Chronique de l’urgence

Résolutions pour un changement de cap

d'Lëtzebuerger Land du 03.01.2020

De Copenhague à Madrid, les années 2010 auront été une décennie perdue pour le climat. Malgré l’Accord de Paris fin 2015, malgré la mobilisation de millions de jeunes à travers le monde à partir de 2018, les progrès enregistrés pour sortir de la spirale autodestructrice alimentée par les énergies fossiles restent notoirement insuffisants. Les émissions mondiales de gaz à effet de serre d’origine humaine continuent d’augmenter. Bien plus que des avertissements sans frais, les impacts du réchauffement causent désormais des souffrances et des dégâts considérables. Les scientifiques s’égosillent, le secrétaire-général de l’ONU s’étrangle à force d’exhorter le monde à changer de cap, rien n’y fait : l’humanité continue de tituber vers l’abîme. Comment aborder la nouvelle décennie sans s’abandonner au pessimisme et, sous nos latitudes prospères, à un sombre et égoïste hédonisme ?

Plus qu’avant, il s’agit de répéter inlassablement que ce que nous, les humains, avons causé, nous pouvons aussi le réparer, ou, du moins, nous y essayer. Foin de discours oiseux sur une supposée « nature humaine » et d’insurmontables inerties politiques, il nous faut aujourd’hui

mettre nos objectifs politiques à court terme en adéquation avec l’urgence. Il n’y a pas d’alternative à une réduction annuelle de l’ordre de sept pour cent par an de nos émissions de CO2 - si ce n’est une réduction plus importante encore à titre de précaution. 

Plus qu’avant, nous devons dorénavant nommer et dénoncer avec beaucoup plus de courage ceux qui, par pure avidité et en toute myopie, ont délibérément empêché une action climatique digne de ce nom. « En l’absence des milliards de dollars dépensés par les intérêts liés aux énergies fossiles, ainsi que des organisations de façade et des politiciens à leur botte, pour obscurcir la compréhension par le public des risques du changement climatique, je suis convaincu que nous aurions agi il y a des décennies », résume le climatologue américain Michael Mann, qui voit dans cet effort « la campagne de désinformation la plus organisée et la mieux financée de l’histoire de l’humanité », à savoir « un effort concerté pour semer la confusion au sein du public et des décideurs sur la réalité et la menace du changement climatique d’origine humaine ».

Plus qu’avant, tournons le dos aux fallacieuses solutions de géo-ingénierie et de migrations interplanétaires mises en avant par ceux qui veulent nous maintenir dans notre torpeur imprégnée d’effluves d’hydrocarbures. Beaucoup de temps a été gaspillé, mais il est encore possible de tirer les enseignements des échecs de ces dernières années pour aborder les années 20 dans un état d’esprit neuf. Sous peine de voir la civilisation humaine se détricoter sous nos yeux, la décennie qui s’ouvre doit être celle d’une décarbonisation tous azimuts.

Jean Lasar
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