Les fournisseurs d'accès à Internet au Luxembourg

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d'Lëtzebuerger Land vom 28.10.1999

L'utilisation d'Internet et de ses nombreuses ressources présuppose que les utilisateurs disposent d'un accès à ce medium. À côté des accès proposés sur les lieux de travail, dans les écoles, ou encore dans des cybercafés, l'abonnement personnel auprès d'un fournisseur d'accès à Internet (FAI), permettant de se connecter à Internet à partir de son ordinateur à la maison, est le moyen utilisé par la plupart des surfeurs. La question est donc de savoir qui sont les acteurs dans ce domaine sur le marché luxembourgeois et comment ce marché s'est développé, et puis comment choisir un fournisseur, à quoi faire attention et quels sont les éléments qui permettent de faire la différence entre les bons et les mauvais acteurs sur le marché.

Une analyse du marché

Comme dans presque tous les États de l'Union européenne, l'opérateur de télécommunications public, en l'occurrence l'Entreprise des P[&]T, était le premier à développer une stratégie et des moyens adaptés pour permettre l'accès à Internet à grande échelle au Luxembourg. La situation a quelque peu changé depuis, d'autres sociétés sont devenues actives dans le domaine, mais l'importance de la part de marché des P[&]T est toujours considérable. 

Parmi ces autres opérateurs, il faut distinguer entre les PME luxembourgeoises comme Visual Online, Infopartners ou Global Media Systems, et les opérateurs internationaux comme Compuserve ou UUnet, qui proposent leurs services également au Luxembourg. Les premières ont pour la plupart commencé avec un minimum de matériel, et louent leur capacité en bande passante auprès de sociétés internationales. 

En effet, la consultation de données sur Internet se fait à travers des réseaux internationaux, connectés entre eux dans certaines villes autour du globe. Ainsi, la visite d'un site aux États-Unis peut faire traverser les données de l'ordinateur de l'utilisateur à son FAI, du FAI au fournisseur backbone, et le réseau de celui-ci les achemine vers les États-Unis, où il dispose d'une interconnexion avec le réseau de l'opérateur auquel le serveur, qui contient les données désirées, est connecté. Ce voyage virtuel autour du monde s'effectue en quelques fractions de secondes, bien que malheureusement le chargement de certaines pages prenne parfois plus de temps. 

Les FAI dont l'activité est limitée au marché luxembourgeois doivent donc impérativement utiliser le réseau d'autres opérateurs, ce qui crée un désavantage théorique. Les acteurs internationaux offrant des accès personnels au Luxembourg profitent de leur propre réseau pour acheminer les données vers le point le plus proche du serveur qui contient les données consultées. Cependant, ce désavantage est aujourd'hui minimisé, les réseaux internationaux étant beaucoup plus stables et rapides qu'il y a deux ou trois ans encore. 

Au niveau des services offerts, les offres des FAI se rejoignent. Les boîtes à lettres (e-mail), l'accès au newsgroups et l'assistance téléphonique sont inclus dans presque tous les abonnements. Pour les prix cependant, une grande différence persiste: l'Entreprise des P[&]T fait payer à ses abonnés des prix plus élevés par minute que ceux que les utilisateurs doivent payer lorsqu'ils ont souscrit à un abonnement auprès d'un autre FAI. En effet, les frais des abonnés auprès d'autres FAI, à côté des frais de l'abonnement payable une fois par mois ou par an, se limitent au prix d'une simple communication téléphonique, c'est-à-dire à cinq francs par quatre minutes pendant la journée, par exemple. L'accès Internet identifié des P[&]T, par contre, donne lieu au paiement de 1,8 francs par minute, ce qui équivaut à 7,2 francs par quatre minutes. 

Le prix de l'abonnement, qui est généralement annuel, varie entre six et vingt-sept mille francs selon les opérateurs. L'abonnement ISDN est parfois plus cher que celui proposé pour des modems analogiques. 

Le seul acteur non commercial sur le marché luxembourgeois est Restena (Réseau téléinformatique de l'éducation nationale et de la recherche). À côté de l'interconnexion informatique des écoles, une de ses activités est de proposer des accès gratuits ­  hormis les coûts téléphoniques ­ à des enseignants, des étudiants luxembourgeois à l'étranger, ainsi qu'à certains fonctionnaires. Or, les conditions d'attribution d'un tel accès à Internet sont très proches de l'arbitraire; par exemple, certains étudiants luxembourgeois inscrits à des universités à l'étranger se sont vus refuser un accès auprès de Restena, au motif que s'ils ne disposaient pas de boîte e-mail auprès de leur université, ils n'auraient tout simplement pas droit à un accès. La part de marché de Restena est de cinq  à sept pour cent (Statistiques click2view et irc.lu). 

Restena est également l'opérateur d'une plate-forme d'échange de trafic internet luxembourgeoise. Le LIX (Luxembourg Internet traffic exchange) permet d'éviter que, lors d'une visite par un utilisateur d'un site Internet se trouvant sur le serveur d'un autre FAI luxembourgeois, les données ne transitent par l'étranger. La plupart des FAI plus importants sont connectés à cette plate-forme, et y échangent leur trafic, ce qui correspond évidemment à un gain de vitesse au niveau national. 

Ainsi, le marché des FAI au Luxembourg se trouve aujourd'hui quelque peu stabilisé, avec l'Entreprise des P[&]T représentant de 45 pour cent à 55 pour cent des accès individuels, Visual Online de dix à quatorze pour cent, UUnet de huit à dix pour cent, Restena de cinq à sept pour cent, et les autres acteurs se partageant le reste du marché (Statistiques click2view et irc.lu). 

