François Dickes

Déco et vin biodynamique

d'Lëtzebuerger Land du 27.06.2014

En train de s’affairer à mettre en place ses étagères de caisses de vins, teinte naturelle et noir, qui vont couvrir un pan de mur blanc et demi du nouveau bar à vins dans le Grund, François Dickes, les cheveux mi-longs, barbe de cinq jours, jeans et chemises à manches courtes, l’un des partenaires de cette aventure de vins biodynamiques, prend le temps pour un café et des cerises, au milieu du chantier.

La façade du local est de couleur gris-vert, les contours de fenêtres blancs. Devant la porte est entreposée une banquette, en train d’être poncée par Manu Demoulling, associé de François Dickes, avec lequel il a fondé en 2002, la société Prophouse, un service de location d’accessoires et de décors pour le film, la télé et le théâtre. La société gère un stock de mobilier de 400 mètres carrés et 20 000 objets patinés, de la Renaissance à 1980. « On y vient comme dans un supermarché pour trouver des éléments de décor et des idées ».

Le local a été rénové pour la Ville de Luxembourg par le bureau d’architecture Witry&Witry. Le sol est couvert de plaques de taille moyenne de pierre luxembourgeoise, les murs sont blancs avec des stucs et quelques bouts de poutres en bois visibles. « Pour la création de mon décor intérieur je me suis accordé avec l’architecture, pour faire harmoniser le retro et la modernité ». Le banc de plus de trois mètres, qui provient d’un restaurant près d’Ansembourg, va être sablé et peint en French grey de Farrow&Ball. Cette même teinte va être utilisée pour repeindre les trente chaises de bistrot. Un vieil établi, trouvé dans la maison d’une grande-tante, va être démonté pour que les montants en métal et les planches en bois retrouvent une deuxième vie dans la fabrication du bar. Les faces des caisses en bois – Seefekëschten –, qui servaient de tiroirs dans l’établi vont décorer les faces des frigos modernes du bar. Ce cadre va être agrémenté par une « sono douce qui va jouer de la musique électro néo-ambient comme Blood orange ». « Ce ne sera pas un bar à DJ, j’en ai déjà eu un ».

François Dickes, 46 ans, né à Luxembourg, scolarisé en Belgique, fait son Bac à Metz avant de prendre une année sabbatique pour un voyage en Amérique Latine, de Buenos Aires à Caracas. De retour, il s’expatrie sur une île en Grèce pour trois mois, avant de revenir faire un BTS dans une école de tourisme à Liège. Après quatre mois sur un tournage, il va travailler au Tramways. En 1992, il ouvre le Congo, qu’il revend après deux ans. En 1995, il ouvre le Lunatic, à Bonnevoie, qu’il revend après un an. Vient alors le BDG, Bazar du Grund, en 1996 : le concept store de vêtements second-hand, meubles vintage et une voiture était trop avant-garde à l’époque.

En 1998, il travaille sur le tournage du film Pinocchio dans la swing-gang à déplacer les meubles et faire un peu tout. Il fallait être « polyskill » – « Je n’avais pas de vocation pour le manuel, mon frère jouait à Fisher Technic, mais pas moi. Mais comme je devais le faire, maintenant je sais le faire et cela me plait énormément ». En seize ans, il a travaillé sur 60 films, dont Girl with the Pearl Earring, et il est maintenant chef décorateur. Mais là encore, une certaine lassitude s’est installée au cours des années.

« Depuis toujours, lorsque quelque chose ne me plaisait plus, j’ai changé. Je dois recevoir un retour au travail. L’argent seul n’est pas une motivation, explique-t-il. Je voulais toujours retravailler dans l’horeca, j’avais pensé aussi à faire un Food Truck, mais au Luxembourg ce n’était pas autorisé à l’époque. »

L’aventure actuelle a commencé à Bruxelles. « J’y ai découvert le vin biodynamique. Et je me suis demandé où je pouvais trouver un liquide aussi pur au Luxembourg. Il n’y a pas de local spécialisé en biodynamie au Luxembourg », raconte-t-il. En 2013, il monte Terrae, une entreprise de vin biodynamique avec dégustations privées, avec sa partenaire actuelle Rostislava Petkova. Ils partent visiter quarante vignerons en France et déguster leurs vins, avant d’en retenir neuf. Ces vins vont être la matière première servie lors des dégustations.

« L’idée existait de faire un shop physique après le shop virtuel » Une amie qui travaille au LCTO le contacte pour le mettre au courant du concours pour le bail commercial du local dans le Grund. Pour le dossier de soumission, François va se donner de la peine. « Nous n’avons jamais vu un dossier aussi bien », le félicite-t-on. « J’ai fait du bon travail, car je voulais être le gagnant, je le voulais ce local. Je n’ai pas fait ce dossier juste comme cela ». Le local Vins Fins fêtera son ouverture ce soir, 27 juin. Des assiettes de charcuterie, de fromage régional ou végétariennes seront servies pour accompagner le vin biodynamique. « In Vino Patatras », peut-on lire sur leur page web, qui exprime le bruit d’un corps qui tombe avec fracas. Alors, attention à la marche en sortant !

Catherine Jost
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