Lycée technique agricole

Cherchons implantation pour plantations

d'Lëtzebuerger Land du 25.03.1999

Ah, ça non! Claude Halsdorf, député socialiste et membre de l'opposition dans le conseil communal d'Ettelbruck, est persuadé qu'avec Édouard Juncker, l'ancien député-maire PCS décédé en janvier, le délogement du Lycée technique agricole (LTA) ne se serait jamais faite: "Il s'est toujours engagé pour que le LTA reste dans la ville", affirme-t-il. Pierre Kraus par contre, le maire PCS qui a succédé à Ed. Juncker l'année dernière, semble accepter ce déménagement comme une fatalité, faute de terrain au cœur de la ville permettant l'agrandissement du LTA. Il estime que de toute façon, il s'agit aussi d'avantage d'un problème dû au Lycée technique, en face du LTA, boulevard Salentiny, qui a besoin d'espace supplémentaire. Déjà cette année, une dizaine de classes sont enseignées dans des containers, à la rentrée de septembre, vingt containers supplémentaires seront nécessaires pour les élèves du lycée préparatoire. Jusqu'à maintenant, ces classes se trouvaient dans un bâtiment scolaire à Diekirch, qui sera désormais utilisé pour l'école primaire. Si la meilleure possibilité pour l'extension du Lycée technique d'Ettelbruck est le bâtiment du LTA - qui pourrait également accueillir l'école des professions de santé -, le lycée agricole doit donc trouver un autre emplacement. Selon Norbert Feltgen, directeur du LTA, un nouveau site permettant de regrouper toutes les activités de l'école agricole actuellement dispersées dans la nature serait salutaire pour l'enseignement et beaucoup plus rationnel. "Nous ne disposons pas des 123 hectares que monsieur Feltgen demande," estime Pierre Kraus (dans un entretien, le directeur du LTA ne parlera plus que de la moitié du terrain nécessaire). Ettelbruck est déjà à l'étroit, ne dispose plus guère de terrains à bâtir au centre, la seule possibilité aurait été le lieu-dit "Op der Haardt", préconisée par les socialistes, mais il s'agit d'une zone réservée. Claude Halsdorf suppose que le LTA aurait pu y installer des champs ou les serres qui lui font défaut pour la section horticole. Dégagement Mais la décision de la délocalisation est prise, le ministre des Travaux publics Robert Goebbels (POSL) et la ministre de l'Éducation nationale et de la Formation professionnelle Erna Hennicot (PCS) ont fait une visite des lieux en février et le conseil des ministres a alors pris la décision de déménager le LTA. "Il y avait beaucoup de demandeurs," annonça Robert Goebbeles le même jour à la presse, mais seuls deux sites avaient été retenus: d'un côté l'usine Laduno, commune de Erpeldange, où Luxlait produit toujours du beurre, mais dans laquelle le LTA loue des salles de classes et des ateliers depuis 1992. Et de l'autre, la commune de Heinerscheid, canton de Clervaux, qui aurait comme avantage d'être immédiatement disponible. La région de Mersch est donc définitivement éliminée. Le ministère de l'Aménagement du territoire a maintenant comme mission d'établir une étude de faisabilité pour les deux sites, devant fournir des éléments de choix objectifs dans une discussion essentiellement menée politiquement et passionnellement. Pourtant, le cœur de nombre de gens semble pencher pour le site Laduno: plus proche d'Ettelbruck, il garantirait des facilités logistiques, comme l'accès par les transports publics - on pourrait même installer une gare BTB devant la porte -, mais aussi la proximité de l'internat d'Ettelbruck (qui accueille actuellement 84 élèves sur les quelque 500 du lycée) et la proximité de la ville tout court, un avantage pour les élèves qui y fréquentent les magasins et autre secteur horeca. Les enseignants penchent clairement pour cette solution, craignant de perdre des élèves potentiels qui seraient démotivés par le long voyage jusqu'à Heinerscheid. "C'est loin en kilomètres, mais le trajet se fait très vite, sans bouchons", rétorque Camille Eilenbecker, enseignant au LTA, mais surtout maire de Heinerscheid. Sa commune a demandé de pouvoir implanter l'école sur son territoire, estimant qu'elle serait une des rares activités idéales pour une commune du parc naturel de l'Our, de laquelle beaucoup d'activités économiques avec un potentiel de création d'emplois sont bannies pour raisons écologiques évidentes. Pour Camille Eilenbecker (PCS), le parc naturel est justement un argument pour Heinerscheid, comme le LTA doit chercher à développer l'agriculture alternative et écologique. "Un parc naturel aussi a besoin de se développer", explique le maire, qui se dit soutenu dans sa requête par les collègues des syndicats