Musée de la forteresse

Fouillis

d'Lëtzebuerger Land vom 26.06.2008

Le rapport spécial de la Cour des comptes sur le Musée de la forteresse (d’Land, 14.03.08) a fait ses premières victimes. Cependant, ce ne sont sans doute pas les seules qui ont été visées par les critiques. 

La secrétaire d’État à la Culture, Octavie Modert (CSV), cherche un nouveau directeur au Service des sites et monuments nationaux (SSMN) qui devra certes avoir une expérience confirmée en protection du patrimoine architectural et en gestion financière, mais qui ne devra pas forcément être un spécialiste en la matière. Un diplôme de sciences humaines, économiques ou juridiques devrait faire l’affaire, à en juger l’annonce publiée la semaine passée. Le poste sera libre dès le mois de septembre, car la directrice Christiane Stein­metzer part en retraite. La façade est donc intacte, sauf que derrière les coulisses, la directrice est considérée comme la responsable du scandale autour du Musée de la forteresse qui a mis la secrétaire d’État dans de mauvais draps. Surtout qu’elle n’a fait qu’hériter du dossier. 

En oubliant peut-être que la directrice aussi n’a fait qu’hériter du dossier. Non seulement du Musée de la forteresse, mais du SSMN dont le mode de fonctionnement relève plus du bidouillage et du pilotage à vue que de la gestion rigoureuse d’une administration – même après la refonte du système comptable de l’État en 1999, suite à l’affaire des « dysfonctionnements » au ministère de la Santé.Interrogée par les députes de la Commission du Contrôle de l’exécution budgétaire, la secrétaire d’État répond qu’elle renonce à prendre des mesures disciplinaires pour incompétence contre la directrice et l’ancien comptable du Service – par­ti en retraite. Or, la question de la responsabilité – politique surtout – n’est pas résolue pour autant. Car les deux personnes mises en cause n’ont pas l’occasion de s’exprimer, ni de se défendre puisque rien ne leur est ouvertement reproché. Faire porter le chapeau à la directrice et à l’ancien comptable semble être une solution de facilité, même si d’autres efforts ont été entrepris pour améliorer la situation désastreuse au SSMN. 

Les remèdes n’ont pas tous pris. Ainsi, la Cour des comptes avait émis des doutes quant au rôle que joue la Commission d’accompagnement, ins­taurée en novembre 2006, officiellement pour conseiller et aider la directrice à mettre un peu d’ordre dans ses comptes. En réalité, cette mise sous tutelle était un désaveu cinglant pour la responsable qui n’avait plus que le pouvoir de réaliser des engagements qui ne dépassaient pas la somme de 2 500 euros sans l’avis de la commission. La Cour des comptes notait qu’en fait, cette commission était « pour le ministère un instrument pour s’immiscer directement dans la gestion courante du pro­jet ». D’autres ajouteront que cette mainmise touche toutes les actions du SSMN, avec des retards et des blocages dans certains dossiers pourtant urgents, car la commission ne se réunit que toutes les trois semaines. 

Le ministère répondit aux observations de la Cour des comptes que l’action de la commission d’accompagnement était devenue nécessaire, d’abord parce que le dossier du Musée de la forteresse n’avait pas été une priorité de la directrice et qu’elle ne réagissait pas aux recommandations formulées. Or, tout réside dans la manière dont on traite les gens. Des observateurs diront que la musique fait le ton et que si la commission avait été vraiment efficace, certains collaborateurs du Service ne seraient aujourd’hui pas démotivés au point de vouloir changer de poste. Surtout que le manque de personnel ne date pas d’hier. L’audit organisationnel réalisé par Deloitte l’avait confirmé. Un expert externe a été chargé de débroussailler le terrain pour pouvoir retracer toutes les dépenses liées au projet du Musée de la forteresse –  quelque 1 200 factures et engagements financiers ont dû être vérifiés. D’ores et déjà, les responsables du ministère estiment le dépassement du projet à 2,6 millions d’euros – pour un montant total de 35,3 millions d’euros – causé par la réalisation du circuit Vauban et par le fait que l’architecte n’avait pas inclus ses honoraires dans le décompte adressé au ministère. Le ministère de la Culture est en train d’es­timer les dépenses exactes nécessaires pour la finalisation du projet. 

Une des solutions proposées est de charger l’Administration des Bâti­ments publics des projets de grande envergure. La secrétaire d’État compte lui confier la restauration des rotondes. Cependant, des doutes persistent quant au savoir-faire des services des Bâtiments publics, car la manière de reconstruire des édifices historiques est une matière délicate qui nécessite les connaissances de spécialistes. D’un autre côté, il est logique de confier la gestion de grands projets à une administration capable d’appliquer les procédures des marchés publics.

Dorénavant, trois personnes s’occuperont des dossiers financiers du SSMN et la commission d’accompagnement restera en place jusqu’à l’arrivée du nouveau directeur. 

Quant au Musée de la forteresse, il ne pourra ouvrir ses portes définitivement que d’ici un ou deux ans. Ce qui n’empêche pas une pré-ouverture éventuelle et l’organisation d’expositions temporaires dès que les alentours seront terminés à l’automne 2008. Il fonctionnera à l’avenir en tant que section du Musée national d’histoire et d’art et ne fera plus partie intégrante du SSMN.  

anne heniqui
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