Théâtre

La vie d’un « Heckefransous » très luxo

d'Lëtzebuerger Land du 18.10.2013

Claude Frisoni, figure emblématique et parfois controversée de la scène culturelle et théâtrale du Luxembourg, part à la retraite après 35 ans passés de ce côté de la frontière. Pour marquer le coup, il monte sur scène pour un one man show haut en couleurs et foisonnant d’anecdotes croustillantes et personnelles. Il plie bagages, non sans régler ses comptes avec ceux qui l’ont critiqué et surtout pas sans dire son amour pour son pays d’adoption et les expériences et rencontres qui l’ont mené là où il est aujourd’hui.

Frisoni commence son show par le tout début de sa carrière et se remémore ses premières expériences de jeune frontalier ambitieux en route pour la carrière d’écrivain, de directeur de théâtre et de centre culturel, mais surtout d’artiste, qu’on lui connaît. Entre des cartons vides et des bibelots accumulés, il raconte son histoire étape par étape. Avec une bonne dose d’humour et de mordant, Frisoni s’attaque aux clichés qui collent à la peau des Français, mais aussi des Luxembourgeois : l’éternelle question de l’apprentissage (ou pas) de la langue nationale, les orientations politiques des uns et des autres et les différences de culture de deux pays pourtant si proches. Son parcours atypique sera marqué d’événements sociétaux et politiques, d’absurdités et de polémiques – le fameux incident des écrits « blasphématoires », son escapade houleuse en politique ou encore son détour peu gratifiant dans le milieu publicitaire –, qu’il raconte avec une remarquable maîtrise de la langue, des jeux de mots aussi subtils que drôles et un sarcasme tranchant. Entre faits divers et actualité, de l’affaire du Bommeleeër au scandale du Srel, d’aventure en aventure, on voyage dans le temps et à travers la vie bien remplie de Claude Frisoni. Un peu cynique, très sarcastique et énormément drôle, Frisoni se dévoile. Tombé sous le charme du Luxembourg, il avait pourtant débuté en promouvant la culture française, avant de devenir un personnage incontournable de la création artistique et du milieu culturel luxembourgeois. Il dévoile avec beaucoup de sincérité les galères et les coups de chance dans sa carrière et il n’hésite pas à souligner et à pointer du doigt les difficultés (toujours pas résolues) liées au statut d’artiste et toute l’ambiguïté d’être frontalier et puis étranger intégré, mais pas nationalisé, dans un pays aussi multiculturel que le Luxembourg.

Ponctué de chansons, de drôleries et de piques envoyées à ses détracteurs, Frisoni assure un show hilarant, teinté d’émotion et de souvenirs, de rencontres aussi improbables que mémorables. Osé ? Sûrement, mais le spectacle est surtout audacieux. Frisoni s’empare de la scène, impose sa personnalité et son énergie. Avec une présence et un charisme magnétiques, il fait un pied de nez magistral à ceux qui l’ont toujours vu comme le « Heckefransous » qui s’est incrusté dans le paysage culturel, mais il rend aussi hommage à ceux qui l’ont soutenu et à ce pays qu’il a appris à aimer et qui lui a permis de réaliser, de penser et de créer tant de choses.

Qu’on soit de gauche ou de droite, Luxembourgeois ou étranger, qu’on partage les mêmes avis bien tranchés ou non, on ne peut pas nier le formidable talent d’écriture et la drôlerie de Frisoni. Pour reprendre ses mots « dans un avenir proche, d’autant plus qu’il sera moins lointain » on ne manquera sûrement pas de le revoir.

Putain, 35 ans !, le one man show de et avec Claude Frisoni, dans une mise en scène de Fabienne Zimmer, se jouera encore ce soir, 18 octobre, ainsi que les 24, 25, et 26 octobre et les 8, 9, 14, 15 et 16 novembre à 20h30 au Tol – Théâtre ouvert Luxembourg, 143, route de Thionville à Luxembourg ; réservations par téléphone : 49 31 66 ; plus d’informations : www.tol.lu.
Nathalie Medernach
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