UE/Fiscalité

La Suisse en pensées

d'Lëtzebuerger Land vom 06.01.2011

Les affaires fiscales ne font pas partie des priorités de la présidence hongroise de l’Union européenne. Mais la Commission ne les perd pas de vue. « Il n’y a pas d’urgence », avait déclaré le 7 décembre 2010 le ministre luxembourgeois des Finances, Luc Frieden. La Hongrie le prendra sans doute au mot. En tout cas, l’adoption des éléments en suspens du « paquet » sur la bonne gouvernance fiscale ne fait visiblement pas partie des priorités de sa présidence de l’UE, qui a débuté le 1er janvier.

Les Belges avaient réussi à engranger un succès partiel, en 2010 : le 7 décembre, les grands argentiers des 27 avaient en effet trouvé un accord politique sur le renforcement de la coopération administrative dans le domaine de la fiscalité. Mais le plus difficile reste toutefois à faire : forger un compromis sur la révision de la directive sur la fiscalité de l’épargne et, partant, des accords que l’UE a conclus dans ce domaine avec la Suisse, le Liechtenstein, Andorre, Saint-Marin et Monaco.

L’affaire est d’autant plus sensible qu’elle a été liée à l’ouverture de négociations entre l’UE et ces cinq pays tiers sur l’application des normes de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en matière d’échange d’informations à la demande entre administrations fiscales, elle aussi bloquée. Et pour cause : la conclusion d’accords sur ce point contraindrait en effet le Luxembourg et l’Autriche à basculer vers le système de l’échange automatique d’informations, et donc à abolir leur secret bancaire, dans le cadre de la réglementation sur la fiscalité de l’épargne. Or, Luxembourg et Vienne exigent d’être traités sur un pied d’égalité avec la Suisse, qui n’a pour sa part aucune intention de jouer la carte de la transparence totale.

Budapest a d’autant moins de raisons de tenter de démêler l’écheveau que le 7 décembre 2010, la Commission a annoncé qu’elle remettra à la mi-2011 un rapport sur la mise en œuvre de cette réglementation, au sein dans l’Union et dans les cinq pays tiers. L’exécutif communautaire a ainsi répondu aux accusations « de violation » de la directive sur la fiscalité de l’épargne qu’a proférées l’Italie à l’encontre de la Grande-Bretagne et de l’Allemagne.

Ces deux pays ont accepté d’ouvrir des négociations bilatérales avec Berne sur le projet dit Rubik. La Suisse a proposé à l’Allemagne et à la Grande-Bretagne de régulariser en tout anonymat la situation fiscale de leurs résidents fiscaux qui ont jadis dissimulé des fonds sur son territoire ainsi que de prélever une retenue à la source libératoire sur un vaste ensemble de revenus perçus depuis lors.

L’application de ce système permettrait à Londres et Berlin de percevoir des recettes substantielles et à Berne de préserver son secret bancaire suisse. Pour Rome, c’est inacceptable ; on attend de voir ce qu’en pense exactement la Commission. Le Luxembourg, lui, suit « avec beaucoup d’attention » l’évolution du débat, nous déclarait récemment Luc Frieden.

La Suisse sera décidément au cœur des préoccupations fiscales de l’Union en 2011. Mais il appartiendra davantage à la Commission qu’à la présidence hongroise de s’en soucier. La fiscalité helvétique des entreprises a de nouveau été épinglée par les 27, à la fin de 2010.

Le 7 décembre, les grands argentiers des 27 ont ainsi « encouragé » la Commission à poursuivre les discussions qu’elle a engagées avec Berne en vue de la convaincre d’appliquer elle aussi le code de (bonne) conduite adopté en 1997 dans le domaine de la fiscalité des entreprises – pour Luc Frieden, ce n’est « pas anormal ». Un rapport sera établi en juin 2011.

Les ministres des Affaires étrangères de l’UE ont enfoncé le clou une semaine plus tard. Ils se sont notamment dit « très préoccupés » par le maintien de certains régimes fiscaux cantonaux favorables aux holdings, qui créent selon eux « une distorsion de concurrence inacceptable ». L’Union les assimilent à des aides d’État illégales favorisant les délo­calisations d’entreprises et réclame leur « suppression ».

« Ces dossiers devront être traités de façon active par la Suisse afin d’éviter dans la mesure du possible d’éventuels dérapages », nous déclarait récemment Jacques de Watteville, l’ambassadeur de Suisse auprès de l’UE. Mais serait-ce possible alors que se profilent à l’horizon des élections législatives en Suisse, en octobre 2011?

Tanguy Verhoosel
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