Max Thommes, acteur et musicien

Touche-à-tout

d'Lëtzebuerger Land du 16.09.2010

On connaît le jeune Max Thommes (il est né en 1987) non seulement en tant que batteur un peu chaotique du groupe de rock Inborn, qui décrit sa musique comme du « 21st century dance rock », mais également en tant qu’acteur, récemment vu dans la pièce L’Histoire de Ronald, le clown de Mc Donald’s de l’auteur de théâtre argentin Rodrigo García, pièce qui a été montée au Luxembourg, puis montrée à Avignon l’année dernière et à Paris pendant tout le mois de juillet 2010. On le reconnaît à sa stature trapue, à ses bras musclés, à ses cheveux hirsutes. Et une chose frappe quand on le voit de près, quand on l’entend parler, quand on est, par exemple, assis à côté de lui sur un tabouret de bar : il est plein d’une bouillonnante énergie. Il dit : « Je veux toujours faire tout et je veux le faire de façon aussi intensive que possible. Il faut que je continue à faire du théâtre sinon je deviens fou derrière mes toms et mes caisses et mes cymbales. Et vice-versa. »

En effet, dans les prochains mois, Max Thommes verra probablement sa carrière artistique passer à la vitesse supérieure. Car le producteur américain Ross Robinson, qui a produit des groupes comme Korn, Sepultura, Deftones, At The Drive-In ou The Cure, a décidé d’enregistrer leur prochain album. On ne croit pas bien entendre à cette nouvelle. Qui plus est, c’est Ross Robinson qui les a découverts, presque par hasard, sur Myspace, non pas l’inverse. Appa­remment ce gourou passe son temps à écouter au moins dix secondes de chaque groupe dont il est « ami » sur ladite plateforme. C’est lui, donc, qui a contacté Inborn. Le résultat de cet échange est que le groupe part, début octobre, à Los Angeles. « Ross Robinson est quelqu’un de très particulier, d’éclectique. Il est féru de spiritualisme, de yoga. Les artistes avec lesquels il daigne collaborer sont, selon lui, ceux dont la musique s’élève, d’une façon ou d’une autre, par-dessus tout. Il parle d’un océan de médiocrité, et d’une espèce de recherche de la divinité en musique. Tout cela est très bizarre. »

Et Max Thommes est conscient de toutes les pressions et opportunités que cette collaboration va susciter. Il sera question de labels, de marketing, de managers. « On nous dit souvent que pendant ces quelques mois que nous passerons dans le studio à L.A., toutes les portes s’ouvriront à nous. Il va falloir être prudent. Il s’agira de ne pas foncer tête la première dans un contrat avec un grand label qui ensuite n’aura même pas le temps de s’occuper de nous. Nous préférerons signer chez un petit label indépendant. » Mais avant cela, il sera question d’enfermement, de longs mois de répétition, « de quarantaine », dit le jeune musicien. « Nous vivrons dans la villa de Ross Robinson à Los Angeles, où nous passerons d’abord quelques mois à répéter, avant de passer à l’enregistrement. » Une expérience que Max Thommes a déjà vécue : en 2009, le groupe avait décidé de s’isoler pendant dix mois à Bruxelles, afin de répéter tous les jours. Les quatre membres du groupe ont dormi dans un même dortoir, jouxtant leur salle de répétition. « Les tensions étaient grandes », avoue le jeune homme.

Il faut pourtant préciser que Max Thommes a, avant tout, une formation d’artiste et d’acteur. « J’ai toujours eu beaucoup de mal, au lycée, à apprendre quelque chose dont je n’aurais aucune utilité dans ma vie. Ce n’est qu’en section artistique, au Lycée technique des arts et métiers que ma curiosité et mon envie ont été éveillés, stimulés. J’ai commencé à suivre des cours de théâtre au conservatoire, j’ai effectué un stage chez Patricia Lippert, j’ai fait une exposition à la Kufa. Il s’agissait de huit autoportraits sur différents supports, pour lesquels je m’étais à chaque fois déguisé, transformé, en quelqu’un d’autre. Un journaliste est venu me voir pour me dire qu’il trouvait cette série de portraits très ennuyeux. Et d’ailleurs, qui étaient ces sept autres personnes tout à fait banales, pourquoi les avoir choisi, elles ? Je lui ai répondu de regarder les portraits d’un peu plus près. Il est revenu me voir, la tête rouge... Bref, tout cela pour dire que j’aimerais faire d’autres expositions, si mon horaire me le permettait. »

Après le lycée, Max Thommes s’est inscrit à la Hochschule für Schau­spiel­kunst Ernst Busch de Berlin. « L’école nous pousse à donner tout. Le système est sévère, les horaires rigides. On nous inculque une grande culture générale, d’un côté, et on nous demande une excellente condition physique, de l’autre. Les cours varient de la diction, en passant par l’interprétation de textes jusqu’à l’escrime théâtrale. De plus, les enseignants se prennent vraiment le temps pour les élèves. Nous sommes constamment sujets à toutes sortes de critiques très constructives. »

Maintenant, pour mener à bien ses projets musicaux, Max Thommes a reçu une sorte de « Beurlaubung » (congé) de son école. Mais il aimerait bien retourner à Berlin, après Los Angeles, pour continuer sa formation, pour jouer du théâtre. « Peut-être qu’on déménagera tous à Berlin, avec Inborn, dit-il en souriant. J’aime beaucoup l’énergie de cette ville. C’est une ville folle. Tout y est possible. Si t’as parfois envie d’aller en boîte, disons, un dimanche à quinze heures, et bien, rien de plus normal. » Ah Berlin… l’aimant de toute une génération de jeunes artistes européens qui ont envie de se consacrer à leur passion sans devoir passer par l’obligatoire emploi de bureau ou d’enseignant pour financer leur (sur-)vie, et qui n’ont que faire des mots « stabilité », « retraite », « compétitivité » ou quelque chose dans ce genre.

Parce que Max Thommes, en vrai touche-à-tout, a d’autres projets en tête pour lesquels il aimerait trouver le temps : « J’ai envie d’écrire des pièces de théâtre. Justement je suis en train d’en écrire une. » Et puis, d’un coup, entre plusieurs gorgées de bière, il vous raconte toute l’intrigue de la pièce – qu’il écrit, dit-il, difficilement et lentement. Il s’agit d’une histoire de meurtre prémédité, puis repoussé, avant d’être finalement exécuté ; il s’agit de tourbillonnants dialogues autour de cet acte redouté ; il s’agit d’attirances morbides aussi. « J’ai l’impression de sonner comme quelqu’un qui veut tout faire et qui, finalement, ne sait rien faire en profondeur, dit tout à coup le jeune homme, alors qu’il très important pour moi d’aller au fond des choses, de m’investir complètement. Je suis d’avis qu’il faut avoir un know-how technique en ce qui concerne toute forme d’expression artistique. Et je suis également d’avis que rien ne vaut le travail, l’effort, si tu veux aboutir à un bon résultat. »

Max Thommes sourit, se lève et dit : « Partons d’ici, si tu veux bien. » À le voir bondir de son tabouret, s’écartant une mèche rebelle du visage, on ne peut s’empêcher de lui trouver quelque chose de félin. On croit comprendre qu’il sera à la hauteur de ce qui l’attend.

Lire aussi le texte de Max Thommes pour le projet Dramkulturlandschaftlëtzebuerg de la troupe Independent Little Lies, que nous reproduisons en page 22.
Ian de Toffoli
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