Femmes en politique

Am stram dames

d'Lëtzebuerger Land du 17.06.2004

C'est Marie-Josée Jacobs (CSV), en sa qualité de ministre de la Promotion féminine, qui a marqué de son empreinte la politique d'égalité entre les femmes et les hommes au Grand-Duché depuis la création de ce ressort, en 1995. Le cumul avec le ministère de la Famille, de la Solidarité sociale et de la Jeunesse ont valu à l'infirmière-anesthésiste le reproche de s'emmêler les pinceaux et de faire de la promotion féminine carrément un appendice d'une politique familiale paternaliste. Le projet d'améliorer la condition de la femme se serait surtout traduit par la production de campagnes publicitaires superflues et de brochures sur papier glacé. L'idée de réformer le ministère de la Promotion féminine fait actuellement son chemin. Au nouveau gouvernement de décider si ce ressort va continuer à exister tel quel et si ses compétences seront élargies dans une direction égalitaire, non plus centrée exclusivement sur la femme mais aussi sur son entourage. Deux ministres sortantes du CSV - Erna Hennicot Schoepges et Marie-Josée Jacobs -, la députée Nelly Stein (sud) et deux nouvelles têtes - Octavie Modert (est) et Marie-Thérèse Gantenbein-Koullen (centre) -, sont directement élues au parlement. L'ancienne présidente du parti, ministre de la Culture, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche ainsi que des Travaux publics pendant la dernière période législative, Erna Hennicot-Schoepges a été la première femme présidente de la Chambre des députés. Dans sa commune de Walferdange, la professeure de piano a été membre fondatrice de l'association Mammen hellefe Mammen. Pragmatique, elle a attribué des postes importants à des femmes de façon conséquente. La juriste Octavie Modert est sortie en flèche de l'ombre du ministère d'État. Elle a su convaincre à l'est d'une part parce qu'elle est un produit du terroir mosellan - elle est fille de vigneron et son mari est viticulteur indépendant - et a fait carrière en tant que secrétaire générale du gouvernement. La professeure Nelly Stein est députée depuis 1989 et bourgmestre honoraire de Schifflange. Elle siègera aux côtés de l'enseignante retraitée Marie-Thérèse Gantenbein, bourgmestre de la commune de Hesperange. Celle-ci a remplacé l'ancien maire défunt Alphonse Theis qui a été l'un des élus CSV les plus populaires au centre. 1999, il s'était classé deuxième après Luc Frieden et avait une longueur d'avance sur Erna Hennicot-Schoepges. Dans ce contexte, soulignons que la candidate Yolande Roller-Lang n'a eu que peu de succès aux élections. Le CSV s'était pourtant attendu à de bons résultats en recrutant une mère au foyer convaincue, présidente de Famill 2000 militant pour un modèle familial ultra conservateur et l'introduction de la Mammerent. Elle était partie en croisade contre les «scélérats» qui avaient osé traiter les femmes au foyer de paresseuses - avec la conséquence contre-productive de scinder la gente féminine entre celles qui poursuivent une activité professionnelle et celles qui restent au foyer. Ce conservatisme révolu a sans doute repoussé les électeurs modérés qui ne souhaitent pas de retour en arrière. Après la formation du gouvernement et la désignation des députés européens, d'autres femmes auront un droit d'entrée à la Chambre des députés. Au CSV, ce sera Nancy Arendt, Marie-Josée Frank et peut-être Martine Stein-Mergen, Christine Doerner et même Françoise Hetto-Gaasch. Les seules rescapées de la commission parlementaire de l'Égalité des chances sont du LSAP : Lydie Err et Lydia Mutsch, la première femme bourgmestre de la Ville d'Esch. Avec la professeure Mady Delvaux, elles formeront le trio féminin socialiste au parlement. Mais à part Lydie Err, députée depuis 1984, aucune ne s'est jusqu'à présent vraiment engagée activement pour une politique égalitaire. Le souci de ne pas vouloir être stigmatisée de «féministe» au sens négatif du terme est sans doute un argument pour subsister dans un parti à l'esprit «mâle» dominant. Lydie Err est avocate-médiatrice et membre du Conseil de l'Europe. Elle milite pour les droits de l'homme, contre les discriminations en tant que membre de l'Asti, du Mouvement pour la libération de la femme (MLF), Action Prisons et à la tête de l'association des femmes juristes luxembourgeoises. Si les socialistes font partie du gouvernement, Vera Spautz de la circonscription sud, vice-présidente du conseil communal d'Esch-sur-Alzette viendra sans doute leur prêter main forte au parlement. Le DP est représenté par l'ancienne vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères Lydie Polfer (à moins qu'elle aille à Strasbourg), l'ancienne ministre de l'Éducation nationale, de la Formation professionnelle et des Sports, Anne Brasseur et la députée européenne sortante Colette Flesch. Pour les trois, la question égalitaire n'est que secondaire, le parti ayant même insisté sur l'appellation masculine des femmes au gouvernement, préférant se faire nommer le ministre. Les électeurs militants se sont sans doute aussi souvenus du blocage libéral contre la révision de l'article 11 de la Constitution qui devait y intégrer des mesures destinées à promouvoir l'égalité des chances. Viviane Loschetter est la seule femme plébiscitée au parti des Verts et en est un peu déçue. Après le départ de Robert Garcia en fin 2003,  Dagmar Reuter-Angelsberg est arrivée sur le devant de la scène. Elle n'a pas su établir sa notoriété ensuite et n'est arrivée qu'en quatrième position de la liste du sud. Elle n'aura sans doute pas la chance de reprendre ses fonctions de députée. Viviane Loschetter récupérera bien sûr les dossiers d'égalité des chances de sa prédécesseure Renée Wagener, mais elle ne compte pas s'en occuper seule. Aux hommes aussi d'enfiler le tablier pour travailler sur ce genre de dossiers que l'on prédestine plutôt volontiers à la gente féminine, un peu comme une excuse. Elle fait le pas vers la politique en 1998 et se présente aux législatives en juin 99, puis aux communales. Entre au conseil communal de la Ville de Luxembourg. Auparavant, elle milite dans les ONG féminines. Ses domaines de prédilection : aménagement du territoire, trafic, éducation et immigration. Elle a récupéré les dossiers de son «ami» Robert Garcia lorsqu'il est parti à la présidence de Luxembourg, capitale culturelle 2007. La formation professionnelle et l'égalité des chances font également partie de ses «dadas». «J'ai l'intention de tirer mes collègues masculins du parti vers les dossiers féminins et de faire participer les hommes aux questions relatives à l'égalité des chances», dit-elle. Le 8 mars dernier, elle demande d'ailleurs à François Bausch de participer à une table ronde organisée par le Conseil national des femmes. «Je me considère comme une féministe». Elle milite en effet au CID Femmes et au Conseil national des Femmes. «Ces dix dernières années, Renée Wagener a débroussaillé le chemin, je compte continuer sur cette lancée en impliquant davantage les hommes. Les femmes ont les mêmes droits - c'est un acquis - mais nous ne pouvons continuer qu'avec la coopération et le soutien actif des hommes. C'est un principe que je souhaiterais établir tout d'abord au sein du parti.» Une question de crédibilité des Verts.

anne heniqui
© 2023 d’Lëtzebuerger Land