Belval-Ouest

Concurrencer les hauts-fourneaux

d'Lëtzebuerger Land vom 30.05.2002

Le choix des matériaux n'est pas encore arrêté, beaucoup de détails restent à régler. Claude Vasconi ne sait encore donner que les grandes lignes de son projet pour Dexia-Bil à Esch-Belval. Il n'a remporté le concours d'architectes que le 25 avril dernier, tout est allé très vite. Lundi, la banque invitait à la présentation de ses projets de construction sur la friche de Belval-Ouest, dans la proximité immédiate des hauts-fourneaux classés monuments nationaux. 

Montgolfière bleue corporate, tente de luxe, transport par bus - Dexia-Bil ne lésinait pas sur les moyens pour une présentation in situ. Pourtant, les journalistes économiques restèrent sur leur faim : aucun montant concernant l'investissement prévu ne fut donné. «Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'ici, le bâtiment nous coûtera trente pour cent de moins au mètre cube que pour les projets que nous avions au Kirchberg,» dira Frank N. Wagener, membre du comité de direction de la banque. Et l'architecte de préciser qu'une de ses consignes est de rester dans un prix moyen du marché de 1 800 à 2 000 euros par mètre carré.

Si l'année dernière, Dexia était bien déjà nommée, en même temps qu'Utopolis, comme un des premiers investisseurs potentiels sur la friche que le gouvernement veut reconvertir prioritairement, on ne parlait alors que d'un bâtiment pour quelque 500 personnes, notamment le service informatique. Depuis lors, la banque a repensé sa stratégie en vue d'optimiser et rentabiliser ses ressources immobilières, comme l'expliqua Marc Hoffmann, le président du comité de direction de la banque. Sur les dix sites administratifs actuellement parsemés sur le territoire de la capitale et de la commune de Strassen, seul le siège de la route d'Esch, le bâtiment Indépendance, sera maintenu pour rester le siège social et commercial ainsi que celui de la direction. Les neuf autres doivent être fermés d'ici 2010, leurs activités regroupées dans l'un des deux grands bâtiments administratifs. Esch pourra accueillir jusqu'à 2 500, voire 3 000 employés.

Pour être à la fois rapides et flexibles, Claude Vasconi et son associé luxembourgeois Jean Petit avanceront par tranches ou modules. Le premier bâtiment, une grande tour de 70 mètres avec 18 étages pour 800 postes de travail, emblème des ambitions de la banque, en sera le premier élément.Il devrait pouvoir être prêt en 2005, si le chantier peut commencer, comme prévu, au premier trimestre 2003. Claude Vasconi imagine une tour légère, élancée et mince, pleine et en matériau minéral sur ses premiers étages, mais ouverte, avec une construction de verre et d'acier en hauteur, pour qu'elle fasse vraiment signal d'appel derrière ces monuments que sont devenus les hauts-fourneaux. 

Puis sont prévus neuf bâtiments modulaires consécutifs, pour 200 à 600 personnes chacun, dont deux restent des options; il est prévu de les entamer un à un pour que le déménagement et le regroupement des activités de Dexia se fasse dans la durée. «Le travail nous a été énormément facilité car nous avons pu interpréter le système séquentiel, rythmique de Jo Coenen,» estime Claude Vasconi. Coup de chapeau pour son concurrent vainqueur du concours d'architectes pour l'élaboration d'un masterplan sur les 120 hectares du site à réaménager, concours auquel son bureau a également participé. Claude Vasconi commence à se faire un nom au Luxembourg, il avait e.a. participé au concours pour la salle philharmonique et est en train de construire le nouveau bâtiment de la Chambre de commerce au Kirchberg.

La bourgmestre d'Esch-sur-Alzette, Lydia Mutsch (POSL) se félicita du courage de la banque d'opter pour une décentralisation d'une grande partie de ses activités, projet qui doit venir dynamiser la reconversion. Néanmoins, aussi bien la ville d'Esch que celle de Sanem doivent prendre un certain nombre de dispositions pour permettre aux investisseurs de lancer les chantiers, notamment adapter les plans d'aménagement généraux des deux communes, puis élaborer, avec le maître d'ouvrage, les plans d'aménagements particuliers y afférents. 

Puis il y a le rôle de l'État. Il devait jouer un rôle de prescripteur sur le site de Belval, mais visiblement, les projets n'avancent pas aussi rapidement que voulu. Si la ministre de la Culture, Erna Hennicot-Schoepges (PCS) a promis de déposer le projet de loi sur la construction de la salle pour musiques amplifiées avant l'été à la Chambre des députés - le 23 juin, le festival de rock gratuit Steelworx aura lieu sur le friche et permettra de faire un premier test quant à l'adaptation du site pour de tels événements -, le Conseil d'État vient de descendre en flammes le projet de loi portant création d'un établissement public, qui devrait gérer les réalisations d'équipements du gouvernement sur place. 

Le gouvernement voulait y créer une sorte de «Fonds Belval-Ouest», qui aurait des parallèles à ceux du Kirchberg ou de la Vieille Ville, établissement public doté d'un premier budget de 50 millions d'euros, et qui coordonnerait et superviserait les projets de construction successifs du gouvernement - Cité des sciences, archives, centre pour l'histoire sociale de la sidérurgie, salle de concerts etc. - , pour plus d'un milliard d'euros en tout. Le Conseil d'État toutefois n'y voit aucune utilité et propose purement et simplement d'abandonner le projet de loi et de mieux fournir l'administration des Bâtiments publics en personnel et en moyens financiers afin de lui permettre d'accomplir les charges qui incomberaient à ce fonds. 

Outre le fait qu'il considère le domaine défini par le projet de loi comme trop vaste et varié et son texte trop vague, il émet surtout des oppositions formelles sur la mise à disposition des crédits budgétaires assez conséquents, estimant que ni leur source ni leur affectation ne sont assez clairement définies. Si, comme les Verts, le Conseil d'État se dit d'accord avec les grands objectifs de l'aménagement des friches, c'est la mise en place des structures qui le dérange. 

Or, si l'État a opté pour la mise en place d'un fonds, c'est aussi pour garantir une certaine flexibilité et rapidité d'intervention à un tel organe, créé pour une durée déterminée. Il est vrai qu'il y a urgence, non seulement pour mettre en confiance d'autres investisseurs privés - la société de développement et de valorisation Agora aurait «des douzaines» de demandes provisoires sur son bureau - mais aussi pour parer au plus urgent. À savoir la «sécurisation, mise en valeur et restauration des constructions à préserver», notamment les hauts-fourneaux, les cheminées ou encore la salle des soufflantes, qui sont en train de rouiller et de se désintégrer en grande vitesse. 

Lors de leur prochaine réunion jointe, mercredi 5 juin, les commissions des Travaux publics et des Affaires intérieures doivent se pencher une nouvelle fois sur cet avis défavorable du Conseil d'État et trouver une solution pour faire avancer les choses.

 

 

 

 

 

 

josée hansen
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