Art contemporain

Noir et rose

d'Lëtzebuerger Land du 30.11.2018

Myriam Hornard n’est pas une inconnue des centres d’art de Dudelange. Elle a déjà par le passé exposé ses travaux de broderie à la galerie Dominique Lang et ses cires à la galerie Nei Liicht. Cinq ans plus tard, la voici qui retrouve les mêmes locaux au premier étage de la rue Dominique Lang et elle combine ses deux expressions plastiques dans And the ashes blew towards us.

Essayons une traduction : « et les cendres nous revinrent portées par le vent ». Serait ainsi évoqué un passé qui viendrait nous hanter, quelque chose qui renaîtrait et le vent qui souffle entraînant tout cela vers l’avant… Un révolver en tout cas accueille le visiteur. Pan ! Mais vise-t-il le cerf en effigie sur un canevas brodé sur le mur opposé ? Ce n’est pas sûr. C’est ce que l’on découvrira de pièce en pièce.

On invite, une fois n’est pas coutume, les visiteurs à parcourir l’exposition à rebours, dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, partant de quatorze « cut » du film d’Alfred Hitchcock Rebecca, d’après le roman de Daphné du Maurier. Rappelons brièvement le scénario de ce film noir basé sur une histoire à l’eau de rose : l’héroïne pourra-t-elle se libérer du poids (réel et fantasmé) que la première épouse (morte et idéalisée) fait peser sur elle (deuxième femme jeune et inexpérimentée) d’un hobereau (veuf et riche) vivant dans une maison de campagne (isolée et anxiogène), servie par une gouvernante (idolâtre de sa maîtresse défunte et hostile à la nouvelle) ?

Voici d’ailleurs les chaussures de cette Cendrillon (ou Blanche Neige) pour aller danser (le baiser du Prince charmant lui apportera-t-il amour et félicité ?). Cloutées de strass certes, elles sont posées sur un drap noir comme un catafalque et entourées d’objets triviaux du quotidien statufiés dans le bronze (une cafetière, un flacon de gouttes, un tube de cosmétique, une chandelle). Au mur, un petit miroir (aveugle) complète cette scène d’intérieur figée.

Des représentations de femmes et d’enfants, modèles de célèbres tableaux de l’histoire de l’art, à broder, sont punaisés sur le mur de la pièce suivante. Mais seuls les visages sont piqués (de fils métalliques), les laissant apparaître comme derrière un voile. Leur fait face, en écho, le sentiment de vacuité qui occupe souvent l’esprit de celles qui s’adonnent aux « ouvrages pour dames » : Myriam Hornard a modelé là le mot Absente. Ces boutons de rose sont, comme les autres pièces de l’exposition, réalisés par cette native du Pays gaumais, à Virton, en résidus de cierges d’église récupérés.

Il y a, à n’en pas douter une complicité entre femmes et féministes (ou l’inverse), à l’œuvre, de pièce en pièce au premier étage de la maison. Car si on continue la visite dans le sens inverse des aiguilles d’une montre et à filer la métaphore, For ever, des petites pierres (ou des petites têtes ?) surplombent les robes pastel des débutantes allant au bal, cousues de fil blanc. Puis New Life, un calice (bronze coulé sur un modèle sacré), plein de dragées roses, entouré de vaporeux rideaux, aussi frais et sensuels qu’ils sont (également) roses, va assurément comme un gant à Danielle Igniti, à l’initiative, rappelons-le ici, des deux présentes expositions aux deux galeries de la Ville de Dudelange. Ses dernières : moitié grinçant, moitié clin d’œil, à l’image de And the ashes blew towards us : outils à couper le fil, la cire, le métal… Tout ce qui entrave ?

L’exposition And the ashes blew towards us est à voir jusqu’au 23 décembre à la galerie Nei Liicht, rue Dominique Lang, à Dudelange 2018 ; ouvert du mercredi au dimanche de 15 à 19 heures ; ouverture exceptionnelle à 11 heures, le 15 décembre pour une encontre avec Myriam Hornard et une performance de tirage de Tarot de Marseille par Philippe Koeune ; www.galeries-dudelange.lu.

Marianne Brausch
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