avis préalable et motivé à toute autorisation (ou renouvellement d'autorisation) de radio privée, de télévision privée, de télévision payante, de télévision locale et d'autres services sur le câble délivrée par le gouvernement de la Communauté française de Belgique ;

- rendre, tous les ans, un avis sur la réalisation des obligations découlant des conventions passées signées entre le Gouvernement et les organismes susmentionnés, ainsi que sur la réalisation des obligations découlant du contrat de gestion de la RTBF ;

- constater toute infraction aux lois, décrets et règlements en matière d'audiovisuel et toute violation d'obligation conventionnelle ;

- en cas d'infraction, sanctionner l'opérateur. 

Le Collège de la publicité a pour principales missions de :

- rédiger un code d'éthique publicitaire et de donner un avis sur tout manquement à celui-ci ;

- rendre, d'initiative ou à la demande du Gouvernement, un avis sur toute question relative au contenu de la publicité audiovisuelle ;

- faire rapport au Collège d'autorisation et de contrôle sur les indices d'infraction aux lois, décrets et règlements en matière de publicité audiovisuelle.

Le Bureau coordonne les travaux du Conseil, veille à la cohérence des avis des différents Collèges, à la conformité des avis au droit interne et européen ou international et résout les conflits de toute nature qui apparaissent entre les Collèges. Pour accomplir ces missions, le bureau peut faire au Gouvernement toutes les recommandations qu'il juge nécessaire. 

Le président préside de droit tous les Collèges et les vice-présidents assistent avec voix délibérative à toutes les réunions des Collèges. Le bureau est composé du président et des trois vice-présidents, désignés par le gouvernement. 

Leur mandat est d'une durée de cinq ans, renouvelable. Les membres du bureau sont soumis aux mêmes règles d'incompatibilités que les membres du Collège d'autorisation et de contrôle. La composition du bureau garantit la représentation des différentes tendances idéologiques et philosophiques.

Le Conseil se réunit en assemblée plénière (les trois Collèges) sur convocation du bureau ou à la demande du ministre compétent. L'assemblée plénière est convoquée au moins une fois par an pour approuver le rapport d'activités (avec un volet spécial concernant les sanctions).

L'auteur est journaliste au Soir à Bruxelles et attaché à la rubrique Culture/Médias.

 

 

Alexandre Charlier
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