Couture, code couleur

d'Lëtzebuerger Land du 17.11.2023

« Le noir ou le blanc ne siéent en fait qu’à un seul type de personnes parmi six catégories », explique Anne Bauler, « et peu de gens se rendent compte de l’effet potentiel de la couleur de l’habillement sur leur aura, sur leur énergie même ». Anne Bauler est coach en couleur, en même temps que maître couturière et enseignante au brevet de maîtrise. Elle est devenue indépendante en 2018, après une décennie de carrière professionnelle en tant que juriste, spécialisée en protection des données. « J’ai ressenti le besoin de créer ma propre œuvre, et l’artisanat m’a attirée intrinsèquement. Ma grand-mère a entretenu un commerce de tissus à Diekirch, et depuis mon enfance j’ai eu l’habitude de coudre ». Le rejet de la fast fashion, et l’envie de retourner à des modes plus durables et plus solides, tout en nourrissant sa créativité, l’ont poussée à se lancer dans une maîtrise (« Meeschterprüfung ») en couture, entamée lors de ses dernières années en tant qu’employée d’État.

« Si je devais donner un conseil à ceux qui songent à l’indépendance : ne vous limitez pas à une seule activité, surtout au début », enjoint-elle, qui aborde son plan business de façon très structurée et rationnelle. « Je suis maître couturière, mais, cette activité seule ne me ferait pas vivre. La génération actuelle n’a pas forcément le réflexe d’avoir recours à des vêtements faits sur mesure ». L’exception sont des clients qui souhaitent, dans un esprit de style individualisé, une pièce unique pour une occasion spéciale tel qu’un mariage, ou encore des gens qui ne trouvent pas leur bonheur dans les coupes présentées dans les rayons des commerces conventionnels. Mais la majorité, pense-t-elle, accorde une importance non-négligeable au prestige d’une marque. Si les créations d’Anne ne portent pas d’étiquette connue, ce sont des pièces uniques, taillées dans des tissus italiens de qualité et durables dans la mesure du possible (certifiés Ökotex par exemple). Cet aspect lui importe: « Personnellement, je garde mes habits pendant longtemps. Il y a des phases dans la mode comme dans la vie, et on peut avoir envie de porter une pièce qu’on a délaissée pendant des années- sous condition qu’elle soit de bonne qualité ».

Le projet le plus récent, qu’Anne Bauler prépare avec une collègue, s’inscrit dans une lignée d’économie circulaire. Depuis l’été dernier, elles ont rassemblé des feuilles et des plantes pour une toute première collection de vêtements uniques imprimés à la main. Ce seront des pièces minimalistes, comportant peu de coupes afin de préserver autant que possible l’élan des motifs imprimés. Feuilles de rhubarbe, de bouleau, toutes provenant de plantes locales, orneront manteaux, jupes, chemises, taillés surtout dans du coton et du lin biologiques. À cette fin, Anne est partie à la recherche de draps en lin qui datent de nos grand-mères (et qui seraient probablement jetés alors que c’est une qualité qui cherche son égal parmi les productions commerciales le plus chères aujourd’hui). La collection Ecoprint comportera des pièces de la taille 36 au 52.

À côté de son métier de maître couturière, Anne Bauler poursuit une autre passion en donnant des cours ; ce qui lui assure un revenu et une activité pédagogique qu’elle chérit. « Ça me rend heureuse de transmettre à mes étudiants le sentiment d’un travail bien achevé. Souvent, ils sont surpris en découvrant la quantité de travail (en temps et en savoir-faire) qui se cache derrière ce qui peut n’être qu’un petit exercice de couture à la main ». Son désir est de voir l’artisanat encore davantage valorisé et promu. Elle juge que les choses sont en train d’évoluer au Luxembourg, lentement mais sûrement, et elle est fière d’y apporter sa pierre en participant à des programmes scolaires tels que « Hallo Handwierk ».

Le troisième pilier de l’entreprise Bauler est le conseil en matière de couleurs. En se basant sur les travaux de l’Américaine Carole Jackson, Anne propose des tests à ses clientes (ou clients, plus rares toutefois) pour établir à quel type de pigmentation elles adhèrent. Il y en a six, classifiées selon les saisons (tons chauds et froids) avec deux types supplémentaires mixtes (été/hiver et printemps/automne). « Une personne ne peut qu’appartenir qu’à une seule de ces catégories, et cette appartenance ne change pas au cours de sa vie ». En fonction de ce statut, il est recommandé de se tenir à une palette de couleurs établie afin de se présenter sous sa meilleure lumière, de paraître moins fatiguée, moins fade, de se sentir mieux. « Bien sûr, on peut porter toutes les couleurs qu’on souhaite, mais pour la zone à proximité du visage, je recommande d’utiliser uniquement des tons issus de sa palette, et si ce n’est que par le biais d’une écharpe ». Le reflet du teint s’en ressentira, et, elle en est certaine, l’apparence globale. Certains sont convaincus que l’énergie ou le bien-être mental peuvent en être affectés. « Parfois les gens sont surpris car le résultat peut aboutir à autre chose que les couleurs qui les attirent naturellement ». Dans ces cas, elle accompagne son conseil d’une liste de combinaisons possibles avec peu de pièces, « le but n’étant pas de faire acheter une toute nouvelle garde-robe », mais de sortir pimpante de chez soi et dans la vie.

Béatrice Dissi
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