locaux - le canton de Clervaux est un des rares dans lequel aucune école postprimaire n'a encore été implantée. La mairie a proposé au gouvernement de mettre immédiatement à disposition un terrain de onze hectares, et "trouver les soixante hectares nécessaires pour le LTA ne nous pose aucun problème" affirme le maire, qui ne voit pas non plus de problème de transport public, attribuant au gouvernement la compétence de régler ce problème. Il s'avère donc que le choix du futur site pour le LTA est une question hautement politique, à commencer par le choix des deux sites en concurrence, qui ne sont pas par hasard tous les deux dans la circonscription Nord. Les deux partis du gouvernement doivent lutter pour le siège de député de Ed. Juncker, dont la popularité régionale dépassait de loin celle de son successeurs dans la Chambre des députés, Marco Schanck. Lors du congrès du POSL, circonscription Nord, à la mi-janvier, les dignitaires du parti se vantaient pourtant des mérites de leur parti pour le développement de la région, notamment sur le plan des transports publics. La lutte pour ce siège décisif est donc ouverte, l'engagement du ministre de l'Aménagement du territoire Alex Bodry (POSL) pour développer le concept de la Nordstaat, la grande agglomération de Diekirch / Ettelbruck est connu. Le site Erpeldange s'intégrerait merveilleusement dans cette idée, une fois que Luxlait aura trouvé un terrain de dix hectares en échange de l'usine Laduno et ses quelque huit hectares de terrain. Reste à voir combien de terrain serait disponible alentour. Dans un communiqué de presse, la section du PCS d'Ettelbruck / Warken plaide elle aussi pour le développement du LTA et le choix d'un site "central pour tous les agriculteurs". Besoins d'espaces Ne serait-il pas important non plus que l'école se situe aux alentours d'une ville, pour que les élèves puissent profiter de ses infrastructures et de sa vie sociale durant leur temps libre? Norbert Feltgen se refuse un jugement quant à l'un ou l'autre site, affirme laisser le choix à la compétence des techniciens. Mais son école a établi un dossier de doléances, esquissant les besoins en terrain et infrastructures. Ainsi, soixante hectares de terrain seraient nécessaires pour que l'enseignement puisse être vraiment centré sur la pratique, ces terrains servant essentiellement en tant que champs à l'apprentissage empirique et à l'expérimentation scientifique. Les terrains dont le LTA dispose actuellement comprennent une quarantaine d'hectares, bâtiments compris, mais sont dispersés dans toute la région du Nord, ce qui implique souvent beaucoup de perte de temps pour le transport. En plus, il manque une trentaine d'hectares pour le développement des activités horticoles. D'ailleurs le LTA forme depuis quelque temps beaucoup plus d'horticulteurs-fleuristes que d'agriculteurs: cette année, 200 élèves sont inscrits dans le cycle inférieur (sans spécialisation) et dans le cycle supérieur 88 ont choisi la section agriculture (27 pour cent, en majorité des enfants d'agriculteurs), 184 l'option horticulture (57 pour cent), puis 25 la section forêt / environnement et 24 celle de mécanicien. Seuls 25 pour cent des élèves sont des filles. Norbert Feltgen voit un avenir dans l'agriculture, malgré les difficultés actuelles, mais affirme que pour cela, les frais de production doivent être diminués par une meilleure formation des futurs chefs d'entreprise, devant maîtriser les techniques informatiques de gestion de leur cheptel et de leur terrain. Les infrastructures d'enseignement adéquates en seraient la première condition. Il rêve d'une école qui comporterait également sa propre ferme, pour que l'enseignement théorique et technique puisse être couplé à la pratique. Pourtant, cette revendication est vue avec un certain scepticisme par le monde agricole qui voit dans une telle ferme subventionnée une concurrence déloyale. Pierre Treinen, secrétaire du Service jeunesse de la Centrale paysanne affirme que les agriculteurs soutiennent la construction d'un nouveau LTA qui permette un enseignement professionnel ciblé, mais qui ne doit pas être trop grand. Une fois le site arrêté, la construction du nouveau LTA devrait pouvoir se faire assez rapidement. Le dernier rapport de planification des infrastructures scolaires, présenté en mars par la ministre Erna Hennicot, prévoit 1,8 milliards de francs pour la réalisation d'un nouvel immeuble, dont la mise en service se ferait en 2003. Le ministre de l'Aménagement du territoire doit remettre son rapport dans deux semaines.

josée hansen
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