Projet de budget de l'État 2010

Été indien des cigales

d'Lëtzebuerger Land du 01.10.2009

Ce n’est pas vraiment dans sa nature de faire des folies. Le ministre des Finances Luc Frieden a déposé à la Chambre un projet de budget qui s’inscrit une nouvelle fois dans la continuité. Sauf que les prémisses sont tout autres. L’ancien ministre du Budget, qui jadis adorait vendre son projet sous le label de la prudence, se voit aujourd’hui forcé d’abandonner la gestion classique en bon père de famille et doit prendre de gros risques. Au fil des derniers mois, la population a été préparée à l’inévitable : l’État allait devoir s’endetter pour affronter la traversée du désert, maintenir l’économie à flot et presque inchangé le pouvoir d’achat des ménages. Le Premier ministre Jean-Claude Juncker l’avait fait savoir sans ambages lors de sa déclaration gouvernementale le 29 juillet à la Chambre des députés. Cependant, il avait aussi mis en garde que les prochaines générations ne devaient pas être prises en otage et être redevables du train de vie excessif de leurs aïeux.

C’est pourquoi on s’était attendu à un signe qui indiquerait que les hommes de barre des finances publiques avaient entrepris un changement de cap qui permettrait de s’éloigner des côtes rocheuses en ces temps de brouillards intenses. Car les faiblesses du système sont bien connues, il suffit de relire les déclarations au parlement lors des débats répétitifs sur le budget de cette dernière décennie pour s’en rendre compte. Circonstance aggravante. 

Trop de dépendance de la place financière, myopie, manque de visions politiques, mesures prises pour le court terme au lieu de considérer les conséquences dans le long terme. Bref, les dépenses effectuées étaient plus l’expression d’une attitude d’enfant gâté, toujours fixé sur la satisfaction de ses envies immédiates. Tant que le grand-duché en avait les moyens, rien ne pouvait arrêter la course à la dépense et à la consommation. Et nous continuerons ainsi les prochaines années, à l’insu de notre plein gré.

2011 est annoncé comme l’année du retour aux choses sérieuses. À la fin de l’année 2010, le Luxembourg aura cumulé une dette publique de sept milliards d’euros, presque vingt pour cent du PIB. « Le déficit n’est tolérable que jusqu’à la fin de la crise, pas au-delà », a assuré le ministre Frieden mardi. Et de conjurer l’effort collectif en resservant les bonnes vieilles recettes : freiner les transferts sociaux, réformer les pensions, ralentir les frais de fonctionnement public, freiner les investissements etc. Certaines réformes sont urgentes, certes, mais elles auraient dû être à l’ordre du jour depuis belle lurette, lorsqu’il était temps d’y penser de façon sereine, pas sous la pression et la nécessité de réduire la dette. 

D’autres questions ne sont pas posées comme : reculer pour mieux sauter et c’est reparti pour un tour ? Le Conseil supérieur pour un développement durable, par exemple, avait épinglé la myopie des pouvoirs publics et le manque d’efficacité des contrôles et des mécanismes d’évaluation. Il en avait appelé à un nouveau style de gouvernance et demandé de cesser les interventions ponctuelles en tant que réponse standard. L’efficacité de ces investissements est d’ailleurs souvent minée par de lourds frais récurrents qui n’ont pas été pris en compte lors de l’élaboration des projets. C’était dans l’avis du 28 septembre 2008 sur les finances publiques, just in time pour l’écroulement du château de cartes.  Rien de tout cela dans la présentation du projet de budget 2010, ni d’annonce de changement de procédures budgétaires avec, éventuellement, la prise en compte d’indicateurs de performance ou l’élaboration d’objectifs dans le long terme. Maintenant, chacun aura compris qu’il s’agit de sauver le système, pas de le changer.

anne heniqui
© 2023 d’Lëtzebuerger Land