Un élément qui a certainement contribué à cette stabilisation a été le rachat de Selection Line par Visual Online en juillet 1999. Cet événement a d'ailleurs donné lieu à certaines controverses: le partenaire précédent de Selection Line (Spectrum Technology, opérateur de Happycom et de Hermesnet) a ainsi été condamné pour concurrence déloyale. En effet, il avait utilisé la base de données des clients et le nom de Selection Line sans y avoir droit, et contacté les clients pour leur offrir de souscrire à un abonnement Internet auprès d'une de ses filiales, au lieu de rester abonnés auprès de Selection Line repris par Visual Online. Apparemment, la légalité de cette démarche n'a pas été approuvée par les juges. 

La démarche commerciale des FAI présents au Luxembourg est assez primitive, comparée à celle empruntée dans les pays avoisinants: le seul FAI qui effectue une démarche réelle est l'Entreprise des P[&]T. Elle est axée principalement sur des annonces dans les journaux, et la vente des «Cubes Internet», qui contiennent les logiciels nécessaires à l'accès ainsi qu'un abonnement de deux mois. Les autres FAI semblent en général se contenter d'une publicité centrée autour du bouche-à-oreille, ce qui est fort peu comparé aux campagnes publicitaires qu'on voit à l'étranger. 

L'enjeu majeur à l'avenir en matière d'Internet sera certainement la bande passante. En effet, celle-ci est pour l'instant limitée à 56Kbit par seconde avec un modem, et à 64Kbit/sec ou 128Kbit/sec pour l'ISDN. D'autres technologies, comme, par exemple, les cable modems utilisant le réseau câblé TV, les technologies xDSL par ligne téléphonique standard ou encore l'Internet par satellite permettent des débits beaucoup plus importants allant jusqu'à 2000 Kbit/sec ou plus. Cependant, la technologie des cable modems n'est qu'en phase d'essai au Luxembourg, et son développement à grande échelle nécessiterait des investissements dépassant de loin les capacités financières des câblo-opérateurs plus petits. 

En ce qui concerne l'Internet par satellite, Europe Online Networks s.a. a récemment présenté au public un projet permettant le téléchargement par satellite nommé Internet in the Sky. Or, l'envoi de données, contrairement au téléchargement, se fait toujours par ligne téléphonique. Finalement, la technologie ADSL (Asymmetric Digital Subscriber Line) est déjà disponible dans les quartiers Gare et Centre de la ville de Luxembourg, mais à des prix peu compétitifs pour des particuliers.

Un autre événement qui pourrait sensiblement changer le paysage actuel serait l'entrée sur le marché de FAIs qui proposent un accès gratuit; en France et au Royaume-Uni de telles offres existent déjà et connaissent un succès formidable. Ces opérateurs se financent généralement par de la publicité sur leur site, et certains ont montré un intérêt à étendre leur offre au marché luxembourgeois. Un premier service de ce genre vient d'être lancé par l'équipe autour du moteur de recherche Spider.lu.

Pour conclure, on peut dire qu'actuellement le marché des FAI au Luxembourg se développe dans une ambiance bon enfant, avec une concurrence existante mais qui semble se contenter d'évoluer sans trop d'agressivité commerciale. Cependant, l'entrée sur le marché d'un grand opérateur étranger ou encore le développement plus rapide des nouvelles technologies pourrait prendre de court les opérateurs existants, généralement trop peu enclins au changement et pour la plupart d'entre eux disposant de moyens financiers insuffisants pour pouvoir réagir de manière adéquate à une telle évolution. 

Le choix d'un FAI

Lors du choix d'un FAI, il faut d'abord déterminer quels sont les besoins concrets; l'accès à Internet en question sera-t-il utilisé à des fins professionnelles ou privées? Les besoins professionnels peuvent nécessiter une connexion permanente, qui n'engendre pas de coûts téléphoniques supplémentaires et permet un raccordement continu à Internet. De telles connexions sont disponibles auprès de la plupart des FAI, cependant, il faut dire qu'actuellement le prix offert par l'Entreprise des P[&]T semble être de loin le plus compétitif (15600 francs HTVA par mois pour une connexion permanente à 64K). 

Pourtant, pour la plupart des usages faits au niveau professionnel ainsi qu'au niveau privé, une connexion permanente n'est guère rentable. Donc, pour les accès non permanents, la première question à se poser est de quelle sorte de ligne téléphonique l'on dispose: s'agit-il d'une connexion ISDN ou normale/analogique? En effet, certains FAI proposent des prix différents selon le type de connexion, un abonnement ISDN permet des vitesses de téléchargement sur Internet sensiblement plus rapides. Pour d'autres cependant, le prix est indépendant du type de connexion désiré. 

Le second élément à prendre en considération est la durée pendant laquelle l'on projette de se connecter par mois. En effet, pour des connexions inférieures à cinq heures par mois, l'accès anonyme, tel que proposé par les P[&]T, donc sans abonnement mensuel mais avec des coûts par minute élevés, est le plus intéressant. Pour des durées de connexion supérieures, le choix d'un autre mode d'abonnement s'impose : là encore il faut faire la différence entre 

­ l'Entreprise des P[&]T, qui propose un autre abonnement à 590 francs/mois, mais avec des prix par minute plus élevés que les coûts d'une simple communication téléphonique (voir plus haut), 

 

Raoul Mulheims
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