L’Italie est en retard sur plusieurs objectifs écologiques : notamment le nombre d’arbres plantés est insuffisant pour atteindre les objectifs de la stratégie de l’UE en matière de biodiversité

L’écologie, un nouveau défi pour l’Italie

d'Lëtzebuerger Land vom 17.11.2023

Alors que le patrimoine forestier de l’Italie s’est enrichi au cours de ces dernières années, couvrant plus de onze millions d’hectares, soit presque 37 pour cent du territoire national, les arbres plantés ne sont pour l’instant pas suffisants pour atteindre les objectifs de l’UE. Et malgré la plantation de plus de 2,8 millions d’arbres entre 2022 et début 2023, l’Italie manque également d’atteindre l’objectif fixé par le PNRR, plan national de relance et de résilience, un plan stratégique qui vise à moderniser et à améliorer l’économie italienne. Celui-ci prévoyait de planter 6,6 millions d’arbres d’ici 2024. Pour l’instant l’Italie n’a finalement planté qu’un peu plus d’un tiers des arbres prévus.

L’espace vert urbain ne se développe pas comme espéré et l’on compte une moyenne de 24 arbres pour cent habitants, soit 53,7 mètres carré d’espace vert par personne. Les données proviennent de Legambiente, une association sans but lucratif, composée de citoyens qui œuvrent pour la protection de l’environnement ; elle a examiné 105 villes du pays. Tandis que Crémone, Modène et Trieste se distinguent avec un nombre supérieur à la moyenne d’environ cent arbres pour cent habitants, soit un arbre par personne. Dix des villes suivies ne compteraient que cinq arbres ou moins pour cent habitants.

L’Italie se montre donc pour l’instant déficiente dans le développement efficace de la sylviculture et ne parvient pas à gérer les espaces verts de manière assez durable et écologique. Il s’agit pourtant d’un point particulièrement important pour lutter contre la crise climatique.

Les forêts en milieu urbain et périphérique jouent un rôle fondamental dans la régénération des villes et l’amélioration de la santé publique. En effet, un hectare de forêt pourrait éliminer en moyenne 8,5 kg de PM10 par an. Ces particules d’un diamètre inférieur à 10 µm, sont inhalables et peuvent avoir des effets néfastes sur la santé. Leur réduction est donc clairement bénéfique à notre bien-être. En outre, un hectare de forêt permettrait aussi d’éliminer 36 kg d’ozone par an. La FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) estime qu’une augmentation de dix pour cent des espaces verts urbains pourrait contribuer à retarder de cinq ans l’apparition de problèmes de santé.

De plus, la plantation d’arbres contribue à améliorer notre qualité de vie : les espaces verts rafraîchissent les villes et rendent les canicules plus vivables, ils favorisent l’approvisionnement d’eau et peuvent diminuer jusqu’à 70 pour cent des bruits environnants. Les espaces verts remplissent aussi une fonction sociale et esthétique : Qui ne se réjouit pas à l’idée d’habiter près d’un parc ? Les arbres sont donc non seulement bénéfiques à notre santé physique mais également mentale. Ils créent également un havre pour la faune en milieu urbain, ce qui favorise la biodiversité.

Les inondations qui ont touché la Toscane, il y a deux semaines, nous interpellent aussi sur l’utilité des arbres et de la végétation pour éviter des catastrophes de telle envergure. Les conséquences du déluge ont été dévastatrices : la boue recouvre encore plusieurs quartiers des communes de Campi Bisenzio et Prato, et outre les huit victimes, 30 000 familles et entreprises ont été frappées. Les dégâts économiques pour la Toscane sont énormes. L’une des causes de ces inondations aurait été la fragilité du terrain qui ne serait plus capable de retenir l’eau, qui arrive en grande quantité et trop rapidement. Divers fleuves et torrents ont débordé, parmi lesquels le Bisenzio et le Marina. Augmenter le nombre d’arbres en ville accroît la perméabilité des sols et est donc utile pour réduire les risques d’inondations. Il faudrait aussi prévoir des zones et des bandes végétalisées qui ralentiraient l’écoulement de l’eau avant que celle-ci ne pénètre dans les égouts ou les réseaux de drainage dans lesquels l’accumulation excessive d’eau engendre à son tour des inondations.

