Luxembourg Online

David titille Goliath

d'Lëtzebuerger Land du 25.09.2003

Ils s'appelaient KPN, GTS ou encore Firstmark. Leur venue au Luxembourg avait un objectif bien précis : bousculer le marché des télécommunications et laisser aux P[&]T peut-être quelques miettes. Cinq ans plus tard, la réalité est une autre. Le marché luxembourgeois aussi bien de la téléphonie que celui de l'Internet est toujours dominé par l'opérateur historique. Ceux qui ont survécu dans son ombre ne sont pas nécessairement ceux auxquels on s'attendait. Les grands ont presque tous plié bagage. Mais il y a toujours quelques petits qui s'accrochent, voire font mieux que ça. Parmi les premiers de classe, on trouve Luxembourg Online (online.lu), une petite histoire à succès locale.

« Je prétends que nous sommes le numéro deux du marché Internet derrière les P[&]T, annonce Claude Radoux, administrateur délégué de Luxembourg Online (LOL). Mais j'admets que Tele2 est sans doute très proche de nous. » L'offre d'appel de LOL est l'« Internet gratuit ». Sous l'adresse internet.lu, il suffit de remplir une brève fiche d'identité pour y accéder grâce à un numéro de téléphone et un mot de passe. La connexion à Internet se fait au même tarif qu'un simple appel local. Puisqu'on facturait avant l'apparition de ce service l'accès Internet en plus de la communication téléphonique locale, on parle d'« Internet gratuit », même si c'est bien un service payant. Tele2 offre d'ailleurs un accès Internet moins cher qu'un appel local.

Depuis peu, Luxembourg Online a élargi son offre de manière à en faire un acteur complet du marché de l'Internet. Des petits ISP (Internet service provider) offrant des services dial-up d'accès analogique ou ISDN existent depuis les débuts de la toile. LOL par contre commercialise depuis quelques mois en plus des connexions Internet via ADSL, donc à haut débit. Plus intéressant encore, l'offre d'Internet à bande large a été élargie au réseau câblé d'Eltrona depuis la rentrée. En contournant ainsi les P[&]T, LOL est à même d'offrir des tarifs des plus intéressants.

Luxembourg Online est né il y a une éternité, quand le world wide web n'était encore qu'à ses premiers pas : en 1995. Les P[&]T regardaient alors l'Internet avec beaucoup de méfiance. Pour accéder à la toile, l'internaute s'adressait à un ISP, un Internet service provider. Il s'agissait pour la plupart de petites sociétés créées par des fans d'informatique qui avaient installé des batteries de modems dans leur cave. L'abonnement à Internet s'achetait alors à part et venait s'ajouter à la facture téléphonique.

Au début, Paul Retter et Claude Radoux, les deux fondateurs de Luxembourg Online, se positionnaient surtout comme conseillers et créateurs de sites Web. L'accès à Internet n'était encore qu'un à côté. Les offres à abonnement étaient à partir de novembre 1999 complétées par l'« Internet gratuit », rendu possible grâce à la libéralisation et  aux infrastructures de Global One (aujourd'hui Equant, groupe France Télécom).

À l'époque, la jeune société s'était liée au doyen omniprésent de la presse luxembourgeoise : l'Imprimerie Saint-Paul. « En 1996, explique Claude Radoux, nous étions à la recherche d'un partenaire pour nous développer. L'accord prévoyait que Luxembourg Online serait la plate-forme Internet du groupe Saint Paul. » L'éditeur du Luxemburger Wort entre donc au capital et au conseil d'administration de LOL. 

Luxembourg Online développe alors une plate-forme de commerce électronique utilisée notamment (et toujours) par les Librairies réunies (groupe Saint-Paul). Ses autres clients sont le Festival de Wiltz et celui d'Echternach, les Caves Gales ainsi qu'un opticien. 

L'alliance avec le groupe Saint-Paul  ne durera cependant pas. En 2000, le groupe Saint-Paul se retire de LOL pour cause d'intérêts divergents. L'alliance n'aura pas moins pendant ses derniers mois d'existence un effet des plus bénéfiques pour LOL. 

Luxembourg Online n'était au début qu'un acteur parmi d'autres dans l'« Internet gratuit ». Mais grâce à une campagne de publicité dans le Wort, la petite start-up allait vite s'imposer sur ce marché. LOL devient, selon Claude Radoux, le numéro deux derrière les P[&]T sur le marché de la connexion à Internet. Les autres pionniers de l'époque se sont depuis tous fait racheter, dont certains par LOL. Même si la rupture n'allait plus se faire attendre, cette coopération avec le Wort était peut-être déterminante dans la survie de LOL, là où nombre d'autres sociétés liées à Internet ont disparu.

« À partir de 2000, avec la crise de la 'nouvelle économie', raconte Claude Radoux, les télécommunications se sont imposées automatiquement comme notre activité principale. » LOL crée certes toujours des sites Internet, mais ce n'est plus son principal créneau.

Luxembourg Online est aujourd'hui un opérateur de télécommunications complet mais spécialisé sur Internet. La société dispose notamment d'une coûteuse licence A de télécommunication qui lui permet une certaine indépendance et liberté de négociation vis-à-vis de ses fournisseurs. D'un point de vue technique, la société collabore notamment avec Equant et Cegecom. 

Les infrastructures ne sont cependant pas le plus important selon Claude Radoux : « Je viens du Sud du pays. Pendant la crise de la sidérurgie, ce n'était pas le producteur d'acier qui créait le plus de valeur ajoutée, mais l'intermédiaire commercial. Le lien avec le client est plus important que la production. Cette leçon me guide encore aujourd'hui. » Plutôt que de procéder à de coûteux investissements, LOL loue les infrastructures et connexions nécessaires, tout en veillant à ne pas tomber dans une relation de dépendance avec ses fournisseurs.

Son service ADSL suit une logique similaire. Alors que Cegecom vend du ADSL en ne louant que les lignes en cuivre auprès des P[&]T (unbundling) et que Visual Online (filiale à 51 pour cent des P[&]T) ne vend que le volet Internet d'une connexion ADSL, Luxembourg Online a conclu un contrat de vente en gros (wholesale) avec les P[&]T pour le service Lux

Jean-Lou Siweck
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