Leitartikel

Uni.lu cherche optimiste contagieux  ; salaire compétitif

d'Lëtzebuerger Land du 02.06.2017

« Executives today must navigate increasingly uncertain terrain, driving up the cost of executive failure dramatically », écrit la boîte de consultance et de recrutement new-yorkaise Russel Reynolds sur son site internet, dans sa section « services d’évaluation ». Rainer Klump, l’ancien recteur de l’Université du Luxembourg, qui a démissionné début mai, après seulement deux ans, et Alfred Funk, le directeur administratif de l’Uni.lu, qui a quitté son poste hier, jeudi 1er juin, pour rejoindre le service juridique de l’université, en savent quelque chose. Si le jeune établissement – il n’a été créé qu’en 2003 – traverse actuellement une grave crise, c’est implicitement à eux deux et à leur gestion financière et administrative (ainsi qu’à celle de leurs proches collaborateurs) que les sources internes renvoient la responsabilité. Comme cette lettre de la délégation du personnel, qui stigmatise de « graves dysfonctionnements en matière de prévision et de contrôle des dépenses » ces derniers mois au sein du rectorat et craint que ce ne soit le personnel qui fasse les frais d’une gestion souvent erratique.

Or, alors même que le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche Marc Hansen (DP) s’acharne à minimiser les effets de la crise que traverse l’Univeristé en en appelant à son autonomie et que le Premier ministre Xavier Bettel (DP) s’est montré confiant que les esprits allaient se calmer avec le temps, les conséquences en sont tragiques. Déjà aujourd’hui. Car dans les faits, les multiples départs et le mutisme des responsables intérimaires ont déclenché une crise existentielle à tous les étages des immeubles flambant neufs de la Cité des sciences. Et ce aussi bien dans la communauté des 6 200 étudiants que parmi les 1 770 employés de l’Université. Cette incertitude a de multiples conséquences, comme le fait que les enseignants-chercheurs ignorent complètement comment vont évoluer les cursus qu’ils sont en train de développer, si d’ici deux ou trois ans, ils auront encore les moyens (humains et financiers) d’offrir un bachelor ou un master qui ne soit pas immédiatement fournisseur de main d’œuvre qualifiée pour les secteurs économiques que le gouvernement en place voudra alors développer. Les premiers à en faire les frais sont les sciences humaines.

Actuellement, l’Université est un peu comme une voiture de Formule 1 qui crèverait trois pneus en pleine accélération. À Belval règne un mélange d’angoisse et de colère. Alors, dans cette perplexité muette, l’annonce de recrutement pour le futur nouveau recteur, surtout sa version longue disponible sur le site rraresponses.com, en dit long sur l’évolution voulue par le gouvernement (et inscrite comme telle dans le nouveau projet de loi de Marc Hansen) et le conseil de gouvernance de l’université : la personne idéale parlera français et anglais (exit l’allemand), aura une autorité de compétence due à une carrière de recherche accomplie, sera un penseur stratégique, un grand communicateur, se fera l’avocat de l’Université et sera un « optimiste contagieux ». Il ne rechignera pas à chercher des fonds privés « à une large échelle » (soit au-delà des 43 millions d’euros de financements privés actuels, contre 160 millions de la part de l’État) et sera conscient qu’il a une « obligation de résultat ». Plus que d’un intellectuel, il s’agira d’un gestionnaire, d’un homme d’affaires parlant équilibre budgétaire et retour sur investissement. La crise que traverse l’Uni.lu (et qui n’est pas sans rappeler, par de nombreux aspects, celle du Mudam) n’est en fait qu’un symptôme du mal qui la ronge depuis ses débuts : c’est le rejet de son existence même par le monde politique. À l’époque, Jean-Claude Juncker (CSV) était « passionnément contre » la création de cette institution ; son installation à Belval fut un énorme bras-de-fer entre la capitale et la ville du ministre en charge à l’époque, François Biltgen (CSV) qui en fit une affaire personnelle de revaloriser ainsi sa chère Esch-sur-Alzette et l’appropriation des infrastructures que lui met à disposition (à contrecœur) le Fonds Belval n’est qu’un long calvaire où chaque mètre carré se conquiert à la force du poignet.

josée hansen
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