La Roumanie après l’élection présidentielle

En route vers un deuxième mandat

d'Lëtzebuerger Land vom 22.11.2019

C’est la victoire de la Roumanie pro-européenne face à une Roumanie ancrée dans son passé. Le président libéral Klaus Iohannis, âgé de 60 ans, qui brigue un second mandat, a remporté une victoire décisive au premier tour de l’élection présidentielle le 10 novembre. Son score lui assure une victoire au deuxième tour qui aura lieu le 24 novembre. Avec 38 pour cent des voix au premier tour, il s’impose largement par rapport à la candidate sociale-démocrate et ancienne Première ministre Viorica Dancila qui n’a obtenu que 22 pour cent des voix.

« C’est une victoire contre le Parti social-démocrate qui a été un obstacle pour le développement de la Roumanie depuis la chute du régime communiste il y a trente ans, a déclaré M. Iohannis après sa victoire au premier tour. Ce parti a essayé de contourner la justice en votant des lois destinées à protéger les hommes politiques corrompus et les voleurs. »

Le libéral d’origine allemande Klaus Iohannis, élu président de la Roumanie en 2014, a toutes les chances d’obtenir un second mandat. Le leader de la petite communauté allemande de Roumanie promet de continuer à moderniser son pays qui a eu du mal à tourner la page de son passé marqué par la dictature communiste. En 2000, la chaîne de télévision franco-allemande Arte avait diffusé un reportage concernant ce personnage inédit en le montrant en train de balayer les rues de Sibiu, sa ville natale située au centre de la Roumanie. Simple opération médiatique ou naissance d’un nouveau personnage politique ? À 40 ans, Klaus Iohannis, professeur de physique et leader du Forum démocrate des Allemands de Roumanie, était devenu maire de Sibiu en obtenant 70 pour cent des voix. Une performance qui s’est reproduite à quatre reprises dans une ville qui ne compte plus que un pour cent de population d’origine allemande.

En 2013, M. Johannis intègre le Parti national libéral (PNL) qui le choisit comme candidat à l’élection présidentielle un an plus tard. Sa mission : gagner la présidence face au candidat du Parti social-démocrate (PSD), un colosse hérité de l’ancien parti communiste qui avait la majorité au Parlement et contrôlait le gouvernement et la plupart des mairies. Mais ce David issu de la communauté allemande a surpris une fois de plus le Goliath social-démocrate. « À Sibiu, j’ai montré que l’on pouvait avoir une administration efficace, avait-il déclaré à l’époque. Je suis persuadé que je pourrai faire la même chose pour la Roumanie tout entière. »

La Transylvanie possède beaucoup villages allemands depuis que des colons venus d’Allemagne étaient arrivés il y a 800 ans. Après la chute du régime communiste en 1989, les Allemands avaient quitté la Transylvanie en masse pour échapper à la transition chaotique de la Roumanie vers l’économie de marché. Aujourd’hui, il n’en reste plus que quelques milliers et les villages désertés montrent encore des traces de cette hémorragie ethnique qui a privé la Roumanie d’un atout économique important.

La victoire de Klaus Iohannis, un professeur issu de cette minorité exsangue, a été considérée comme une vengeance de l’histoire. Le protestant taiseux espère accéder à nouveau à la présidence d’un pays à 87 pour cent orthodoxe où les Roumains, en bons latins, adorent discuter. « Les Roumains ont voté pour une Roumanie normale fondée sur la solidarité, a déclaré M. Iohannis. Les gens en ont assez des corrompus que les sociaux-démocrates ont voulu défendre. »

Le président Iohannis bénéficie d’un important soutien en Transylvanie, sa région d’origine riche de plusieurs minorités : hongroise, allemande, rom et juive. Cette région, qui vote traditionnellement à droite, s’est modernisée plus rapidement que le reste du pays. À l’est et au sud de la Roumanie règnent la pauvreté et la corruption et les électeurs préfèrent une gauche qui lui promet la sécurité de l’époque communiste. Cette rupture géographique se retrouve au niveau politique : une Roumanie pauvre qui vote massivement à gauche et une Roumanie moderne qui vote à droite.

Le Parti social-démocrate (PSD) qui a gouverné la Roumanie ces sept dernières années est en perte de vitesse. Depuis sa victoire aux élections législatives de 2016, le PSD a eu un seul objectif : blanchir le casier judiciaire de son chef Liviu Dragnea condamné en 2016 à trois ans de prison avec sursis pour fraude électorale. La Première ministre social-démocrate Viorica
Dancila a lancé une offensive contre les magistrats, mais ses attaques contre l’État de droit ont échoué. Le 28 mai, M. Dragnea a été à nouveau condamné à trois ans et demi de prison ferme pour abus de pouvoir. Le 4 novembre, le gouvernement social-démocrate a été lui aussi balayé par une motion de défiance votée par l’opposition libérale et ses alliés au parlement. Deux événements qui ont ouvert à Klaus Iohannis une autoroute vers un deuxième mandat.

Mirel Bran
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