Nouveaux venus et partants à la Chmabre des députés

Entre petits bourgeois et vieux militants

d'Lëtzebuerger Land du 17.06.2004

Le « petit bourgeois mondain » comme ses détracteurs le décrivent volontiers a fait la nique à ses petits camarades chrétiens sociaux. À 39 ans, Jean-Louis Schiltz a été élu directement député de la circonscription du centre sur la liste du CSV. Le secrétaire général du parti chrétien social a recueilli 16 365 suffrages, soit 181 voix de plus que son confrère – les deux sont avocats – Patrick Santer. Le fils de Jacques, député sortant, ne rentrera au parlement qu’à la faveur de l’entrée de deux ou trois élus du CSV au centre – dont le ministre sortant du Trésor et du Budget et de la Justice Luc Frieden – au gouvernement. Jean-Louis Schiltz incarne la ligne un peu socialisante du CSV à l’opposé de la branche très libérale du parti représentée par les « amis » du cercle Joseph Bech. La candidature du jeune Schiltz à la députation a fait des grincheux parmi les vieux caciques du parti qui voulaient qu’il se fasse les dents sur le terrain et qu’il suive le parcours traditionnel du militant de base avant de prétendre à une place sur les listes électorales. En septembre 2003, sa candidature est recalée. Il faudra que Schiltz soit repêché par le comité des sages du CSV qui l’a remis en piste aux législatives. Jean-Louis Schiltz a pris sa carte du parti chrétien social en 1999. Un an plus tard il en devient le secrétaire général. À ce titre, il est l’un des concepteurs de la campagne du CSV pour les législatives 2004. Le député Schiltz va rejoindre le rang des nombreux représentants à la Chambre qui ont un curriculum vitæ d’avocat d’affaires. Sur le plan professionnel, il a défendu d’importants dossiers. Il fut ainsi avec son père l’avocat de l’Émirat d’Abou Dhabi, actionnaire principal de la Bank of Credit and Commerce International (BCCI), pour ficeler un plan d’indemnisation des milliers de créanciers de la banque faillie. Une autre personnalité qui incarne le rajeunissement du CSV a émergé de ces législatives. Il s’agit d’Octavie Modert, actuellement secrétaire générale du gouvernement. Un job qu’elle doit à son mentor Jean-Claude Juncker peu après son arrivée aux commandes du gouvernement. Juriste de formation, Mme Modert affiche un parcours assez classique de militante conservatrice. Elle a été présidente de la section Est des jeunesses chrétiennes sociales et milite activement au parti depuis l’âge de16 ans.  Elle aussi elle est tombée dans la marmite CSV à la naissance : un père conseiller communal et une mère qui sera candidate (malheureuse) à deux reprises sur la liste CSV dans la circonscription Est. Octavie Modert s’est présentée une première fois en 1994 au scrutin législatif. Du temps où Fernand Boden était encore bien frais. Le  sort du ministre sortant des Classes moyennes et du Tourisme étant encore des plus incertains au gouvernement dont il est le doyen, malgré son score personnel au scrutin de dimanche, la jeune femme peut rêver à autre chose qu’une place au Krautmart, à un secrétariat d’État par exemple. Des sommets s’ouvrent en tout cas sous ses pieds : « Octavie Modert serait pressentie pour devenir la première femme chef de gouvernement du Grand-Duché, » écrit Le Quotidien. D’une autre génération, l’arrivée de Lucien Thiel, 61 ans, ne marque pas moins aussi une évolution de l’électorat conservateur vers la société civile puisque le directeur général de l’Association des banques et banquiers Luxembourg (ABBL) n’a aucun passé de vieux loup conservateur. On le disait même plus proche des libéraux que du parti chrétien social avant qu’il n’entre en lice. Ancien rédacteur en chef du d’Lëtzebuerger Land, le Monsieur place financière de la Chambre des députés pourrait  conserver son travail à l’ABBL bien que ses responsabilités devraient être « adaptées » à son mandat pour rendre ses deux casquettes plus compatibles l’une avec l’autre.   La vieille garde du CSV n’a pas démérité non plus, bien que le sort de Marie-Thérèse Gantenbein, 65 ans, bourgmestre de Hespérange – un fief historique des conservateurs – était presque acquis d’avance.   