Avoirs de l'État

L'irrationnel

d'Lëtzebuerger Land vom 11.12.2008

« Cette crise (financière), c’est une crise de la traçabilité du risque » estima le président du groupe parlementaire du DP, Charles Goerens, mercredi à la tribune de la Chambre des députés. Or, justement, durant les débats sur le projet de budget d’État pour l’année 2009, qui doit être adopté mardi prochain, les députés cherchaient des traces du risque qu’ils prennent en votant pour un budget dont ils ignorent la véracité. Quelques jours avant le début de l’exercice, la majorité sait qu’il sera déficitaire et est prête à l’accepter afin de faire jouer les « stabilisateurs », mesures ponctuelles ou sociales afin d’augmenter le pouvoir d’achat des ménages et miser sur une politique d’investissements volontariste afin de faire travailler les PME/PMI. Ce qui fit dire au président du LSAP, Alex Bodry, pourtant critique vis-à-vis des chiffres présentés, que « ce budget est celui avec les accents de politique sociale les plus courageux de toute cette législature ». Son collègue de parti Ben Fayot concède pourtant que « la question du sens de ce budget se pose, bien sûr », mais son homologue du CSV, Michel Wolter, y avait déjà répondu la veille : « Nous avons besoin d’un budget pourtravailler ». 

Car voilà bien tout l’enjeu de cet exercice absurde de voter un budget dont tout le monde sait qu’il est faux dans son estimation des recettes : l’État a besoin d’une loi de base qui lui permette d’engager de l’argent. La majorité comme l’opposition politiques doivent donc se résoudre à croire au lieu de savoir. Les prévisions économiques pour 2009 changent trop souvent et trop vite, tel est le credo du gouvernement, qui opte pour un pilotage à vue. Pour rassurer, le ministre du Trésor et du Budget, Luc Frieden (CSV), annonça les chiffres des entrées d’impôts sur les onze premiers mois de cette année : l’impôt sur les salaires (1,9 million d’euros), la TVA (2,2 millions euros) et l’impôt commercial (572 000 euros) ont déjà légèrement dépassé les estimations sur douze mois, l’impôt sur les collectivités et la taxe d’abonnement se situent légèrement en-dessous. 

Or, la crise n’a frappé le Luxembourg de plein fouet qu’à l’automne 2008 et ne pourrait vraiment faire ressentir toutes ses conséquences sur les dépenses sociales comme le Fonds pour l’emploi et les manques à gagner côté recettes qu’en 2010 et 2011. Les réserves risquent de se vider très vite, à l’image des Fonds spéciaux. Ce n’est pas un hasard que c’est Gast Gibéryen (ADR) qui fait sortir le Premier ministre Jean-Claude Juncker (CSV) de ses gonds, lorsqu’il reproche au gouvernement de ne pas avoir pris en compte les remboursements des emprunts dans le calcul des avoirs. Or, toutes ces critiques et interpellations seraient encore tout à fait courantes en période préélectorale.

Là où l’exercice devient hors du commun, c’est dans le contexte général de cette crise de confiance rhizomique qui frappe le pays à tous les niveaux : La crise financière et économique, en grande partie exogène, et la crise idéologique (euthanasie) et institutionnelle (monarchie), endogène, ont en commun de déstabiliser les croyances de ce « peuple épris de sécurité » (André Heiderscheid). Que la foi soit celle en un dieu ou la confiance aveugle en un homme providentiel comme Jean-Claude Juncker et son gouvernement, les sceptiques demandent à voir. Pour prendre en compte ce scepticisme des agnostiques, la majorité concède un contrôle serré de l’évolution de la crise (dans le cadre de la Tripartite) et de l’exécution du budget (dans le cadre de la nouvelle Commission spéciale). Et Luc Frieden de conjurer, mercredi : « La crise finira bien par passer ».  

josée hansen
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