Ces derniers mois, il ne donnait que des «chère Erna» par-ci, des «chères Erna» par-là... Mars di Bartolomeo, député-maire socialiste de Dudelange n'avait de cesse de vanter à qui voulait l'entendre la bonne collaboration de sa commune avec la ministre de la Culture, Erna Hennicot-Schoepges (PCS), dans l'élaboration du projet conjoint Centre national de l'audiovisuel (étatique) et Centre culturel communal - projet dont le premier coup de pelle fut donné le 16 janvier dernier. Après tant d'enthousiasme, difficile de lancer la campagne électorale sur le propre terrain de prédilection de la ministre: la culture. Et pourtant, c'est ce que le parti socialiste (LSAP) vient de faire, mardi, en lançant la deuxième étape de sa grande offensive culturelle. Après une large consultation des professionnels de la culture - approche de député ou de fonctionnaire habitués des hearings à tout va - commence aujourd'hui une série de table-rondes ouvertes au public.
Premier thème: le cinéma au Luxembourg. Cela pourrait devenir chaud, puisque le producteur et distributeur Paul Thiltges et le directeur du Fonds de soutien à la production audiovisuelle Guy Daleiden y seront réunis, pour la première fois en public depuis leur altercation, par lettres et presse interposées, sur le financement de la suite du Club des chômeurs d'Andy Bausch. Mars di Bartolomeo, qui préside depuis peu le groupe culture du LSAP, trouve résolument que les productions nationales ne doivent pas faire les frais de la professionnalisation du secteur, que le film «luxembourgeois» doit être hautement subventionné.
Pour le président du LSAP, Jean Asselborn, c'est simple: la culture est la panacée à tous les maux de société, ou presque. «La culture constitue dans notre société la base du respect et de la tolérance,» dit-il. Et qu'il est temps d'investir dans les hommes et les femmes qui font la culture après tant d'années d'investissements dans les infrastructures ou les pierres. Il reprend par là à son compte le reproche exact que l'opposition politique fit à la fin des années 1990 au tandem Erna Hennicot / Robert Goebbels, ministre des Travaux publics ...socialiste. Aujourd'hui, les socialistes mettent en garde contre le faux réflexe qui consisterait à réduire les budgets de fonctionnement en temps de croissance économique amoindrie.
Fidèles à l'esprit de Robert Krieps, leur mythique ministre de la Culture des années 1974-79, ils vantent les mérites de la décentralisation et la confondent avec la fonctionnarisation des attachés culturels régionaux, qui assument surtout des fonctions de représentation. Les petits centres culturels régionaux devraient mieux coordonner leurs activités, le management culturel en général être mieux organisé, le ministère de la Culture être mieux équipé en personnel, l'enseignement musical revu pour être moins contraignant. Les socialistes s'engagent pour la Rockhal, salle de musiques amplifiées, dont le deuxième projet de loi risque à nouveau de faire les frais des mesures de redressement budgétaires. Dans les prochaines semaines, le député Marc Zanussi va déposer une proposition de loi pour la réorganisation des bibliothèques. Et les socialistes s'engagent pour l'architecture, qu'ils considèrent comme un art, ce qui est déjà assez révolutionnaire pour être souligné. Par contre, pour le théâtre, pour les arts plastiques, la musique classique, le discours est déjà moins fouillé.
Après les «sports pour tous», les socialistes aimeraient voir se propager la «culture pour tous» et optent pour cela pour une approche résolument anti-intellectuelle. Peut-être est-ce dû à l'expérience locale ou à l'approche des réunions informelles - parler de théâtre ou d'arts plastiques au lieu d'aller voir sur le terrain -, seul Ben Fayot intervint en faveur du high-end, plaidant pour la création d'une bibliothèque universitaire qui mérite ce titre. Mais peut-être que les points de vue se multiplieront lors des table-rondes publiques à la fin desquelles les conclusions seront coulées dans le programme électoral des socialistes. Le LSAP a pris la main; aux autres partis, notamment le PCS, de réagir.
La table-ronde du forum culture du parti socialiste sur le cinéma intitulée «Action... et cut ! Le cinéma au Luxembourg» aura lieu vendredi 31 janvier, à 18 heures au Studio-brasserie Albert Mousel avec Claude Bertemes de la Cinémathèque, Guy Daleiden du Fonds de soutien à la production audiovisuelle, Joy Hoffmann du Centre national de l'audiovisuel et de l'Utopia, Paul Thiltges, président de l'Union des producteurs, Isabelle Constantini, réalisatrice, et Thierry van Werveke, acteur ; animation : Sylvie Flammang de Radio 100,7. Entrée gratuite. Après le débat, possibilité d'aller voir Lola Montez à la Cinémathèque. Site Internet de l'initiative du LSAP : www.lsap-kulturforum.lu