Droits d'enfant

Dans le meilleur des mondes

d'Lëtzebuerger Land vom 20.11.2008

Onze jeunes placés au centre socio-éducatif de Dreiborn se sont révoltés mardi parce que le juge de la Jeunesse avait pris une mesure de placement à l’encontre d’un de leurs camarades en l’envoyant au centre de détention de Schrassig. En représaille, quatre d’entre eux – les plus récalcitrants – ont eux aussi été transférés au centre pénitentiaire. Faute de mieux, même si l’ORK n’arrête pas de répéter que la prison est le mauvais endroit. « Las d’attendre la mise en place d’une unité de sécurité promise depuis des lustres, l’ORK exige qu’une solutionimmédiate soit trouvée pour éviter tout placement d’un mineur au centrepénitentiaire pour adultes, » écrit sa présidente Marie Anne Rodesch-Hengesch dans son rapport paru hier, et réclame plus de diligence et d’efficacité en matière de recrutement du personnel encadrant.

Pendant toutes les procédures judiciaires, l’enfant doit pouvoir bénéficier du soutien d’un avocat, indépendant de celui de ses parents en cas de divorce. En outre, il n’est pas rare que des jeunes soient entendus par la police sans qu’un parent ou tuteur ne soit à leurs côtés. Cette pratique n’est pas conforme à la Convention des droits de l’enfant, estime l’ORK qui demande « qu’aucun mineur auteur ou victime d’infractions pénales ne soit entendu par la police ou les instances judiciaires en l’absence d’un représentant légal, sauf opposition d’intérêts. »

Dans des cas délicats de suspicion d’abus sexuel, la police devrait d’ailleurs se doter d’experts pour auditionner des enfants qui s’expriment souvent d’une autre manière que les adultes. C’est surtout le cas des enfantsqui présentent un handicap. 

L’Ombudscomité s’est vu confronté à des situations où des plaintes ontdû être classées faute de témoignage convaincant de la part de la victime, qui n’était pas en mesure d’articuler suffisamment bien pour se faire comprendre. Dans ces cas-là, tout réside dans la qualité des examens médicaux.

C’est aussi pour cette raison que « l’ORK réclame l’institutionnalisationdu service médical de dépistage et d’accueil des enfants victimes d’abus, au sein de la clinique pédiatrique du Centre hospitalier deLuxembourg. » Les enfants à besoins spécifiques sont négligés au Luxembourg – ce n’est pas la première fois que l’ORK rappelle ses mises en garde contre des manquements et ses reproches sont particulièrement durs à l’égard de l’Éducation différenciée. Ceci conduit au phénomène récent que de plus en plus de parents décident d’assurerl’enseignement à domicile à leurs enfants plutôt que de les confier à unétablissement qui devrait être un lieu de « socialisation et d’apprentissage de la vie en société ». De graves lacunes sont pointées du doigt au Centre d’Éducation différenciée à Esch-sur-Alzette, où l’enquête de l’ORK a confirmé que « certaines personnes chargées de l’encadrement des enfants en classe étaient particulièrementdésintéressées et se limitaient à assurer une sorte de gardiennagesans appliquer un programme de formation digne de ce nom. »

L’attention particulière portée aux enfants à besoins spécifiques ne cache pas des non-sens au sein de l’enseignement « traditionnel ». Car àcôté des saisines de l’ORK concernant majoritairement des conflits deloyauté suite à un divorce ou à la séparation des parents, la présidenteest surtout contactée pour des problèmes scolaires : difficultés d’intégration des enfants à besoins spécifiques, mobbing, harcèlement, violences entre élèves. Elle est avant tout informée par des parents, très peu par le corps enseignant ou les inspecteurs. « Le dialogue serait certainement facilité si les établissements primaires étaient menés par des directeurs ou des directrices, assure Marie Anne Rodesch-Hengesch au Land, car l’origine de la plupart des problèmes qui me sont rapportés se trouve manifestement dans le manque de communication.

C’est comme un fil rouge : les conflits développent une dynamique s’ils ne sont pas désamorcés par le dialogue. » C’est ainsi que des parents ont pris l’initiative de lancer leur propre enquête dans un établissement – auprès des élèves et des professeurs –, suite à la suspicion d’abus sexuel sur leur enfant. Car lorsqu’ils ont contacté le responsable pour lui expliquer les faits, celui-ci n’avait pas jugé nécessaire de les inviter dans son bureau pour en discuter. Une attitude qui nourrit surtout la rumeur.Les accusations gratuites et les bobards publiés par la presse à scandalecomme Lëtzebuerg privat ou L’Investigateur sont aussi au centre del’action du Comité (« L’enfant, broyé dans l’engrenage d’une presse malfaisante »). À tel point qu’il exige une réforme du droit de la presse,d’assortir de sanctions pénales ou administratives la disposition concernant les « informations relatives à l’identité ou permettant l’identification d’un mineur délaissé ou d’un mineur qui s’est suicidé ». 

Se servir de la misère des enfants n’est pas vraiment une des façons les plus élégantes pour faire ses choux gras, mais en plus, « les mineurs visés vivent ainsi un double traumatisme qui ne saurait en aucun cas être justifié par la liberté de la presse », écrit l’Ombudscomité.

La misère matérielle des enfants est un autre aspect auquel est confrontél’ORK, qui déplore le coût exorbitant des logements, le risque de pauvreté accru pour les familles séparées, le manque de services de garde d’enfants qui ne sera pas résolu par l’introduction des chèques-services, dont le concept est « plus que flou ».

Et de relever « un vieux démon bien luxembourgeois : des moyens financiers irresponsables sont investis dans des bâtiments de prestige, dont l’entretien courant constituera une hypothèque importante sur l’avenir, des fonds qui feront défaut pour assurer un environnement éducatif optimal. » D’autre part, le Comité épingle la disparité des aides sociales communales, un « phénomène d’autant plus révoltant que la proportion des familles en difficulté est plus importante dans des communes moins riches, où le coût de l’acquisition de logement ou de la location est moins élevé. » De plus en plus de familles sont prises dans l’engrenage du surendettement et croulent sous le fardeau de la doubleimputation du revenu disponible – la saisie et la cession – alors que lemontant insaisissable fixé par la loi ne tient pas compte de la composition familiale d’un ménage. Aussi, les tarifs des huissiers viennent d’être augmentés de vingt pour cent – souvent à chargedes débiteurs. Or, l’ORK vise aussi les adultes et rappelle leurresponsabilité en matière de gestion de leurs revenus. « Trop souvent, les prestations familiales, l’allocation de rentrée scolaire, l’allocation d’éducation ne sont pas investies dans l’intérêt des enfants, écrit-il. La pauvreté est souvent cachée derrière des signes extérieurs superficiels de richesse (…). » Ce qui rend plus difficile encore le dépistage de la détresse. 

Le droit à l’adoption doit être replacé dans le contexte de l’intérêt supérieur de l’enfant et non de celui des parents potentiels. C’est la raison pour laquelle l’ORK met en garde contre des pratiques douteuses dont l’adoption en provenance de pays pauvres comme Haïti, le Pérou ou l’Iran qui méconnaissent les garanties internationales. Face à la recrudescence de demandes d’adoption d’enfants originaires de ces pays, le Comité pose la question de savoir s’il ne s’agit pas d’une véritable activité mercantile et d’un phénomène de traite d’enfants et appelle les autorités à être vigilantes en la matière et à cesser d’être « un acteur consentant »de ces pratiques.

anne heniqui
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