Schlechter, Lambert, Piéton sur la voie lactée

Merveilleux ici-bas

d'Lëtzebuerger Land du 18.01.2013

Quand on a 70 ans révolus, qu’on est un amoureux des petites choses de la vie, à quoi pense-t-on ? À l’inexorable qui fait qu’un jour de plus en plus proche il faudra devoir renoncer aux plaisirs et bonheurs quotidiens. Au trépas donc, que le concerné, l’auteur Lambert Schlechter, nomme « la voix lactée », le lait maternel qui reprend la vie. Formule ô combien poétique pour une issue qu’il redoute bien que la sachant inévitable et qu’il repousse de toutes ses forces vitales. Car, oui, c’est d’un pas alerte et régulier que le « piéton » parcourt la centaine de neuvains qui composent son dernier recueil, Piéton sur la voix lactée. Comme un pied de nez à la Mort qui devra l’attendre. Car Piéton sur la voix lactée n’est pas un requiem. Piéton sur la voix lactée est une causerie. Non fictionnelle, terrestre. Celle d’un épicurien. Celle d’un malicieux superstitieux qui, fort de son charme, joue l’amadouement.

Certes, les muses peuvent parfois jouer de vilains tours aux poètes quand bien qu’abhorrées, elles inspirent. Des muses, Lambert Schlechter en a heureusement plus d’une dans sa besace. Aux côtés de la funeste, il y a les bienveillantes, les chéries : la vie, les femmes, la nature, la littérature.

Les femmes, il y en a tant qui hantent le passé et le présent de Lambert Schlechter. Celle qui a rejoint « la voix lactée » avant lui. Celles qui partagent sa couche. Des jeunes. Des sensuelles. Des voraces. Parmi ces femmes, une occupe une place à part, Anne Weyer, qui essaime le recueil de ses illustrations et donne de la chair aux fantasmes de l’auteur. Femmes-fleurs vénéneuses qui s’ouvrent et s’offrent sans pudeur.

Des femmes-objets qui servent l’auteur et qu’il utilise comme un mécréant. Il s’émerveille de leur beauté. Il se réchauffe à leur chaleur. Il se réconforte au creux de leurs courbes voluptueuses. Elles lui procurent jouissance. À leur côté, il peut affronter sereinement la nuit et renaître le matin venu plein d’une nouvelle vigueur, tel un vampire.

Comme après une nuit trop longue, lorsque les frimas de l’hiver auront disparu, gageons que le poète s’installera à une table muni d’un cahier vierge et le noircira aussitôt de nouveaux vers qui retentiront comme autant d’hymnes à la vie. « écrire vite vite choses simples & banales / écrire vite vite les petits riens de la vie »

Lore Bacon
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