À quelques jours du début de la COP28, organisée à Dubaï par les Émirats Arabes Unis, la BBC a obtenu un scoop qui jette une lumière crue sur la farce que sont devenues ces grandes conférences internationales de l’ONU sur le climat. Les EAU entendent utiliser leur rôle d’organisateur et d’hôte de cette COP pour passer des accords en matière de combustibles fossiles. C’est ce que démontrent noir sur blanc des documents obtenus par des journalistes du Centre for Climate Reporting travaillant en conjonction avec la BBC. Le bureau d’organisation, loin de nier ou de battre sa coulpe, a répondu que « les discussions privées sont privées ».
Les documents consistent en des « éléments de langage » destinés à des rencontres avec les représentants d’au moins 27 pays, dont la Chine, l’Allemagne, la Colombie, l’Égypte et le Royaume-Uni. Pour la Chine, les notes préparées indiquent qu’Adnoc, l’entreprise pétrolière émiratie présidée par celui qui est aussi le président de la COP, est « prête à évaluer conjointement des opportunités internationales en matière de gaz naturel liquéfié » au Mozambique, au Canada et en Australie. Au ministre colombien, il s’agissait d’indiquer qu’Adnoc « est prête » à aider la Colombie à développer ses ressources en énergies fossiles. Dans le cas du Brésil, l’intention était de convaincre son gouvernement de soutenir l’offre faite par Adnoc pour acquérir une part significative de l’entreprise de pétrochimie Braskem. Toutes ces rencontres n’ont pas nécessairement eu lieu, et il n’est pas non plus toujours possible de savoir si ces « talking points » ont été abordés. Mais la démarche est claire, et elle laisse pantois.
Lorsqu’un pyromane condamné se présente à une conférence destinée à combattre les feux de forêt, on peut, par magnanimité, lui laisser le bénéfice du doute : il peut, après tout, s’être repenti. S’il y vient un jerrycan à la main, en revanche, ses intentions sont claires, et il convient de l’exclure de la conférence. Mais que fait-on si c’est ce même pyromane qui est chargé de l’organiser ?
Face à un tel degré de cynisme, à cette absence totale d’impartialité (n’oublions pas que l’organisateur d’une COP est censé mettre de côté ses propres intérêts et œuvrer sincèrement à la conclusion du meilleur accord possible), quelle crédibilité accorder aux Conferences of Parties, déjà fortement démonétisées du fait de l’influence qu’y jouent les lobbyistes du secteur pétrolier ?
Avec le peu de temps qui reste, créer ex-nihilo de nouvelles structures de négociation et de coordination semble être illusoire. Il ne subsiste donc que l’espoir que face à de tels scandales, à la profonde injustice qu’ils incarnent, un sursaut finisse par prendre le dessus et contraigne les compagnies pétrolières, y compris celles qui se font passer pour des pays, à cesser leurs activités mortifères. Et, cela va sans dire, les exclue des négociations sur l’avenir de la biosphère.