Chômage des jeunes

CATalyseurs

d'Lëtzebuerger Land vom 24.11.2006

Les chiffres sont plus qu'alarmants: sur les 10 104 personnes qui cherchaient un emploi au Luxembourg fin septembre de cette année, 2 029 avaient moins de 26 ans et 1255 entre 26 et trente ans. Les trois mesures de mise au travail pour jeunes, créées en 1999 en application du Plan d'action national pour l'emploi du Luxembourg, accueillent de plus en plus de jeunes demandeurs d'emploi : fin septembre, 196 jeunes bénéficiaient d'un stage d'insertion en entreprise, 403 d'un contrat d'auxiliaire temporaire (CAT) dans le secteur privé, et surtout 968 personnes d'un tel contrat dans le secteur privé. Ces chiffres ont encore augmenté depuis : le 23 novembre, 206 étaient en stage d'insertion, 404 en CAT privé et 1 055 personnes en CAT public. « Ces mesures sont souvent perçues comme un parking, » avait regretté le Premier ministre Jean-Claude Juncker (CSV) dans sa déclaration de politique générale le 12 octobre, constatant que les jeunes arrêtaient de rechercher activement un emploi fixe une fois qu'ils avaient « un pied dans la porte », faisant tout pour rester à ce job qui pourtant n'est que provisoire. Afin de rendre la recherche d'un emploi plus attractive, le gouvernement veut donc réformer ces CAT – qui sont en fait le prolongement des DAT créés en début des années 1980 – de façon à ce que le provisoire de la situation soit souligné et amplifié. Le projet de loi n° 5501, déposé le 13 octobre dernier et qui est en attente d'un avis du Conseil d'État, prévoit entre autres de réformer la loi de 1999 sur les mesures pour l'emploi des jeunes en réduisant le nombre de mesures à deux : une mise au travail en entreprise, le « contrat insertion emploi », et une dans le cadre du service public et assimilés, le « contrat appui emploi ». Pour ce dernier, la durée maximale du contrat serait réduite à neuf mois, prolongations comprises – contre entre un an et 18 mois actuellement –, la durée de travail hebdomadaire baissée de huit heures à 32 heures afin que le jeune puisse participer à des formations et rechercher plus activement un emploi fixe. Parallèlement, la rémunération serait uniformément fixée à 80 pour cent du salaire social minimum pour ouvriers non-qualifiés, qui est actuellement de 1 503 euros. Les promoteurs, c'est-à-dire les administrations, établissements pu-blics, communes ou associations sans but lucratif qui embaucheraient un jeune par le biais de cette mesure, devraient alors garantir un suivi de la carrière de ce jeune, en lui assignant un tuteur qui aiderait à le former, sur base d'un plan de formation à établir dès l'embauche. Pour l'Administration de l'emploi (Adem) et le ministère du Travail et de l'Emploi (MTE), ces mesures devraient permettre de recentrer ces contrats appui emploi sur leur mission première : celle de compléter la formation des jeunes demandeurs d'emploi afin de mieux pouvoir les intégrer sur le premier marché de l'emploi, vers un contrat à durée indéterminée. « Il nous faut avant tout un changement de mentalités, faire comprendre que ces mesures de mise au travail ne sont pas des postes fixes, mais provisoires. Pour cela, elles doivent être moins attractives qu'un emploi durable, » souligne Maryse Fisch, conseillère de gouvernement responsable du département emploi au MTE. Et de regretter ces CV « typiques » où des jeunes enchaînent mesure pour l'emploi sur chômage, bref CDD non-renouvelé, re-mesure pour l'emploi avant de se retrouver, à trente ans, au RMG, sans plus vraiment beaucoup de chances de trouver encore un emploi fixe sur le marché  de plus en plus concurrentiel. Mais ce changement de mentalité devrait aussi et surtout avoir lieu du côté de ceux qui embauchent actuellement des CAT : donc l'État lui-même. Si, dans les discussions de la tripartite, les syndicats soulignent toujours qu'il ne faut pas attribuer la responsabilité du chômage aux chômeurs, cela est tout aussi vrai ici : ce sont avant tout les administrations étatiques qui ont recours aux CAT. Sans ce millier de personnes embauchées en dehors du numerus clausus dans le secteur public et affiliés, beaucoup de ces administrations ne pourraient tout simplement pas fonctionner. Selon le rapport annuel 2004 du MTE, 863 personnes travaillaient ainsi dans les administrations cette année-là, 140 dans des communes, 426 dans des asbl et trois dans des syndicats de communes. Pour eux, comme pour les patrons privés, il s'agit souvent là d'une main d'œuvre extrêmement bon marché et flexible. Ainsi, le Fonds pour l'emploi rembourse aux promoteurs du secteur public 85 pour cent du salaire du CAT – qui ont donc actuellement à leur disposition un salarié à 40 heures par semaine pour quelques centaines d'euros. Ceux du secteur privé se voient rembourser cinquante pour cent du salaire. Or, beaucoup d'administrations du secteur public ont un besoin urgent de ces aides d'appoint – le laboratoire national de santé, l'administration de l'enregistrement, beaucoup de musées et associations culturelles. Le fait que l'État veuille encore réduire les conditions de rémunération de ces contrats fait donc forcément naître le soupçon qu'il veuille avoir de la main d'œuvre encore moins cher. Il devrait donc donner le bon exemple au secteur privé en créant des postes fixes là où ils s'avèrent nécessaires – mais le ministre des Finances, Jean-Claude Juncker (CSV) et celui du Budget, Luc Frieden (CSV) ont stoppé les em-bauches dans le secteur public depuis au moins le dernier gouvernement, à l'exception de la police, de la justice et de l'éducation nationale. D'ailleurs, le MTE écrit lui-même dans le projet de loi afférent à cette réforme, qu'elle « vise à réduire le recours trop facile par les promoteurs à une main d'œuvre d'appoint en contournant notamment les procédures de recrutement prévues

josée hansen
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