Sept nains

Gulliver prends garde !

d'Lëtzebuerger Land du 03.04.2003

« Tu nous les pompes, Valéry, » était le message à peine voilé des sept Premiers ministres réunis mardi soir à Luxembourg pour débattre du futur agencement des institutions de  l'Union européenne. Au centre du débat se trouvent deux idées chères au président de la Convention sur l'avenir de l'Europe, Valéry Giscard d'Estaing : la création du poste d'un président à temps plein du Conseil européen, d'une part, et l'instauration d'un « Congrès des peuples », de l'autre. Sur les deux points, les « sept nains », comme on a baptisé malgré eux les sept États comptant parmi les plus petits de l'Union, voulaient faire savoir leurs objections.

La réunion de mardi était dès lors surtout un exercice de communication. « Il s'agissait davantage d'échanger des arguments que de prendre des décisions, » expliquait la ministre des Affaires étrangères Lydie Polfer en marge de la réunion. Pour le corps de presse bruxellois, qui avait fait le déplacement en grand nombre, c'était donc plutôt une déception. La position de fond des sept était connue auparavant. Et en à peine deux heures de réunion, on n'a guère développé les détails.

Deux phrases, qu'on entendra et réentendra beaucoup dorénavant dans les débats européens, sont nées de l'exercice : « Nous ne voulons pas de nouvelles institutions » et « La nomination d'un président permanent du Conseil européen serait un dérapage intergouvernemental qui mènerait à la création d'une 'Commission bis' ».

Le problème pour les sept pays (le Benelux plus l'Irlande, l'Autriche, le Portugal et la Finlande) est qu'ils sont davantage d'accord sur leurs oppositions que sur leurs propositions. La rotation semestrielle de la présidence de l'Union devrait ainsi être maintenue. Sur les « accommodations » qu'on serait prêt à accepter, il n'y a pas de ligne commune. Idem pour la Commission européenne. Jusqu'à 27 États membres, on devrait garder un commissaire par pays. Et après ? Ce n'est pas urgent, réplique le Premier ministre Jean-Claude Juncker, président en exercice du Benelux et hôte de la soirée. Or, la question pourrait se poser dans cinq ans déjà.

Sur les grandes lignes, Giscard saura donc dorénavant à quoi s'attendre. Son Congrès des peuples, qui réunirait une fois tous les cinq ans des parlementaires de tous les États membres, n'a jusqu'ici convaincu personne. Son président permanent du Conseil européen, qui réunit les chefs de gouvernement des États membres, est opposé par un nombre important des pays ­ comme d'ailleurs par une majorité à la Convention. Ce n'est pas neuf. Or jusqu'ici, Giscard avait surtout comme ambition de rédiger une Constitution européenne acceptable pour les poids lourds de l'Union. Les troupes n'ont qu'à suivre. Toutefois, il aura maintenant du mal à ignorer les vues des pays plus petits constitués en bloc.

Dans une première phase, on avait essayé de présenter le nouveau président du Conseil européen comme quelqu'un avec un rôle réduit. Entre-temps, les propositions de certains grands pays indiquent par contre clairement qu'il deviendrait le nouvel homme fort de l'Union ­ au détriment inévitable de son homologue de la Commission européenne. « Nous récusons l'idée que le président de la Commission soit dégradé au rôle d'un assistant du président du Conseil européen, » précisait Jean-Claude Juncker.

Les sept semblent d'accord pour accorder une rallonge à la Convention. Elle devrait arrêter son projet de Constitution « au cours de l'été » plutôt qu'en juin. Les négociations formelles entre États membres commenceraient alors en automne.

 

Jean-Lou Siweck
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