CD Love is for the fishis de Minipli

Pas l'ombre d'un (mini)pli

d'Lëtzebuerger Land du 18.10.2007

Composé de deux membres de John McAsskill et d'un ancien Farm Cookie Propeller, le trio Minipli avait déjà fait parler de lui durant l'été dernier. Leurs prestations scéniques surréalistes et fascinantes avaient convaincu plus d'un observateur et pouvaient laisser présager d'une formation au caractère débridé et au style affirmé, n'ayant aucun équivalent au Luxembourg. Il faut dire que le potentiel esquissé s'avérait énorme. Pensez donc : un folk rock synthétique célébrant les noces de PJ Harvey et de Suicide dans un cabaret des travestis dada, avec les Kills en guise de témoins, ça avait de la gueule, non ? Auréolé d'un bouche-à-oreille tout à fait mérité et légitime, Minipli n'aura pas attendu trop longtemps avant de vouloir faire partager dix de ses morceaux regroupés sur un premier album intitulé Love is for the fishis. Est-ce trop précipité ou faut-il toujours battre le fer tant qu'il est chaud ? On penchera pour la première proposition. Autoproduite (DIY rules) et mixée en compagnie de Pierre Bianchi, cette demi-heure proposée par Minipli aurait gagné beaucoup en relief avec une mise en son plus réfléchie. Malgré une approche soi-disant lo-fi, tout sonne assez platement, sans caractère et n'a pas cette âpreté rêche qui aurait donné ce mordant qui sied si bien au minimalisme du trio. Seules les voix s'en sortent plus ou moins bien. On n'ose imaginer ce qu'une production plus adéquate aurait apporté. Heureusement pour Minipli, ceci constitue le seul reproche de taille que l'on puisse leur faire. Car passée la déception de ne pas retrouver le relief sonore montré sur scène, on trouve un groupe à l'univers assez convaincant et fascinant. Privilégiant un minimalisme spartiate aux lisières du dadaïsme, que l'on retrouve dans leur art du collage d'éléments disparates, Minipli échafaude ses morceaux sur des motifs rudimentaires de claviers volontairement cheap, de guitares et de basse sur des ébauches de rythmes portant des voix mixtes, qui se font tour à tour incantatoires, cajoleuses ou qui simplement partent dans tous les sens. Cela intrigue dans un premier temps et malgré ce parti pris casse gueule, parvient à séduire la plupart du temps. L'approche variée des tons et des vocaux féminins et/ou masculins sont pour beaucoup dans la réussite des morceaux. Fiffi (au micro également dans John McAsskill) dépasse définitivement le registre assez limité qui est le sien dans son autre formation tandis que Nipless fait preuve d'une versatilité et d'une justesse de ton aussi théâtrale que sidérante. Le songwriting, par moments, erratique et statique, n'affaiblit en rien l'approche décalée de Minipli, tant les trouvailles, sonores et vocales, maintiennent un intérêt certain, pour les morceaux les plus aboutis, les autres, rares n'ont pas cette chance. Passé l'introduction anecdotique et ironiquement autoglorifiante, les faits d'arme remarquables défilent et on notera ainsi un Fuego ! ultra-entraînant, un Difficile on the water en deux temps, un Electric brainstorm reptilien et glauque, un Washing the money menaçant et le morceau qui se détache tout naturellement du lot, Bobby ray, litanie folk cinématique et prenante que ne renieraient pas les Kills. Ce Love is for the fishis.ouvre une brèche originale pour Minipli. Il leur permet de confirmer ce potentiel que certains avaient décelé en eux. Mais pour dépasser cette déclaration d'intention, il leur faudra impérativement mieux maîtriser les potentialités de leurs prochains enregistrements afin de mieux poser sur disque, cette folie maîtrisée qui les habite sur scène, et ainsi mettre en évidence leur singularité. Affaire à suivre!

© 2023 d’Lëtzebuerger Land