Imposition des revenus d'intérêts

Vers un nouveau monde

d'Lëtzebuerger Land du 23.01.2003

Le déjeuner était copieux, même si c'était plus en discussions qu'en plats. La présidence grecque n'y avait convié que les ministres du Conseil « Écofin » sans leurs conseillers, une stratégie qu'apprécie particulièrement le Premier ministre Jean-Claude Juncker. Il fallait attendre 18.00 heures avant que les portes de la salle à manger ne s'ouvrent. Hans Eichel, grand argentier allemand, fait un bref point de presse. Sur la question de l'imposition des intérêts sur l'épargne, il préfère ne pas se prononcer. Plus tard, il dira qu'il a toujours été optimiste et que les grandes lignes de l'accord étaient établies dès décembre. Les journalistes se préparent pour une longue nuit. Au bar, on se plaint de la médiocre qualité des casse-croûte. 

Sur la table de négociation se trouvaient depuis la fin de la semaine dernière de nouvelles propositions de compromis, rédigées par la présidence grecque du Conseil. Elles prévoient pour le Luxembourg, la Belgique et l'Autriche, ainsi que les pays tiers, une retenue à la source sur les revenus d'intérêts de quinze ou vingt pour cent en 2004, de 25 pour cent en 2007 et de 35 pour cent à partir de 2009. Le jour où la Suisse accepte en plus un échange d'informations sur demande en ce qui concerne les avoirs des clients de ses banques, les trois États membres de l'Union devront accepter un échange d'informations automatique comme le feront les douze autres dès 2004. Comparé à la dernière proposition de la présidence danoise, les taux d'imposition avaient été revus à la baisse.

Dès avant le début officiel de la réunion, Jean-Claude Juncker avait déjà eu droit, le matin en cercle restreint, à une bonne « engueulade » de la part de certains de ses collègues ministres des Finances. « Mais, confiait-il à midi à la radio, une fois que tout le monde a poussé un bon coup de gueule, les négociations avancent d'autant mieux. » Il a gardé raison. 

La surprise viendra dès 18.45 heures. Quinze ans après la proposition Scrivener, six ans après le modèle de « co-existence » et trois ans après le compromis de Feira, Karl-Heinz Grasser, le très médiatique ministre des Finances autrichien, annonce qu'un accord politique a été trouvé. « De facto, explique l'Autrichien, c'est le retour au système de 'co-existence'. » Vingt minutes plus tard, ce sera à Hans Eichel de faire part de sa satisfaction, bien qu'il ne défendait guère les mêmes positions que Grasser : « Nous avons mis un terme à l'évasion fiscale en Europe. L'objectif final reste l'échange d'informations automatique. » Ce qui l'intéresse plus directement est qu'il recevra 75 pour cent de l'impôt encaissé auprès de contribuables allemands au Luxembourg. Les 25 pour cent restants seront pour le ministre du Budget luxembourgeois, Luc Frieden.

Dans les faits, le compromis accepté à Bruxelles est plutôt proche des positions défendues par l'Autriche et le Luxembourg. S'il y a un perdant, c'est bien Gordon Brown, le ministre des Finances britannique, grand défenseur de l'échange d'informations. D'autant plus qu'il est possible que même des dépendances de la Couronne optent pour la retenue à la source en 2004. 

Selon l'accord, l'échange d'informations automatique ne pourra être imposé avant 2010 et reste toujours couplé à une démarche similaire de la Suisse. Sur les taux, le Luxembourg a en même temps engrangé un beau succès. Avec quinze pour cent en 2004 et vingt pour cent en 2007, le compromis offre des conditions plutôt avantageuses pour la place financière pour sept ans. Par après, le secret bancaire se payera par contre cher : 35 pour cent de retenue à la source. C'est plus que la retenue libératoire pratiquée aujourd'hui en Belgique (quinze pour cent), en France (26 pour cent) et proposée en Allemagne (25 pour cent). Pour y échapper, le contribuable peut cependant or

Jean-Lou Siweck
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