Le Parc merveilleux de Bettembourg connaît un franc succès, même si à la base, c’est un projet d’insertion sociale pour des personnes handicapées

Venez, p’tits loups !

d'Lëtzebuerger Land vom 26.05.2011

L’allée aux perroquets (pour ceux qui se souviennent du couloir d’entrée du temps où les jacquots aux couleurs vives étaient perchés le long du chemin) a changé, c’est dans une petite maisonnette à chapeau de sorcière où les caisses ont été recasées. Le choix a été judicieux de déplacer l’entrée de quelque cinquante mètres vers l’intérieur du parc, les files d’attente étaient parfois tellement longues que les visiteurs longeaient la route. Aujourd’hui, des îlots placés au milieu de la chaussée forcent les automobilistes à ralentir, mais il est vrai qu’il suffisait de peu pour qu’un accident se produise.

Car le succès du parc merveilleux est indéniable, un mois après l’ouverture de la saison, les dirigeants ont déjà dû rééditer des cartes d’abonnement pour les familles – la formule à quarante euros pour dix entrées. Fin mai, plus de 3 000 abos-familles avaient déjà été vendus ainsi que quelque 650 abonnements nominatifs saisonniers de 80 euros. Cette formule est particulièrement appréciée par la population avoisinante de Bettembourg, qui peut se rendre au parc autant qu’elle le souhaite. Certaines entreprises en font aussi cadeau à leurs employés.

Le 10 avril a été un jour exceptionnel avec 5 573 visiteurs dans la journée. C’est énorme, le maximum journalier de l’année dernière avait été de 5 007 entrées. Le beau temps a permis cet exploit, car la majeure partie des attractions est à l’extérieur : les aires de jeu, la plupart des mammifères et les maisonnettes à contes. Au fil des décennies, le public cible est resté le même : les tout petits et le troisième âge. C’est donc la même recette que lors de son lancement, le 17 mai 1956, faire briller les yeux d’enfants et offrir un cadre agréable aux plus âgés pour se dégourdir les jambes. Le terrain est aussi accessible pour les personnes à mobilité réduite. À l’époque, il s’agissait plutôt d’une action marketing pour attirer des gens dans le coin. Des personnes privées et des commerçants de la région avaient lancé l’idée en mettant sur pied une société anonyme et s’en sont partagés les actions. La formule a bien fonctionné : parc d’attractions avec des animaux exotiques et des jeux pour les tout petits auxquels on arrivait à faire croire que le géant endormi allait se réveiller s’il y avait trop de bruit. Plus de cinquante ans plus tard, il pique toujours son ­roupillon.

Sauf qu’à une époque, les couleurs se sont effritées. Le parc était au sommet du succès dans les années 1970, lorsqu’il voyait encore arri-ver des trains entiers d’écoliers venus de la région de Strasbourg. Les dimanches après-midi étaient pimentés par des concerts de fan­fares au kiosque situé au centre. Cependant, dans les années 1980, la face de clown aspirant les ordures, le manège à bicyclettes aux poignées ardentes, le tonneau qui faisait débouler les enfants, le petit train couvert de toiles à franges n’attiraient plus les foules et les actionnaires n’avaient visiblement pas vu l’intérêt d’investir pour réanimer la curiosité des ­visiteurs.

Après une période creuse, la majorité des actions de la société anonyme fut acquise par l’Apemh, l’association des parents d’enfants mentalement handicapés. C’était en 1998 et le nouveau patron a alors décidé de remettre à flot la petite entreprise. Sauf que l’objet de la S.A. avait changé : d’un projet purement commercial, l’Apemh en a fait un projet social, visant à donner du travail à des personnes touchées par un handicap mental. « C’est devenu l’objet primaire du parc merveilleux : l’intégration par une occupation rémunérée, » explique Guy Feidt, responsable tourisme et loisirs. 75 personnes, qui sont employées avec des contrats à durée indéterminée, entretiennent les alentours verts et aires de jeu – 25 hectares dont quinze sont en zone verte –, nourrissent les animaux et s’occupent des restaurant, self-service, cafétéria et terrasse. Ils sont encadrés par cinq éducateurs. S’y ajoutent les installateurs, électriciens, peintres-décorateurs, jardiniers, cuisiniers et leur équipe, une pédagogue qui s’occupe des classes venues visiter l’école zoologique, un informaticien et un comptable. Sans oublier Mex, Marcel Gales, qui a été un des membres-fondateurs du parc et continue à y faire ses rondes tous les jours.

À côté des visiteurs habituels, le parc accueille aussi des groupes, familles, clubs et entreprises qui souhaitent y célébrer des fêtes et anniversaires pour enfants. Parallèlement à la reprise en mains par l’Apemh, de nouvelles attractions ont vu le jour comme les pavillons Amazonas et Madagascar avec des plantes et animaux exotiques. « Nous avons réussi à devenir membre de l’EAZA (European association of zoos and aquaria) et nous participons à des programmes d’échange d’animaux qui sont nés dans les zoos du réseau de l’association, précise Guy Feidt, comme ces bêtes ont besoin de soins spécifiques, nous avons aussi engagé un vétérinaire à plein temps et une équipe de six gardiens animaliers, qui doivent se spécialiser au fur et à mesure des acquisitions du parc. » La grande nouveauté de cette saison a été l’acquisition de cinq louves blanches du Canada, venues d’un zoo près de Liège. Le concept de base est le lien avec les contes : les loups font partie de beaucoup d’histoires comme le Petit chaperon rouge et le Loup et les sept chevreaux – qui eux peuvent être nourris par le public dans un autre enclos. Le pavillon avec le Joueur de flûtes de Hamelin grouille de rats vivants.

Une des raisons du succès de parc est sans doute sa politique de diversification, de veiller à ce que chaque saison présente quelques nouveautés pour attirer le public. C’est le cas des loups et des pélicans, dont l’étang est en train d’être réaménagé avec un abri à l’intérieur pour protéger ces oiseaux qui craignent le froid. Le moule du marais a d’ailleurs été formé par l’explosion d’une bombe pendant la deuxième guerre mondiale. Pour la petite histoire : après le squat de soldats allemands, les troupes du général Patton y auraient été stationnées.

Si le concept des dirigeants du parc de prévoir de nouvelles attractions, Guy Feidt assure qu’il n’y aura pas de surenchère. « L’enclos avec les louves surplombé d’un mirador représente quand même un investissement exceptionnel pour nos moyens, ajoute-t-il, ce ne sont pas les idées qui nous manquent, mais plutôt les fonds pour les réaliser. Mais il est hors de question de se lancer dans d’autres aventures, genre tigres et lions. C’est beaucoup trop dangereux pour nos employés. Voyez par exemple les boas qui peuvent devenir énormes. Pour chaque mètre supplémentaire, il faut une personne pour accompagner les nourrisseurs, pour les aider à se défaire si jamais le boa s’en prenait à eux. » Le personnel est habitué aux animaux et vice-versa. Les programmes de chaque jour se ressemblent le plus possible pour éviter des irritations de part et d’autre. C’est peut-être cet esprit et l’ambiance familière qui attire les gens pour y présenter leur candidature lorsqu’un poste se libère. « Pour sept places de saisonniers déclarées à l’Administration du travail, nous avons reçu 200 demandes, » précise Guy Feidt.

Et puis il y a le sponsoring, les particuliers et les entreprises qui peuvent parrainer un animal en versant trente euros pour les petites bêtes jusqu’à 300 euros pour une louve par exemple. Cet argent permet de passer l’hiver.

anne heniqui
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