LuxFilmFest online

Only films left alive

d'Lëtzebuerger Land du 15.05.2020

Depuis la ceise du coronavirus, les festivals de cinéma rivalisent d’ingéniosité et multiplient les initiatives pour satisfaire les attentes d’un public en proie à un fragile et progressif déconfinement... Après de premiers essais concluants, lors du Cinéma du réel au Centre Pompidou de Paris (13-22 mars) puis des Visions du Réel de Nyon récemment (17 avril au 2 mai), c’est au tour du Luxembourg City Film Festival de se lancer dans une large offre de films en ligne à destination du public luxembourgeois. Voilà donc de quoi patienter, en attendant la onzième édition de la manifestation, qui se tiendra du 4 au 14 mars 2021 dans le réseau habituel de salles partenaires (Kinepolis Kirchberg, Ciné Utopia, Cinémathèque de la Ville de Luxembourg).

Malgré l’interruption de la dixième édition, l’équipe du festival a trouvé dans le virtuel un moyen inédit de prolonger les festivités. Ainsi, dès le mois d’avril, étaient organisées via la plateforme vod.lu, des rencontres entre le public et des professionnels du cinéma – Eric Schockmel et Bernard Michaux (Tune into the Future), Bruce McDonald et Jésus Gonzalez (Dreamland), Yuki Kawamura et Gilles Chanial (Norie), ou encore Julie Schroell et Jésus Gonzalez (Raconte-moi le fleuve) furent invités à débattre avec les spectateurs. Il s’agissait de la première phase de développement d’une édition contrainte à devenir domestique et digitale. D’ores et déjà entrée en vigueur, la seconde phase de cette Home Edition se tiendra jusqu’au 18 juin. Chaque semaine, une sélection thématique de films concoctée par le comité de programmation du LuxFilmFest (LFF) est mise à disposition du public luxembourgeois avec, en bonus, des films gratuits en week-end. Une programmation pour laquelle les membres du comité ont puisé dans les archives des précédentes éditions pour en extraire la quintessence audiovisuelle. Ceci, afin de revisiter les riches collections accumulées du festival. Et pour se remémorer, bien sûr, les bons moments passés en salles et se donner des forces pour aborder la prochaine édition.

Pour entamer cette première semaine de visionnement qui coïncide avec la rentrée des classes, c’est une sélection à destination du jeune public qui inaugure logiquement les festivités. Sous l’appellation « Un dernier film avant l’école » (8-14 mai) ont été réunis onze films aussi différents que le Pinocchio d’Enzo d’Alo, Jean de la Lune de Stefan Schesch, Funan de Denis Do ou encore le bouleversant Spartacus & Cassandra, face auquel nul spectateur ne pourra rester de marbre. La deuxième semaine thématique du LuxFilmFest Home Edition comprend une sélection de dix films pour le grand public accessibles du 15 au 21 mai. Sous le titre « Sortir des sentiers battus », c’est, en cette période de déconfinement, une véritable invitation au voyage que nous tend cette belle sélection. Trois films Made in Luxembourg y sont représentés, proposant chacun une approche singulière du cinéma ; Styx (2019) par exemple, de Wolfgang Schneider, fut l’une des découvertes majeures du festival de Berlin, où il décrocha deux prix (Prix œcuménique et Prix du Jury). À partir de la traversée en solitaire d’une femme médecin (interprétée par l’actrice Susanne Wolff, impressionnante), se découvre une parabole au déploiement initiatique, à la façon d’un road-movie (d’un « sail-movie », devrait-on dire ici). Avec son titre se référant au fleuve antique menant aux Enfers, la croisière de Rike au large de la Mauritanie bascule, après une tempête, vers la dérive philosophique. Faut-il mieux naviguer en pilotage automatique, ou écouter sa conscience et ses désirs, quitte à se mettre en danger ? Un questionnement maritime, et donc instable, qui interroge plus fondamentalement notre rapport à la vie, à l’éthique.

Autre coproduction luxembourgeoise, mais aussi autres mœurs fondant la tendre et hilarante Escapada (2019) de Sarah Hirtt, joyeux bordel familial occasionné par un héritage en Espagne... Ses personnages aux tempéraments contrastés et hauts en couleurs (le militant anarchiste, l’entrepreneur acculé de dettes, etc.) donnent ressort aux multiples rebondissements de cette comédie intergénérationnelle. Il ne manque plus à l’appel que Sibel (2019) de Guillaume Giovanetti et Çağla Zencirci, drame perdu parmi les superbes paysages de Turquie, où la protagoniste, la belle et muette Sibel (Damla Sönmez), s’exprime en recourant au langage des oiseaux. Jusqu’à ce que celle-ci rencontre un fugitif recherché par la police, et la liaison amoureuse deviendra lésion fatidique incriminée par les superstitions et les traditions paysannes de la région.

Parmi les autres productions internationales figurant dans cette sélection exotique, impossible de manquer les deux chefs-d’œuvre que sont L’Étreinte du serpent (2015) et Timbuktu (2014) d’Abderrahmane Sissako, invité de prestige de la neuvième édition du LuxFilmFest. Là où L’Étreinte du serpent de Ciro Guerra est le premier film à poser en cinquante ans une caméra en forêt amazonienne, le second s’ouvre par l’envolée d’une gazelle équivalant à La Liberté guidant le peuple (1838) de Delacroix. Une image de cinéma que Jean-Luc Godard a récemment intégrée à son Livre d’image (2018).

La programmation complète de cette deuxième semaine cinématographique est disponible sur le site du LuxFilmFest : luxfilmfest.lu.

Loïc Millot
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