Sécurité des jouets

Le mauvais œil de la poupée chérie

d'Lëtzebuerger Land du 04.11.2010

Les résultats sont affligeants. Dans le dernier numéro de son magazine Test, la Stiftung Warentest1 allemande publie les résultats d’essais sur cinquante jouets, et à l’arrivée, tire la sonnette d’alarme : 80 pour cent des jouets que l’organisme allemand a analysés sont pollués de produits chimiques nocifs ; seuls cinq des 80 objets sont impeccables sur tous les points de sécurité, alors que cinq autres sont carrément dangereux et impliquent des risques de suffocation par de petites pièces qui se détachent ou peuvent prendre feu. Le plus consternant dans ces résultats, c’est qu’ils concernent toutes les marques, y compris les plus chères, ainsi que des jouets en bois qui font la promotion sur le côté écolo de leur matériau : presque tous sont pollués par des produits chimiques. La lecture du dossier à un mois du Kleeserchersdag et à sept semaines de Noël, la moisson de jouets pour les enfants, risque de carrément couper l’envie aux parents de faire leurs emplettes.

Le député CSV Marc Spautz a lu ce magazine – et a immédiatement posé une question parlementaire sur le sujet au ministre de l’Éco­nomie luxembourgeois, Jeannot Krecké (LSAP), qui assure la tutelle des organismes de contrôle de la sécurité des jouets au Luxembourg, lui demandant s’il ne fallait pas envisager de revoir la réglementation européenne et, le cas échéant, aller jusqu’à interdire l’importation de jouets ne remplissant pas les standards européens – plus de la moitié des jouets testés étaient produits en Chine. Marc Spautz devrait pourtant savoir quel est le degré de sécurité demandé aux jouets au niveau européen, car il est non seulement membre, mais même vice-président de la commission parlementaire de l’Économie, qui est en train d’analyser le projet de loi n° 6118 « relative à la sécurité des jouets », déposé en mars et visant à transposer la directive 2009/48/CE sur le sujet.

Cette directive vient remplacer celle de 1988, qui avait été complètement dépassée par l’évolution des technologies de production, les avancées de la recherche et les modes des jouets depuis plus de de vingt ans. Dans le texte du projet de loi, qui est en attente d’un avis complémentaire du Conseil d’État, le grand-duché s’en tient à une transposition littérale de la directive, qui implique surtout une responsabilisation accrue de tous les acteurs économiques de la chaîne, que ce soient les producteurs, les importateurs ou les distributeurs, devant tous augmenter leurs contrôles de conformité, leur vigilance et leur communication (avertissements, label CE) par rapport aux produits qu’ils commercialisent.

Ainsi, parmi les principaux changements, les dispositions pour éviter l’étranglement ou la suffocation seront resserrées, la protection de l’ouïe de l’enfant souvent agressée par les sons des nouveaux jouets, augmentée, de nouvelles substances pouvant causer le cancer, modifier le patrimoine génétique ou nuire à la reproduction seront interdites dans les jouets, tout comme les produits allergisants et les métaux lourds toxiques, comme le plomb ou le mercure. En lisant la liste des améliorations prévues, on ne peut pourtant qu’être surpris que ce n’était pas le cas jusqu’à présent.

Au plus tard depuis les scandales de 2007-2008 entourant les pollutions au plomb de jouets des grands fabricants américains, notamment Mattel et ses marques comme Fisher-Price, qui avaient dû retirer du marché plus de 20 millions de jouets pour raisons de sécurité et avaient supprimé leur licence à 700 de leurs 3 500 usines chinoises, on croyait l’opinion publique excessivement sensibilisée à la question. C’est peut-être parce qu’elle sait les parents si critiques pour l’achat de produits pour leurs enfants que la société Mattel vient à nouveau de retirer fin septembre, début octobre, plus de dix millions de jouets aux États-Unis et au Canada et 20 000 en Europe, dont aussi une gamme au Luxem­bourg (le garage Little People, des chaises pour enfants ou encore des jouets contenant des balles gon­flables). « Nous prenons très au sérieux les incidents avec nos produits et nous nous excusons d’avance des éventuels désagréments que ce rappel pourrait occasionner, » lit-on dans le communiqué de la marque publié sur le site de l’Ilnas2, créé il y a deux ans et en charge entre autres de la veille sur la sécurité des jouets au Luxembourg.

En attendant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, qui définit plus clairement ses missions – la directive doit être transposée en droit national au plus tard en juillet 2011 – l’Ilnas a déjà repris ce domaine précis de surveillance du marché de l’Inspection du travail et des mines, s’est équipé et fait déjà des tests de jouets qu’il trouve douteux. En outre, il est le point de contact national du Rapex3, réseau européen d’échange rapide d’informations sur les produits à risques notifiés par les agences nationales à Bruxelles et dont l’Ilnas reçoit les alertes et vérifie la présence de ces objets sur le marché luxembourgeois.

La consultation du site du Rapex est édifiante, on y trouve à rythme hebdomadaire les derniers produits dangereux recensés – et les jouets se placent en règle générale en deuxième place du hit-parade des produits retirés du marché. Les statistiques mensuelles sont claires : la Chine est le plus souvent le pays d’origine de ces objets avec lesquels les enfants peuvent sérieusement se blesser. Depuis 2005, le Luxembourg a seulement déclaré onze produits au Rapex, qui ont soit été interdits ou volontairement retirés de la vente.

1 Test, Stiftung Warentest, November 2010.
josée hansen
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