Expulsions de réfugiés

L'état des droits

d'Lëtzebuerger Land du 23.08.2001

Il y a ceux qui estiment que les réfugiés arrivés durant et après la guerre du Kosovo - à laquelle le Luxembourg a participé - et qui sont au Luxembourg depuis plus de deux ans, devraient pouvoir rester et avoir les moyens de s'intégrer par le travail. Et il y a ceux qui estiment que, si retour il y a, il devrait au moins être volontaire. Mais tous s'accordaient pour dire lundi, pacifiquement et solidairement, qu'ils ne veulent pas d'expulsions par la police. Qu'ils aient été 500, 750 ou un millier, selon les sources, peu importe, le cortège qui mena de la place Clairefontaine jusqu'au ministère de la Justice, boulevard Royal, était impressionnant (surtout en pleine période des vacances) et nettement plus pacifique que celui de la CGFP il y a deux ans. Ici, les manifestants ne s'engageaient pas pour leur argent mais pour les droits de l'Homme, ceux que le Grand-Duché devrait accorder aux autres.

Bien que parti en vacances, le ministre de la Justice, Luc Frieden (PCS), était conscient de l'importance politique de cette manifestation et laissa en héritage aux deux grands médias, RTL et le Luxemburger Wort, sa position légaliste, justifiant les expulsions et retournant quasiment les responsabilités. Ainsi, dans son optique, les déboutés du droit d'asile rendraient eux-mêmes la procédure plus difficile en ne se laissant pas déporter dans la joie et la bonne humeur. Le Comité pour le respect des réfugiés et contre les retours forcés, constitué de militants civils, plaide pour la souveraineté des demandeurs d'asile, qui doivent pouvoir décider seuls si la situation dans leur patrie leur permet de rentrer ou s'ils doivent rester. Leur croyance en l'Homme libre, maître de sa vie et en l'État de droit qui le protège s'oppose ici à une conception paternaliste de l'État dont la pérennité ne pourrait être garantie que par des démonstrations de force aléatoires.

« Les remarques critiques et les protestations doivent être entendues et prises au sérieux, » écrit Luc Frieden - et répète quasi mot pour mot ce que disait son Premier ministre Jean-Claude Juncker à Göteborg -, avant d'accuser une polarisation politique, une vision manichéenne de la démocratie. Avec lui, le journal qui lui est proche ainsi que l'ADR accusent les manifestants d'être des gauchistes dont le seul but serait de se valoriser à des fins purement électoralistes. 

Or, sans appeler à participer à la manifestation, l'ONG catholique Caritas, hautement compétente en la matière pour avoir un bureau à Berane, au Monténégro, a donné lundi un témoignage des conditions inhumaines dans lesquelles se sont passées les expulsions du début du mois. Le parti socialiste, le plus grand parti de l'opposition, n'a pas réussi à forger une position publique avant lundi, l'ancien ministre et actuel député Alex Bodry y participait en nom propre, en tant qu'avocat. D'ailleurs, ne faudrait-il pas déjà s'inquiéter du respect de l'État de droit au seul fait que ce sont majoritairement des avocats qui protestent contre les méthodes gouvernementales, extrêmement expéditives ?

Il est vrai que par ailleurs, les appels à manifester émanaient avant tout de partis et syndicats de gauche, ainsi que des associations d'étrangers (Asti et Clae). Or, n'est-il pas exceptionnel que sept organisations de jeunesse (Union nationale des étudiant(e)s, Schülerdelegatioun, OGB-L Jugend, Jeunesses socialistes, Jonk Gréng, Life, Revolutionär an Demokratesch, Fédération anarchiste, Infoladen Schréibs) arrivent à s'accorder sur un appel commun dans lequel ils se portent avant tout solidaires de leurs collègues lycéens et écoliers. « L'humanité la plus élémentaire exige qu'on permette à ces jeunes de poursuivre leurs études au Luxembourg, au lieu de les arracher à nouveau de leur cadre de vie et de les expulser vers des pays où leur intégrité physique et psychique est menacée, » exigent-ils. 

« Nous n'avons jamais voulu intégrer les réfugiés, » avait affirmé le ministre de la Justice en mars à la télévision. Au moins 500  personnes demandent le contraire. Même pendant leurs vacances au soleil, les gouvernants ne devraient pas ignorer cette solidarité. Elle est si rare au Grand-Duché. 

 

josée hansen
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