CD Droopy de Jéis Mersch

Enfoncer le clou

d'Lëtzebuerger Land du 09.09.2010

Après un premier volet de sept chansons sorti l’année dernière, Jéis Mersch poursuit sur sa lancée. Prouvant qu’il a de la suite dans les idées, ce recueil s’intitule 2 et reprend le même artwork que son prédécesseur (pochette noire, typographie typiquement Word, difficile de faire plus simple sous Wordart). Regroupant douze plages qui se déclinent en chansons, en poèmes récités et en un blanc d’une trentaine de secondes, intitulée kreativ Paus, l’opus continue sur les bases lancées par le 1 avec sensiblement les mêmes ingrédients.

Pour mener à bien ce projet, Jéis Mersch s’est à nouveau entouré de ses Komplizen, qui comprennent cette fois-ci Mike Michels aux claviers, Nilo Rafaeli aux guitares tandis que l’énigmatique « Schlassgespenst » s’est chargé de la basse et du mixage. Vocalement, Jéis Mersch évoque un Droopy nasal et plaintif, aussi à l’aise en luxembourgeois que dans la langue de Molière, comme en témoignent les deux versions de Journal 68, où il imagine le journal d’une fille de joie, relatant son morne quotidien désillusionné et dégradant, voire franchement glauque. Parmi les autres thèmes de prédilection, on peut citer, vaille que vaille, les bureaucrates (de Beamten), les politiques (Politika), la corruption (kleng Geboter), les dérives du capitalisme financier (d’Piraten vun haut) ou encore le Luxembourg (la chanson à boire et ironique Déi schéinst Stad vun der Welt, le vachard Ass dat Gléck?).

Cependant, il ne dépasse guère le niveau d’une dénonciation poujadiste, doublé d’un humour lourdaud qui force le trait. Sauf pour le long poème récité Desert Storms, où ses rimes et réflexions font mouche plus d’une fois. En fait, l’émotion et la conviction deviennent autrement plus palpables lorsqu’il s’attaque à des thèmes plus terre-à-terre (ou personnels) comme dans E Feeger, abscons mais touchant hommage aux affres de la paternité et Vun Zäit zu Zäit, complainte désespérée sur la séparation et la solitude.

Musicalement, les compositions font dans la vacuité à tous les étages. Interprétation balisée (en pilotage automatique, les claviers et autres guitares sont souvent inspirés par le rock FM millésimé fin 80’s, la batterie est approximative) et des mélodies passe-partout habillent de manière interchangeable, voire sans intérêt les textes du sieur Mersch, histoire de bien signifier que l’on a affaire à un chansonnier, donc la musique est supposée accessoire. Malheureusement, sa verve crue aurait mérité un meilleur sort car ce parti pris musical lasse assez vite. Le chant, quant à lui, oscille entre récitation et mélodies syndicales, avec une tendance systématique à commencer d’un ton neutre avant de s’énerver au fil du morceau, en terminant le plus souvent sur un ton indigné ou défaitiste.

À l’arrivée, on ne s’étonnera pas outre mesure si le deuxième opus de Jéis Mersch [&] Komplizen connaissait un accueil similaire à son prédécesseur, plutôt discret. Un troisième album serait en préparation.

Pour plus d’informations et/ou pour écouter les morceaux de Jéis Mersch : http://www.jmersch.lu.
David André
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