Internet : Le Luxembourg en ligne

Banquiers branchés

d'Lëtzebuerger Land vom 28.10.1999

L'Internet a rattrapé la Banque et Caisse d'Épargne de l'État. Depuis mardi 26 octobre, le site www.snet.lu de la BCEE offre la possibilité d'exécuter des opérations bancaires. D'aucuns diront que, si la bonne vieille Spuerkees s'y met, le Web doit vraiment s'être imposé partout. Ce serait toutefois faire injustice à la banque publique qui comptait jusqu'ici toujours parmi les pionniers des différentes étapes de la banque à distance. Même si, en 1996, la BCCE avait encore préféré une étape intermédiaire en lançant S-Line, un système fonctionnant à base d'une connection directe entre le PC du client et les ordinateurs de la banque plutôt qu'à travers l'Internet.

Dans un an, la quasi totalité des banques luxembourgeoises offrira des services de Internet banking. La Caisse Raiffeisen se lancera à la mi-novembre. La Banque générale (BGL), où l'on se veut encore discret, devrait suivre au premier semestre 1999. Au Crédit européen on parle de même de juin ou juillet de l'an 2000. Seule la Kredietbank (KBL) fait bande à part, estimant que l'Internet ne correspond pas aux attentes de sa clientèle de banque privée.

À cette liste il faut bien sûr ajouter les pionniers de la première heure, la Banque internationale (Bil) et Fortis Bank, tous les deux présents avec des sites transactionnels depuis 1997. Mais il y a aussi d'autres banques au Luxembourg à offrir ces services, comme le Crédit agricole Indosuez ou encore les Néerlandais de Rabo Robeco Bank. 

Les motivations pour les banques de se lancer dans l'aventure sont multiples. Fortis Bank Luxembourg a posé l'Internet banking en véritable stratégie d'entreprise, abondant ses agences classiques pour ne garder que ses centres de private banking. Le site www.e-banking.com, c'est eux.

L'activité de gestion de patrimoine pour non-résidants est un des principaux moteurs de la banque par Internet sur la place financière. L'outil Web s'intègre parfaitement dans les services offerts à ce type de clientèle qui ne fait que rarement le voyage de Luxembourg. Une fois la signature électronique acceptée juridiquement au Grand-Duché, on pourra même ouvrir des comptes auprès des banques de la place sans se déplacer dans un de leurs salons discrets. 

Pour les banques à guichets luxembourgeoises, l'e-banking permet, comme les Bancomat, S-Bank et autres Servi-Bank, une automatisation accrue des opérations bancaires standards. Dans l'idéal, l'ensemble des virements, prélèvement de petites sommes et consultations de comptes se ferait à travers ces guichets automatiques dont, grâce au Web, on peut maintenant disposer aussi chez soi. Tendance que les banques encouragent d'ailleurs par des tarifs préférentiels.

Le but est de libérer le personnel d'agence des banques de ces tâches afin qu'il puisse concentrer ses activités sur le conseil des clients en ce qui concerne les prêts ou placements, par exemple. Ces employés sont aujourd'hui de mieux en mieux formés afin de pouvoir répondre à des demandes de plus en plus larges de la part de la clientèle. Du personnel en fin de compte surqualifié, et surtout trop cher, pour passer la moitié de son temps à encoder des formulaires de virement.

Il existe, bien sûr, aussi une demande de la clientèle pour l'e-banking. Une demande qui résulte cependant en partie aussi de décisions des banques, comme les extraits de compte envoyés plus que toutes les deux semaines. 

Le problème des banques à guichets reste que la demande pour les services de banque à distance vient d'un nombre limité de clients, correspondant à un même profil : jeune, actif, habitué à manipuler des ordinateurs. Des clients qui déjà aujourd'hui ne se présentent aux guichets que pour des besoins particuliers. Les autres, qui n'utilisent toujours pas leur carte Bancomat voire ne remplissent pas eux-mêmes leurs fomulaires de virement, ne seront sans doute pas davantage intéressés par l'e-banking.

Il n'en est pas moins qu'il devient quasi impossible pour les banques à guichets d'ignorer le phénomène Internet. Surtout pour les jeunes, ces services peuvent influencer leur choix de banque. Les systèmes d'e-banking sont d'ailleurs devenus abordables. À la BCEE on parle de trente à quarante millions de francs ? l'équivalant de la rénovation d'une agence bancaire moyenne. La Caisse Raiffeisen estimait  au printemps le coût à quelque quinze millions. Sans qu'il soit sûr que les deux chiffres incluent les mêmes postes. 

Les sites sont la plupart du temps développés en collaboration avec des consultants externes, surtout pour l'aspect sécurité et confidentialité des données. La Bil travaille ainsi avec Scorpio/IBM alors que la BCEE et Fortis collaborent avec l'Allemand Brokat Infosystems, qui dispose d'ailleurs d'une succursale au Luxembourg. Un marché qu'on semble estimer porteur.

Le coût des systèmes varie surtout en fontion des services offerts. La consultation des comptes, les virements, l'achat de Sicav de la banque sont aujourd'hui un standard. Selon les sites, les opérations boursières sont aussi offertes. Avec toutefois d'importantes différences entre le choix de Bourses et de titres, de même que la rapidité d'exécution des ordres.

Le choix d'investir dans ces services dépend de la stratégie de base des banques. Vise-t-on d'abord les clients du private banking ou la clientèle retail locale ? Puis se pose la question du positionnement : haut de gamme ou plutôt discount. Dans ce dernier cas, il faudra en plus prendre en compte la concurrence des online broker1 qui offrent souvent un accès direct aux marchés à des prix très compétitifs. 

Les prochaines étapes seront donc probablement dictées par les clients, qu'il faudra encore convaincre des nouveaux services et de leur fiabilité. La Bil était ainsi en avance sur son temps et n'a pu que cette année atteindre le cap des dix mille clients de Bil-online. Les prévisions de Fortis prévoient d'atteindre ce chiffre en l'an 2000. Le logiciel S-Line de la BCEE est installé chez huit mille clients. Il sera d'ailleurs intéressant de voir si les clients de ce système fermé migreront vers l'Internet. Car pour les clients, gérer son argent par ordinateur reste avant tout une question de confiance. 

1 Trois sociétés de ce type se sont installées au Luxembourg aux adresses Internet www.keytrade.lu, www.whselfinvest.com et www.eurotrade.lu. 

Jean-Lou Siweck
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