Cinéma

Showdown sans show

d'Lëtzebuerger Land du 16.06.2017

Mais qu’est-ce donc encore que ce film dont la partie inférieure de l’affiche montre un tireur d’élite joué par un catcheur professionnel (John Cena) et la partie supérieure, la tête baissé d’un autre soldat (Aaron Taylor-Johnson) sur fond de drapeau américain ? Un autre mythe héroïque concocté par Clint Eastwood ? Ou le titre The Wall ferait-il allusion au projet de Donald Trump concernant le Mexique ? Surprise ! Ceux qui iront voir ce film pour des fusillades, un happy end et une conscience tranquille se trompent. Car derrière le nouveau long-métrage de Doug Lyman, spécialiste de l’action ayant réalisé entre autres The Bourne identity (2002) ou The edge of tomorrow (2014) ne se cache pas vraiment un film de genre, mais une parabole intéressante de l’engrenage de la guerre en Irak et de la guerre tout court.

Un sniper et son guetteur aux noms (trop) évocateurs de Matthews et Isaac (subtilement appelé « Izes ») sont envoyés près d’un pipeline de pétrole dont les ouvriers venus pour le réparer ainsi que leur escorte américaine viennent de se faire tuer. Pendant une bonne vingtaine de minutes, les deux soldats observent le lieu de l’attaque, jaillissant de corps, afin de savoir ce qui s’est passé et, plus important encore, si les soldats ennemis se cachent encore sur place. Lorsqu’ils osent finalement y mettre les pieds, leur décision s’avère fatale. Un tireur irakien fait feu, les touchant tous les deux. Alors que Matthews se trouve inconscient en plein milieu du champ de bataille, Isaac arrive à se cacher derrière le seul mur restant d’une école. Commence alors un jeu du chat et de la souris entre Isaac, en pleine déshydratation et le tireur ennemi caché dans un lieu indéterminable, pendant lequel les deux hommes communiquent à distance.

Alors que les passages entre affaiblissement extrême et reprise de forces de son personnage paraissent parfois trop soudains à travers le montage, l’acteur principal Aaron Taylor-Johnson joue de manière impressionnante sur une large palette d’émotions sous des conditions météorologiques visiblement très dures. The Wall aurait aisément pu se nourrir des ruses psychologiques mises en place et des moments de discussions éthiques et géopolitiques entre le protagoniste et son adversaire invisible. Le côté psychotique, rajouté pour le tireur irakien et le repentir d’Isaac pour une erreur commise dans le passé, tous deux en guise d’amplificateurs dramatiques, s’avèrent être une couche de trop, tout comme la symbolique parfois un peu lourde autour des textes cités de la littérature anglaise. Au moment où l’on pense que le scénariste Dwayne Worrell a presque perdu le courage pour mener à bien son projet, une fin impressionnante vient sauver la prise de position du film sans équivoque.

Dans les limites de ses moyens formels, The Wall n’hésite pas à dépasser les bornes du cinéma grand public pour poser les questions qui font mal et montrer le héros américain pris au piège par la logique de guerre mise en œuvre par son gouvernement. Le personnage principal, tout comme son adversaire, qui pourrait être Juba, le sniper irakien le plus redouté du conflit, ne font jamais l’objet d’une mystification déplacée. Fränk Grotz

Fränk Grotz
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