Université du Luxembourg

Vers l’excellence

d'Lëtzebuerger Land du 07.04.2017

L’Université du Luxembourg est une entreprise de longue haleine qui doit sans cesse tendre vers l’excellence. C’est l’intérêt majeur de notre pays qui l’a créée par une loi élaborée avec l’aide de spécialistes étrangers, l’a mise sur pied avec beaucoup d’argent, et lui construit sans cesse de belles infrastructures. Cette université doit s’imposer de ses propres forces dans le paysage universitaire international, et pour cela éviter l’autosatisfaction et la dispersion. Cette exigence est d’autant plus contraignante dans un pays où une seule université doit faire face à toutes les demandes de la société.

Il est partout d’usage qu’une université se soumet à intervalles réguliers à une évaluation pour s’améliorer sans cesse. Tout en insistant sur son autonomie, critère de qualité essentiel, elle doit accepter que le pourvoyeur des fonds s’intéresse à ses résultats. Cependant, l’évaluation n’a que peu d’effet si les recommandations qui en découlent ne sont pas mises en œuvre. Fin 2016 a été présenté le troisième audit de l’Université du Luxembourg pour la période de 2012 à 2015 sur le fonctionnement et la recherche. Il nous échappe si l’État qui a demandé cet audit a exigé en même temps un rapport de l’Université sur la mise en œuvre des recommandations de l’audit précédent.

Les évaluateurs sont des experts internationaux. Leur rapport se veut objectif et allie les louanges aux critiques, ce qui permet aux différents partenaires d’y puiser des communiqués flatteurs. Mais les critiques sont réelles, et le gouvernement et l’UL ont intérêt à les prendre au sérieux, car l’enjeu financier autant que sociétal est de taille.

Revoir la gouvernance

Pour l’observateur qui a suivi l’UL depuis ses débuts en 2003 les recommandations des évaluateurs en matière de gouvernance de l’UL ont un air de déjà-vu. Ils constatent per exemple qu’avec le conseil de gouvernance, le rectorat, le conseil de l’Université, le conseil scientifique, les conseils pour chacune des trois facultés et les directions des trois centres interdisciplinaires, auxquels s’est ajouté récemment un Bureau de programmation stratégique, cela fait beaucoup pour une université de 6 000 étudiants et de 1 500 collaborateurs. Cette gouvernance est lourde et manque de clarté. Selon l’audit, c’est un aspect de faiblesse de l’UL (« a clear area of weakness »), et de demander une révision fondamentale des régulations internes de l’UL.

Autre critique : les plans quadriennaux sont censés programmer le travail de l’UL sur quatre années, avec un financement prévisible. Or, la pratique se serait installée d’y ajouter des conventions spécifiques et des aménagements ponctuels (« ad hoc practice ») en cours de route. Ce qui amène les auditeurs à exiger que le prochain programme quadriennal soit établi de façon sérieuse, précise et transparente.

À plusieurs reprises, il est fait allusion à une nouvelle loi qui semble être dans les limbes (« in the early conceptual stages »), mais dont apparaissent déjà quelques éléments. Ainsi, selon l’audit, il faudrait donner plus de pouvoirs à l’UL, et en particulier revigorer le Conseil universitaire par rapport au Conseil de gouvernance où siègent des représentants externes.

Un problème récurrent concerne la gouvernance de la recherche dans les facultés. L’audit constate que les unités de recherche des facultés sont hétérogènes et qu’une direction formelle manque, sous prétexte de liberté académique. La loi de 2003 a créé des facultés et donc constitué trois entités verticales du savoir, parfois assez hétéroclites d’ailleurs. En même temps, les centres interdisciplinaires étaient censés introduire une approche horizontale du savoir, en permettant de dépasser le découpage en savoirs spécialisés. L’audit constate qu’il reste des problèmes dans la relation entre facultés et centres interdisciplinaires puisque les ressources ne sont pas clairement réparties entre ces deux entités. Cela aussi, ce n’est pas nouveau.

