Mécénat

Guider la générosité

d'Lëtzebuerger Land vom 08.01.2009

Signe du temps : la fondation que le ministre du Trésor et du Budget, Luc Frieden (CSV), a présentée mercredi lors d’une conférence de presse, et dont l’objet est d’encourager le mécénat, ne porte pas un nom de monarque, n’est pas nommée d’après un des cinq enfants du couple grand-ducal. Pourtant, l’histoire des fondations luxembourgeoises, régies par la loi de 1928 sur les associations sans but lucratif et les établissements d’utilité publique, modifiée en 1994, est riche en « Adolphe », en « Guillaume », en « Jean » et en « Charlotte ». Elle n’a pas non plus pris le nom d’un des riches maîtres des forges ou commerçants du pays, comme les fondations Jean-Pierre Pescatore, Norbert Metz et autre Emile Mayrisch. Non, le nouvel organisme s’appelle modestement Fondation de Luxembourg, à l’image de son exemple français, la Fondation de France1.

Signal fort : la Fondation de Luxembourg, dont le capital initial de cinq millions d’euros provient paritairement de l’État luxembourgeois et de l’Œuvre nationale de secours grande-duchesse Charlotte, qui gère les fonds provenant de la Loterie nationale, aura son siège dans la House of Finance, boulevard Royal, et sera dirigée par une banquière, l’ancienne directrice d’ABN Amro à Luxembourg, d’origine suédoise, Tonika Hirdman, qui affirme avoir une grande admiration pour « le pragmatisme et l’efficacité » du grand-duché. Elle aura, en un premier temps, à faire preuve des mêmes qualités, car elle devra monter une équipe de quatre ou cinq personnes et définir la stratégie de la Fondation d’ici l’été, date qu’elle s’est posée comme objectif pour atteindre sa vitesse de croisière. La demande de créer une telle Fondation, qui encourage le mécénat et la philanthropie, puisse orienter des clients de private banking qui veulent donner leur argent à une organisation non-gouvernementale (ONG) dans des domaines aussi divers que le social, l’humanitaire, l’environnemental, la santé, le sport ou la culture et fasse également fonction de fondation abritante de l’existant émane en premier lieu du monde de la finance. La Banque de Luxembourg, avec son colloque sur la philanthropie organisé au printemps de l’année dernière, a contribué à la prise de conscience qu’une telle demande existait de la part de clients fortunés. 

Dans sa déclaration sur l’état de la nation en mai 2008, le Premier ministre Jean-Claude Juncker (CSV) avait souligné que le gouvernement comptait encourager le mécénat. Les mesures fiscales adoptées à la Chambre des députés en décembre (augmentation du plafond déductible aux impôts à un million d’euros et abolition de la procédure d’autorisation de dons provenant de pays membres de l’Espace économique européen), la réforme de l’Œuvre grand-duchesse Charlotte, pour laquelle un projet de loi a été déposé en novembre, et la création de cette Fondation de Luxembourg visent à faire preuve du dynamisme du gouvernement afin de développer le secteur. Interpellé sur le choix du moment pour la création de cette Fondation, en pleine crise économique et financière, Luc Frieden, qui préside le modeste conseil d’administration de la Fondation, composé essentiellement de financiers, affirme vouloir anticiper le retour de la croissance économique. Et Tonika Hirdman d’ajouter que « selon mon expérience, les gens fortunés d’aujourd’hui sont surtout des entrepreneurs qui veulent rendre quelque chose à la société. » Or, on se souvient des difficultés rencontrées par les instituts culturels, comme l’Orchestre philharmonique ou le Musée d’art moderne, qui sont tous les deux gérés eux-mêmes par des fondations, pour trouver des sponsors ou mécènes pour leurs activités. Et le monde associatif craint un désengagement de l’État de ces secteurs visés par la philanthropie. Même si le gouvernement affirme que les deux n’ont rien à voir, que l’encouragement du mécénat privé est complémentaire à l’activité de l’État, Caritas et Asti par exemple, toutes les deux actives dans le soutien aux immigrés, ont dû abandonner des projets d’aide aux réfugiés (Passepartout et Go4Lunch), les aides publiques n’ayant pas été reconduites. 

1 Créée dans les années 1970, entièrement financée par des fonds privés, la Fondation de France a distribué 75 millions d’euros en subventions, prix et bourses à 610 fondations ; elle compte 130 salariés et plus de 560 000 donateurs actifs. Son homologue belge, la Fondation roi Baudouin, créée en 1975, a dépensé 48 millions d’euros en 2007, dont douze millions provenaient de la loterie nationale belge.

josée hansen
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