Issu de la pépinière du LCGB dont il est secrétaire général adjoint, bourgmestre de Bastendorf, Ali Kaes, 49 ans, ancien tourneur, fait aussi partie des nouveaux venus à la chambre et y représentera la voix du syndicat de droite. Ce qui s’avérera sans doute très utile au gouvernement pour faire passer ses réformes sociales. À droite encore, Frunnes Maroldt, 51 ans, directeur général adjoint du Lycée Hubert Clément à Esch, fera son entrée au parlement à la faveur de la reconduction de l’équipe Juncker, Biltgen [&] Co. au gouvernement. Conseiller communal dans la métropole du sud, le nouvel élu avait montré un peu moins d’entêtement que son camarade conservateur Ady Jung lorsque ce dernier fut porté à la mairie d’Esch en 1999 mais échoua à s’allier un partenaire de coalition, ce qui obligea un an plus tard les Eschois de retourner aux urnes et jeter leur dévolu sur Lydia Mutsch. M. Maroldt aurait fait, dit-on, un bon bourgmestre ou premier échevin si Jung à l’époque n’avait pas gâché la fête. Et laissé la place à l’actuelle coalition rose, verte et rouge aux commandes de la seconde ville du pays. Son échevin vert, Felix Braz, 37 ans, fait son entrée comme député, puisque Claude Turmes, élu au Sud, a choisi de rester eurodéputé à Strasbourg. Fils d’immigrés portugais, Felix Braz pourra sans doute parler mieux la langue de ses parents à la Chambre des députés que son prédécesseur Robert Garcia, qui avait fait un tollé en 1992 lors de l’adoption du traité de Maastricht. Ancien journaliste radio, Braz a démarré sa carrière en 1990 comme secrétaire parlementaire au Glei de Jup Weber avant de prendre ses distances avec l’ancien élu écolo libéral qui, dans l’intervalle, a disparu de la scène politique après une incursion de cinq ans au Parlement européen de 1994 à 1999.    Chez les Verts, deux autres personnalités devraient apporter du sang neuf à la Chambre des députés. Honneur aux dames d’abord avec Viviane Loschetter, qui a fait parler d’elle une première fois en octobre1999 comme tête de liste des Verts à la mairie de Luxembourg. Elle y décroche un strapontin de conseiller communal et s’attèle avec beaucoup de détermination aux dossiers relatifs à l’aménagement du territoire et au trafic urbain. C’est elle, par exemple, qui a ouvert les hostilités avec le bourgmestre Paul Helminger contre le projet d’aménagement d’une zone mixte à Gasperich. Porte parole des Verts depuis 2000, tout en continuant à mener de front sa vie familiale et professionnelle (dans le secteur socio-éducatif), Mme Loschetter a été recrutée par les écologistes en 1998. Les Verts lui font les yeux doux après qu’elle ait initié en 1997, lors de la présidence luxembourgeoise de l’UE, le premier sommet des femmes sur l’emploi. Cet évènement fut la consécration de son engagement dans les ONG de femmes. Cela n’en fait pas pour autant une militante féministe pur jus. L’approche de Viviane Loschetter sur la question de l’égalité des chances entre les hommes et les femmes (lire aussi page 9 de cette édition) est à l’opposé de celle qui a été conduite par sa prédécesseure au parlement, Renée Wagener. Les temps ont changé. Claude Adam, 45 ans, élu des Verts au centre, correspond sans doute plus au profil type que l’on se fait du militant écolo. Il se décrit lui même comme un « vieux routier » du Mouvement écologique. Il fut de 1990 à 1999 président de la section de Mersch de cette association jusqu’à son entrée chez les Verts en 1999. Il se présente alors pour la première fois aux législatives puis au scrutin communal à Mersch, dont il devient échevin. Comme c’est le seul élu de la circonscription centre de son parti à être aussi haut dans les affaires communales, il devrait  à la Chambre des députés s’occuper de ces questions.  Instituteur pendant vingt ans, M. Adam passe en 2000 le concours d’inspecteur de l’enseignement primaire. Il renoue avec les études à Heidelberg entre 2001 et 2002 et s’apprêtait à terminer son stage lorsque l’appel à la députation l’a rattrapé. Chez les élus socialistes, rares devraient être les nouvelles têtes à faire leur apparition au Krautmart, à moins d’une participation du LSAP au futur gouvernement. En attendant, le seul nouvel élu sûr est le bourgmestre de Wiltz et président du club local de football, Romain Schneider, qui a battu à plates coutures son camarade et ancien ministre Georges Wohlfart, qui a été éliminé du parlement. Sort identique pour Eugène Berger, le secrétaire d’État sortant à l’Environnement, qui est tombé de haut à ce scrutin, dépassé dans le sud par le petit jeune du parti libéral, Claude Meisch, 33 ans. L’inexistant secrétaire d’État à la fonction publique et à la réforme administrative, Jos Schaack, s’est également écroulé dans l’effondrement de la maison libérale. Tout comme le vieux renard du DP, Jean-Paul Rippinger, président sortant de la fraction parlementaire, qui n’a aucune chance de revenir à la chambre, où il entra pour la première fois en 1979, puis par intermittence entre 1981 et 1988. Il y a siégé depuis cette date sans discontinuer. Il devra désormais s’accrocher à son mandat d’échevin de la Ville de Luxembourg. Quant au bourgmestre Paul Helminger, qui n’a pas été réélu, il aura sans doute une chance de retourner sur les bancs du Krautmart, si Lydie Polfer opte pour un exil doré à Strasbourg ou à Bruxelles. Un espoir que l’ancien transfuge du DP, Théo Stendebach, passé sous le giron du CSV par opportunisme plus que par conviction, ne peut même pas caresser, compte tenu de son très mauvais score.  

Véronique Poujol
© 2023 d’Lëtzebuerger Land