L’autonomie de l’UL et le rôle de l’État

Dans la comparaison internationale, l’autonomie d’une université est un facteur important pour juger son niveau d’excellence. Pour l’UL, cette autonomie est difficile à atteindre puisque la contribution financière de l’État est sa principale ressource. De même les bâtiments et installations restent toujours la propriété de l’État qui les met à la disposition de l’UL alors qu’il avait l’intention de la transférer à l’UL dans le projet de loi de 2011. On sait que cela n’a pas été possible faute d’un inventaire satisfaisant de ces propriétés et probablement aussi d’un accord sur l’entretien et les réparations ainsi que les futurs investissements.

Le concept d’autonomie s’étend essentiellement sur tout ce qui est travail intellectuel proprement dit. À cet égard, il faut constater que l’État lui-même prend cette autonomie un peu à la légère quand cela lui convient. Ainsi il a demandé à l’UL de créer un centre de recherche sur l’histoire du temps présent. L’UL n’a sans doute pas cru pouvoir s’opposer à une demande du ministre, ou ne l’a pas voulu, par gourmandise. Mais elle s’est ainsi engagée encore plus dans le domaine de l’histoire où elle l’est déjà largement, ce qui va sans doute aussi au détriment d’autres domaines.

L’enseignement et la recherche

Il est intéressant de noter que les évaluateurs veulent rendre à l’enseignement plus d’importance (« rebalance teaching and research ») alors que pendant longtemps l’UL a elle-même mis l’accent surtout sur la recherche et s’est conçue essentiellement comme une université de recherche, regrettant même de devoir enseigner. À propos de recherche, l’audit déplore l’absence de perspective pour la carrière des chercheurs au-delà des contrats à durée déterminée de cinq années maximum possibles actuellement. C’est un problème fondamental du secteur que le gouvernement ne semble pas vouloir attaquer, au risque de perdre au bout de cinq années des chercheurs chevronnés et de laisser la plupart des autres dans la précarité. Dans un pays tellement fier de son haut niveau social, cela ne semble intéresser personne dans ce gouvernement ni même les syndicats. C’est évidemment un choix fatal contre l’avenir du pays.

L’enseignement de l’UL a eu des appréciations assez moyennes dans les audits précédents. Le nouvel audit demande à l’UL de développer une stratégie pédagogique, en particulier un enseignement plus personnalisé (« a more personalised learning process for students ») mieux adapté à l’ère digitale dans laquelle l’UL entend s’engager pleinement. Le système de tutorat est jugé mal défini et mis en œuvre (« UL tutoring system is poorly defined and implemented »). Comme l’audit met l’accent sur la participation des étudiants dans la gouvernance, on peut supposer que la stratégie de l’enseignement à l’UL pourrait être un sujet important de cette participation.

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L’ évaluation de 2016 comporte pas mal de critiques et de recommandations auxquelles il n’est pas facile de trouver des réponses claires. Revoir à fond les règles internes de l’UL ne va pas sans redistribuer du pouvoir quand les structures sont déjà bien établies. Créer un système général d’assurance qualité pour l’ensemble de l’UL, c’est établir et faire respecter des critères précis en terme de résultats à travers toute l’institution. Donner plus de pouvoir à l’UL et en enlever à l’État va exiger une grande ouverture d’esprit et beaucoup de confiance de part et d’autre. Mais cela va demander aussi du courage politique.

Parallèlement, l’UL a entrepris d’élaborer un cadre stratégique pour la décennie à venir (2016 à 2026), et elle doit élaborer le prochain plan quadriennal. Cela fait beaucoup de travail pour les instances universitaires qui vont devoir plancher sur l’audit jusqu’en juillet 2017 pour indiquer comment répondre aux recommandations de l’audit.

Puisqu’une nouvelle loi s’annonce, il peut être utile d’engager un débat public sur l’orientation de l’UL et de la recherche en général au Luxembourg, débat qui devrait dépasser le cercle des spécialistes et montrer l’importance d’une université forte et autonome pour le pays. Mais il n’est pas évident qu’un tel débat intéresse le grand public, plus friand de nombrilismes en tout genre que de questions de fond sur le développement de l’intelligence dans notre pays.

Ben Fayot
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