Le développement des espaces verts à travers la plantation d’arbres est donc important et salutaire. Et même si l’Italie s’est dotée en juillet dernier du premier cluster national du bois, le pays reste néanmoins encore loin de réaliser ses propres objectifs et ceux du Green Deal européen. Ce cluster a notamment comme objectif de soutenir des initiatives de coopération et les synergies entre le monde forestier et les entreprises de traitement du bois et de valoriser les produits de la sylviculture basés sur les principes de certification de la qualité, de durabilité et de traçabilité. En outre, l’objectif 11 de l’agenda 2030 de l’ONU pour le développement durable semble également être encore distant et difficile à atteindre. 

L’Italie présente aussi un retard sur la valorisation des chaînes d’approvisionnement et de la production « Made in Italy » ainsi que sur la prévention des incendies de forêt, qui sont en constante augmentation. Si des incendies frappent toute l’Europe durant les mois les plus chauds, ce sont surtout les pays méditerranéens, l’Espagne, la Grèce, l’Italie, le Portugal et la Turquie qui en souffrent le plus. Les statistiques de l’association Legambiente montrent que de janvier à fin juillet 2023, 51 386 hectares, soit l’équivalent de 73 408 terrains de football, sont partis en fumée en Italie. Legambiente souligne également qu’il s’agit majoritairement d’incendies provoqués par des pyromanes. Cela suppose de renforcer les activités d’enquête et de rendre les réglementations plus strictes, en prévoyant des sanctions plus sévères, à côté des interventions écologiques nécessaires.

L’Italie fait donc face à de nombreux défis. Pour les affronter, ainsi que les nombreux objectifs manqués pour l’instant par le pays, Legambiente s’est penchée avec des experts, représentants politiques et entreprises, sur ces différentes problématiques. Les discussions ont eu lieu le 31 octobre à Rome lors de la sixième édition du forum national « La bioéconomie des forêts. Conserver, reconstruire, régénérer ».

Legambiente lance aussi un appel au gouvernement et aux institutions en mettant l’accent sur les cinq actions prioritaires pour lesquelles il est essentiel d’accélérer le rythme : la mise en œuvre de politiques visant à protéger les forêts du changement climatique, l’encouragement de la formation de clusters régionaux visant à renforcer le Made in Italy, l’achèvement des projets PNRR, pour reverdir les zones urbaines, la promotion d’un plan national de plantation d’arbres et enfin la pleine application de la loi 10/2013. Celle-ci prévoit entre autres que toutes les communes de plus de 15 000 habitants disposent d’un registre des arbres et que, pour chaque enfant né ou adopté dans ces communes, un nouvel arbre soit planté. Les administrateurs municipaux doivent également établir un bilan vert à la fin de leur mandat, montrant l’impact de l’administration sur les espaces verts publics, indiquant notamment le nombre d’arbres plantés et abattus et la taille et l’état des espaces verts.

Ce n’est certainement pas la première, ni la dernière fois que l’association écologiste tente de proposer des plans d’action au gouvernement. Selon Stefano Ciafani, le président de Legambiente, l’Italie est « le pays du vent et du soleil, mais ne semble pas croire en leur potentiel. » Un exemple qui le démontre : il faut six ans pour autoriser une installation de production d’énergie renouvelable dans le pays alors que la moyenne européenne est de deux ans. L’Italie a sûrement encore beaucoup de chemin à parcourir pour sa conversion écologique et ainsi développer pleinement le potentiel de ses innombrables ressources naturelles.

Sara Montebrusco
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