Participation politique des femmes

C'est la ouate qu'elles préfèrent

d'Lëtzebuerger Land vom 26.05.2005

À la question «que feriez-vous tout de suite si vous étiez Première ministre ?», il y a celles qui ne répondent pas du tout (Octavie Modert, Marie-Josée Jacobs, Mady Delvaux, Lydie Polfer e.a.), celles qui répondent par une boutade («Heureusement le cas ne se présente pas», Nelly Stein), celles qui essaient d'y répondre selon leurs engagement sociaux et féministes – et il y a Viviane Reding. La commissaire européenne n'y va pas par quatre chemins: «J'opérerais dans la continuité, tout en mettant en place des réformes ‘coup de poing' dans des domaines à problème, sans passer par d'incessantes consultations». Au diable la démocratie ! Les femmes politiques qui vont loin doivent-elles forcément être les meilleurs hommes ou des Youlia Timochenko en force ? Les questionnaires dont sont issues ces réponses ne sont en fait qu'une des annexes du rapport de l'Observatoire de la participation politique des femmes consacré aux élections législatives et européennes de 2004, qui fut présenté lundi au Conseil national des femmes. L'étude, réalisée par l'ancienne députée verte Renée Wagener, ne peut que confirmer, en en affinant l'analyse, le constat amer de l'année dernière: la participation politique des femmes stagne, voire est même en perte de vitesse. Bien que le taux de femmes ayant profité de leur droit de vote passif ait légèrement augmenté entre 1999 et 2004 (de 29,4 à 31,7 pour cent de femmes parmi les candidats), le nombre d'élues stagne à 20 pour cent. Pour ce qui est des postes de décision, donc au gouvernement, la tendance est même à la baisse: trois femmes seulement sur douze hommes au gouvernement, soit vingt pour cent, contre 28,6 pour cent lors de la précédente législature. Au parlement, plus aucun poste important n'est assuré par une femme, ni présidence ou vice-présidence de l'assemblée, ni présidence d'un groupe parlementaire… Ainsi, lorsque les médias audiovisuels tendent le micro aux décideurs des partis pour parler par exemple de la Constitution européenne, il n'y a, par la force des choses, plus aucune femme qui y est interrogée – comme si la moitié de la population n'avait pas d'opinion. Pourtant, «les candidates ont moins de notoriété, mais une meilleure formation que les candidats,» note le rapport (p.43), qui toutefois s'inquiète aussi de la relève des femmes politiques, comme «les candidates sont de plus en plus âgées». Une femme qui se porte candidate aux élections a toujours sensiblement moins de chances d'être élue que son collègue masculin. Les quotas seraient «un moyen nécessaire mais non suffisant», encore faudrait-il que les hommes qui gèrent majoritairement les partis laissent une chance aux femmes de construire une notoriété, en les envoyant dans les débats publics et autres interventions médiatiques. Selon Renée Wagener, une prise de conscience que l'inégalité entre femmes et hommes subsiste serait un premier pas, une réforme radicale du système électoral, qui abolirait le panachage si cher aux électeurs grands-ducaux, pour introduire des listes bloquées, une mesure qui pourrait apporter un réel changement. Les femmes du CNFL affichaient lundi leur déception quant à cette stagnation de la participation politique, «Et ass fir ze kräischen,» dit Monique Laroche-Reef. Car, alors qu'elles préparent les élections communales du 9 octobre – campagnes de sensibilisation pour la parité, offre de formations pour les candidates, lobbying pour le gender mainstreaming –, elles semblent conscientes que la révolution de soie est encore loin. Le mouvement féministe manque, en 2005, de vraies pasionarias, de battantes. Ici, les femmes sont toujours si patientes.

Le rapport La participation politique des femmes aux élections de 2004, réalisé par Renée Wagener est disponible auprès de l'éditeur, le Conseil national des femmes du Luxembourg; 2, circuit de la Foire, L-1347 Luxembourg; téléphone: 29 65 25; www.cnfl.lu; ISBN: 2-9599964-8-8.

josée hansen
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