Tzeedee

Une promenade à Flatland

d'Lëtzebuerger Land du 19.06.2020

Le 29 mai, Claire Parsons a dévoilé son premier album solo In geometry. Paru chez Double Moon Records, dans le cadre de la série Next generation du magazine allemand Jazz thing, ce premier opus tombe à pic, à une période étouffante où chaque nouvelle sortie représente un vent d’air frais. D’autant que les échos sont plutôt positifs. La presse en a bien parlé et de manière générale, les retours des auditeurs sont unanimes. Il n’en fallait pas plus pour attiser la curiosité des plus récalcitrants. Car la chanteuse et compositrice anglo-luxembourgeoise fait partie intégrante de cette jeune génération de jazz autochtone, bien sous tous rapports, qui a dynamité certains codes il y a quelques années, mais qui a presque fini par lasser sur la durée. La faute à des projets, toujours maîtrisés, mais interchangeables. La perspective de retomber sous le charme de cette scène était trop forte pour passer à côté.

Voici donc In geometry, neuf titres pour 36 minutes d’une musique composée selon un processus particulier : tous les titres tournent autour de la géométrie. On y découvre ainsi des morceaux intitulés Pyramid, Sphere ou encore Cube, dont les structures musicales respectives sont basées sur les formes géométriques correspondantes. La recherche d’une musique circulaire, triangulaire et ainsi de suite, est une proposition certes surannée mais attrayante, d’autant plus que jazz et géométrie ont toujours fait bon ménage. Claire Parsons invite ses auditeurs à partir en balade. Les neuf compositions forment une promenade à travers un Flatland singulier et étonnamment complexe. Flatland, c’est ce curieux monde créé par Edwin Abbott Abbott dans son livre du même nom. Une fable dans laquelle évoluent des figures géométriques personnifiées.

On aurait pu s’attendre à une imagerie minimaliste et pourtant, il y a de quoi tomber sous le charme de l’esthétique développée par l’artiste autrichienne Astrid Rothaug. Les illustrations en noir et blanc, en commençant par la pochette, présentent un petit personnage non identifié, de dos et perdu dans un monde labyrinthique mais charmant. Il y a un petit côté Egon Schiele dans cette silhouette évoluant à travers des paysages oniriques, fait de plantes, d’escaliers et de statues grecques. Mais place à la musique. Sur cet album à thème, qui ne tombe pas dans les pièges de l’album-concept, Claire Parsons est accompagnée par sa troupe habituelle. Eran Har Even est à la guitare, Jérôme Klein est aux claviers, Pol Belardi est à la basse et Niels Engel est aux percussions.

L’introduction Vertex est une agréable entrée en matière, une montée d’accords où la voix de la chanteuse est modifiée et étouffée. Arrive Line. Dot. Curve., son échantillonneur et sa structure insaisissable. S’ensuivent Pyramid et surtout No Shape, une jolie balade, mais assez difficile d’accès. Le clip de la chanson, là encore illustré par Astrid Rothaug, est une aventure où le personnage phare traverse un océan à bord d’un bateau en papier. On croisera un tigre et un château de cartes, pour un tout assez fouillis mais créatif. On découvre un beau dialogue, sans effets de manche, entre Jérôme Klein et Eran Har Even sur Enneagon, peut-être le meilleur titre du projet, où la voix de la chanteuse est en retrait. Cube, Nebula, Sphere et Ursa Major se suivent, se complètent voire se confondent. Qu’on se le dise, In geometry n’est pas un album qui donne spécialement la pêche, mais on salue sa créativité et la qualité de ses arrangements. Kévin Kroczek

Claire Parsons se produira en duo avec Eran Har Even à Neimënster le 15 juillet. Son album In Geometry est disponible sur toutes les plateformes de streaming, ainsi que sur YouTube. Plus d’informations sur : www.parsonsclaire.com.

Kévin Kroczek
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