Discrimination entre hommes et femmes au Silicon Valley

Discriminées

d'Lëtzebuerger Land vom 27.03.2015

Aux Etats-Unis, il y a à la tête des plus grandes entreprises moins de femmes que d’hommes prénommés John. En Australie, on trouve moins de femmes CEO de grands groupes que de CEO hommes portant le prénom Peter, a-t-on pu lire ces derniers jours dans le New York Times et le Sidney Morning Herald. Dans le quotidien new yorkais, l’économiste Justin Wolfers a lancé à ce propos la notion de « Glass Ceiling Index » : un peu partout, on affirme haut et fort l’importance de la parité entre genres dans l’entreprise, mais qu’il y loin de la coupe aux lèvres.

Les technophiles naïfs pourraient être tentés d’avancer que ces statistiques atterrantes reflètent surtout le machisme indécrottable des grandes industries extractives et manufacturières, et que les sociétés pionnières de la haute technologie et du Net, en Californie ou ailleurs, ces parangons du progrès appelés à prendre la relève des secteurs traditionnels, pratiquent l’égalité entre sexes et montrent la voie au reste de la société.

Que nenni. Deux cas retentissants sont venus illustrer récemment à quel point les grands groupes de la Silicon Valley pratiquent systématiquement la discrimination entre hommes et femmes. Un procès qui a fasciné les gazettes techno outre-Atlantique a été celui d’Ellen Pao, cadre de la firme de venture capitalists Kleiner Perkins Caufield & Byers, une des plus réputées de la Côte Ouest. Elle a porté plainte en 2012 contre son ancien employeur, lui reprochant de l’avoir systématiquement écartée des promotions en raison de son sexe, puis de l’avoir poussée vers la sortie lorsqu’elle s’en est plainte. On a ainsi appris que des cadres masculins intimaient à des collègues féminines de rang comparable, de manière ostensiblement humiliante, de prendre des notes lors de réunions, ou se laissaient aller à des comportements donjuanesques de la pire espèce lors de séjours à l’hôtel. Ellen Pao réclame seize millions de dollars de dommages et intérêts à son ancien employeur.

Mais le cas de l’ancien ingénieur informatique de Twitter Tina Huang semble pouvoir être plus révélateur que celui d’Ellen Pao sur ces pratiques discriminantes en matière de promotions. Selon cette plainte, une parfaite opacité règne quant aux critères utilisés pour déterminer les promotions chez Twitter, ce qui en pratique permet de perpétuer en toute impunité le machisme le plus échevelé. Sa démarche pourrait devenir une « class-action » et amener d’autres femmes à témoigner du sort peu enviable fait aux femmes dans la galaxie techno. Dix pour cent seulement des employés techniques de Twitter sont des femmes. Huang fait valoir qu’entre 2009 and 2014, alors qu’elle travaillait chez Twitter, il n’y avait que sept femmes sur les 164 ingénieurs informatiques du groupe. Elle affirme aussi avoir été ignorée lors d’une promotion. Après s’en être plainte auprès du CEO, elle avait été mise en « congé administratif », pour ensuite abandonner la société. Même si elles devaient être battues en brèche devant les tribunaux, on peut espérer que de par leur écho médiatique, les plaintes de Pao et Huang obligent les grands groupes technologiques à adopter une gouvernance plus transparente et moins discriminatoire.

Jean Lasar
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