Who's Quentin?

L’école des fans

d'Lëtzebuerger Land vom 25.05.2006

Quelques mois après le Zombiefilm (Patrick Ernzer, 2005) dont l'horreur émanait plus des erreurs techniques que des scènes gores, un autre film amateur a trouvé son chemin sur les grands écrans luxembourgeois. Cette fois-ci il s'agit d'un projet financé par le Service national de la Jeunesse et Action 3, une subvention de la Commission européenne dans le cadre du programme Jeunesse en Europe.Who's Quentin??, comme son titre l'indique, est censé être un hommage aux films de Quentin Tarantino. Après avoir échoué dans le vol d'une sacoche mystérieuse, Knaschti (Patrick Brücher) et Kevin (Steve Hoegener), deux gangsters bas de gamme, s'attirent la colère de Félix, le caïd qui leur avait confié la mission. Mais ce dernier n'est pas le seul à s'intéresser à l'objet en question. Du coup, Knaschti et Kevin sont poursuivis par deux gangs qui se font la guerre. Dans le contexte d'un tel scénario qui ne se complique guère au-delà des indications données ci-dessus, le scénariste et réalisateur Sacha Bachim introduit une multitude de références textuelles et visuelles à son réalisateur préféré. Si on peut encore imiter facilement quelques plans inclinés d'un personnage tenant une arme, il n'en est pas ainsi du reste. Un "Samson" qui fait "brute de la classe" est à des années lumières d'un Vincent Vega incarné par John Travolta et des citations bibliques à la Jules (Samuel L. Jackson) dans Pulp Fiction deviennent simplement agaçantes dans la bouche d'un "Petrus" qui avec son crâne rasé en zigzag au volant d'une Coccinelle ressemble plus à un égaré de la Love Parade qu'à un tueur sans scrupules. Les moments où les dialogues bourrés de jurons branchés et déclamés avec des intonations dignes d'une pièce de théâtre scolaire suscitent un soupçon de sourire, sont rares. À quoi bon mener en dérision des films qui sont déjà auto-dérisoires? Contrairement au fameux Zombiefilm, Who's Quentin?? ne se donne même pas la peine de cacher sa prétention sous le manteau de l'auto-dérision. Comme en témoigne le site Internet, créé à l'occasion, permettant de commander des produits dérivés et de télécharger des fonds d'écrans, les créateurs croyaient tenir en main un film culte avant l'heure. Il n'est pas impossible de faire du cinéma avec un budget très restreint. Néanmoins, il faut rester réaliste quant à la faisabilité et la qualité d'un projet. Quel intérêt de vouloir transposer un univers de gangsters des banlieues américaines dans la "Minette", un show down violent à la Reservoir Dogs dans l'étable d'une ferme à Clémency, d'autant plus si la fusillade se résume à de jets de fumée ridicules sortant des pistolets. Autant chercher à intégrer une histoire dans les décors donnés, adaptée à l'âge et la qualité des acteurs dont on dispose. Si le scénariste-réalisateur Sacha Bachim se déclare, dans une interview accordée à La Voix, défavorisé par les organismes étatiques par rapport aux étudiants de cinéma, il ignore peut-être que la majorité de ces derniers ont dans leurs armoires une multitude de ces petits délires entre amis sans avoir la prétention de les diffuser au cinéma, ni d'en vendre des T-Shirts. En promouvant de l'à peu-près sans la moindre critique, on donne l'impression à des jeunes réalisateurs que leur talent est d'une telle supériorité qu'il leur permet de sauter des étapes. Si d'autant plus le projet de réaliser un film émane d'une envie passagère, les plate-formes appropriées pour ces pulsions sont plutôt l'Internet où des festivals amateurs.

 

Fränk Grotz
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