Esch-la-Rouge

Suite sans fin

d'Lëtzebuerger Land du 16.12.1999

Lorsqu'au lendemain des élections communales du 10 octobre 1999, malgré une perte de suffrages, les chrétiens-sociaux parlaient d'une « victoire historique », ils avaient raison de jubiler : pour la première fois depuis 1920, ils avaient dépassé la gauche en voix et en sièges, même s'ils devaient leur victoire à une militante anticléricale viscérale et bouffeuse de curés à en attraper une indigestion. Cette dame est davantage connue pour son combat en faveur des animaux maltraités que pour son engagement politique ; elle avait mené tambour battant une campagne contre un projet immobilier municipal dans le quartier de Wobrécken, ralliant tous les habitants de cette cité résidentielle à sa cause et y faisant perdre 3 000 voix aux socialistes, alors qu'au final, il leur en manquait moins de 500 pour conserver la majorité.

Étonnant. . .

À partir de cette situation limpide assurant six sièges au PCS et six au POSL, les choses se gâtèrent rapidement. Lorsque le deuxième élu de la liste chrétienne-sociale, furieux de ne pas être retenu pour un poste d'échevin, claqua la porte et se proclama « indépendant », du coup, la situation fut inversée en faveur des socialistes.

La colère du chef de file des chrétiens-sociaux fut à la mesure de sa déception de voir le fauteuil de maire, sur lequel il se voyait déjà installé, lui échapper. Après les injures verbales, il passa aux révélations : n'avait-il pas versé pendant des années une rente de 5 000 francs par mois à son collègue de parti pour qu'il lui fasse le champs libre, 5 000 francs payés de sa poche.

C'est ainsi que les Eschois apprennent avec consternation et dégoût les mœurs nauséabondes régnant au PCS eschois : voici deux membres éminents du PCS, qui pour servir leurs ambitions personnelles, tiennent pendant des semaines les électeurs en otages.

Le plus étonnant dans cette affaire, c'est l'indifférence avec laquelle les milieux politiques réagissent, ou plutôt ne réagissent pas, devant ces actes graves. Car enfin, il s'agit ici de corruption, soit un délit punissable par la loi. Nous sommes en présence d'un corrupteur, en la personne du prétendant à la mairie de la deuxième ville du pays, et d'un corrompu, le draineur de voix pour le compte du PCS.

Étonnant que le ministre de l'Intérieur n'ait rien trouvé à redire, pour lui, de telles mœurs sont parfaitement normales.

Et l'on s'étonnera que les citoyens n'ont plus confiance envers ceux qui nous gouvernent et apportent leurs voix à des partis poujadistes qui se présentent comme les nettoyeurs de ces écuries.

Et que se passe-t-il sur le terrain? Pendant que les deux partis font semblant de mener des discussions en vue d'une coalition, en coulisses chacun essaye de gagner les faveurs du corrompu ; et connaissant le personnage, ce n'est qu'une affaire de prix.

Autre étonnement : le corrompeur continue à tenir le haut du pavé, à empoisonner l'atmosphère par des déclarations tonitruantes ; et son parti lui garde toute sa confiance. . .

Aux urnes, citoyens !

Finalement, travaillé au corps à corps par les plus hautes instances du PCS, le corrompu voulait retourner une nouvelle fois la veste pour regagner le bercail. À quel prix ?

Les socialistes quant à eux ont compris et réalisent qu'il aurait été suicidaire de s'attacher un personnage aussi versatile que le corrompu, qui finalement a tiré sa révérence. Plus question non plus de partager la mairie avec le chef de file des chrétiens-sociaux, à l'ambition maladive et pour qui tous les moyens sont bons pour l'assouvir. Pour la circonstance, la présidente de la section locale du POSL a montré son autorité. Ce frêle bout de femme a de la poigne, si c'était un homme, on dirait d'elle qu'elle les a carrées. Elle a choisi la fuite en avant, seule issue possible après des semaines de foire d'empoigne, de basses manœuvres, d'intrigues de palais : les électeurs redistribueront les cartes.

La facture risque d'être lourde pour les deux partis de la majorité sor-tante, dont les tenors se sont dis-

crédités.

On ne joue pas impunément avec les valeurs de la démocratie, même pas au niveau local.

 

Josy, Ady et les autres

 

En annonçant ce weekend qu'il renonçait définitivement à briguer un mandat aux prochaines élections ­ dernier épisode du vaude-ville eschois ­ le « corrompu » Josy ne fait que devancer le verdict des électeurs.

Quant à Ady, le « corrompeur », qui a creusé sa propre tombe, entraînant tout le Parti chrétien social dans sa chute, il s'est disqualifié pour figurer comme tête de liste de son parti.

Et les chrétiens-sociaux d'Esch-sur-Alzette songent avec nostalgie aux anciens du PCS qui ont dignement représenté leur parti au cours des années récentes et plus lointaines :

Papa Kinsch, patriarche respecté d'une nombreuse progéniture ; le Dr Colling, son fils Fränz (poussé sur une voie de garage doré parce que trop dérangeant) ; dame Viviane Reding ; etc.

À côté de ces fortes personnalités, les Ady et autres Frunnes, politiciens de bas étage, ne font pas le poids. P.C.

 

Paul Cerf
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