Les études luxembourgeoises à l’Université

La messe est dite ?

d'Lëtzebuerger Land du 08.04.2010

La nouvelle est passée presque inaperçue, si ce n’est une remarque dans la publication mensuelle de l’Actioun Lëtzebuergesch, Eng Klack fir eis Sprooch Nr. 157, Luxemburger Wort du 6 février 2010: « A leschter Zäit hu mir an der Press gelies, datt fir déi nächst Joeren op eiser UniLU d’Mënz gezielt an iwwer d’Fachgebitter gerëselt ginn. Wa mir richteg matkruten … da kritt eis Sprooch eng op den Deckel; … d’Spezialitéit “Études luxembourgeoises” schéngt nach just e Klappstull ze behalen! »

La chaire de philologie luxembourgeoise réduite au strapontin…

Le deuxième plan quadriennal de l’Université du Luxembourg (2010-2013)1 est très clair sur le sujet : les études luxembourgeoises, qui pourtant figuraient en bonne place dans le premier plan quadriennal (Plan 2006-2009, 6)2, ne font désormais plus partie des priorités de recherche, de transfert de connaissances et d’enseignements de l’Université ; elles continueraient toutefois « à bénéficier, comme il se doit, d’un développement soutenu et régulier, qui transcen­de (le) Plan » (Plan 2010-2013, 8)3.

Ite, missa est, et la courbette, bien obligée et politiquement correcte, devant le luxembourgeois n’y changera rien : la philologie luxembourgeoise est reléguée au deuxième plan et les moyens pour l’enseignement et la recherche se réduiront peu à peu… telle une peau de chagrin.

Plusieurs facteurs pourraient expliquer la relégation d’une matière qui par essence aurait dû constituer le fleuron de la recherche et de l’enseignement de l’Université du Luxembourg.

Il y a d’abord les orientations générales que s’est données l’UdL. Elle se voit non comme une université de services, mais un établissement axé sur la recherche fondamentale et internationale et sur le transfert des connaissances notamment vers le monde économique (valorisation de la recherche) (Plan 2010-2013, 8)4. Il va de soi qu’une telle orientation condamne à la longue les études luxembourgeoises et les sciences humaines en général5.

Reste que ces orientations posent problème et qu’elles relèvent de cette mégalomanie prétentieuse et d’une soumission à l’idéologie néolibérale qui caractérisent l’UdL voire la politique culturelle et scientifique en général au Luxembourg6. L’excellence scientifique reconnue à l’étranger ne se décrète pas, mais exige d’abord des moyens humains, des professeurs, des étudiants, un milieu intellectuel et culturel stimulant, des bibliothèques riches, modernes et informatisées, une saine émulation scientifique… . Tout cela n’existe pas ou ne peut pas exister au Luxembourg et au lieu de courir après des chimères, fort coûteuses par ailleurs, ne vaudrait-il pas mieux se limiter enfin au possible, aux sciences humaines entre autres – histoire, langues… – un domaine où nous pouvons offrir un enseignement valable et ajouter, modestement, à la connaissance scientifique.

Il faudrait également revoir les orientations du Laboratoire de linguistique et de littératures luxembourgeoises même7. C’est sans un conteste un département dynamique dont les membres travaillent et publient8 dans les revues scientifiques et qui a mis sur pied un master en langues, cultures et médias – Lëtzebuerger Studien tout à fait appréciable9.

Reste qu’on s’est peut-être trop investi dans l’informatisation d’anciennes recherches (projets DLSp, LexicoLux, Luxogramm)10, qu’on a négligé de mettre sur pied un enseignement moderne et une recherche performante dans un domaine très porteur auprès du grand public, les littératures luxembourgeoises, et surtout qu’on a omis de définir un grand projet de recherches fondamentales, seul susceptible de dynamiser et de cadrer la recherche et l’enseignement et d’ouvrir ainsi une perspective à la philologie luxembourgeoise.

Les sujets pourtant ne manquent pas : un nouvel atlas linguistique du luxembourgeois, une grande grammaire scientifique du luxembourgeois, un grand dictionnaire scientifique de la langue luxembourgeoise, une histoire des langues et des littératures du Luxembourg… .

Vu les projets déjà réalisés par le département d’études luxembourgeoises, vu surtout l’importance de la thématique pour le grand-duché, nous estimons que cette relégation est inacceptable et qu’il faudrait tout mettre en œuvre pour faire revenir les responsables de l’Université sur une décision malencontreuse.

Désormais l’UdL consacrera donc ses efforts à des priorités, tout à fait honorables, comme les Sciences de la Vie, la Sécurité des systèmes d’Information ou l’Éducation et l’Apprentissage en contexte multilingue et pluriculturel… (Plan 2010-2013, 7)11.

Mes domaines préférés toutefois sont sans conteste la Finance et le Droit européen et des affaires et plus précisément les travaux du valeureux Laboratoire de droit économique12. À chaque fois que je consulte le site internet de cette institution13, je suis consterné en voyant qu’elle se targue sans vergogne d’avoir collaboré à la rédaction de la loi sur la titrisation14, cette technique financière qui a joué un rôle majeur dans le déclenchement de la grave crise économique qui secoue actuellement l’économie mondiale.

Qu’on nous permette de douter que ces travaux-là apportent un jour la reconnaissance scientifique internationale tant recherchée par l’Université du Luxembourg.

The liberal arts are being cut away in both elementary and secondary education and in universities. Indeed, what we might call the humanistic aspects of science and social science—the imaginative, creative aspect, and the aspect of rigorous critical thoug
Joseph Reisdoerfer
© 2023 d’Lëtzebuerger Land