Finance, économie, justice. Florilège des demandes formulées par les différents groupes d’intérêts au formateur devenu Premier ministre

Lettres à Luc

Fernand Ernster (Chambre de commerce),  Carole Muller (CLC), Guy Hoffmann (ABBL) et  Michel Reckinger (UEL). Le 14 octobre à Sen
Photo: Sven Becker
d'Lëtzebuerger Land du 08.12.2023

Lors de son premier Background am Gespréich en tant que Premier ministre, moins d’une semaine après son intronisation, Luc Frieden a reconnu que l’accord de coalition avait été « pour partie » influencé par des revendications de groupes d’intérêts. Le Land avait notamment souligné la satisfaction aux demandes du Barreau dont le chef du gouvernement est lui-même issu (d’Land, 24.11.2023). Des revendications qui, soit dit en passant, ne choquent pas par leur nature. Sur RTL, le Premier ministre a également souligné la publication en ligne de l’ensemble des courriers reçus par le formateur qu’il était (entre le 9 octobre et le 16 novembre) en vue de la rédaction d’un programme de travail pour la mandature menée par le CSV et le DP. « Déi aner Bréiwer, déi sinn net vergiess », a promis le chef de file des chrétiens sociaux. Des lettres, le formateur en a reçu plus d’une centaine. C’est davantage qu’en 2013 et 2018. Quelle méthode a été retenue pour digérer ce millier de pages soumises et publiées sur gouvernement.lu ? Le cabinet de Luc Frieden informe que l’accord de coalition reflète avant tout les programmes électoraux de la CSV et de la DP, et lors de sa rédaction, « tous les documents soumis au formateur ont été considérés ». Voici les morceaux choisis pour la partie économie et finance, domaine d’appétence du nouveau chef de gouvernement et principale préoccupation de l’électorat.

Classic Hardcore Des institutions consultatives rédigent des recueils très détaillés. Le Conseil économique et social, par exemple, rassemble sur 170 pages son best of de la mandature écoulée. Une analyse très pointue avec des propositions concrètes qui ont pu échapper aux observateurs, comme mettre à la disposition de l’Administration des contributions directes (ACD) les « moyens nécessaires à l’accélération et à la finalisation de ses projets informatiques permettant la livraison de données pertinentes au Statec ». S’ajoutent des suggestions frappées au coin du bon sens. Par exemple se préparer à une nouvelle crise pandémique en faisant le bilan de la précédente (ce qui n’a pas été fait) : « Réfléchir à un nouvel équilibre, entre une spécialisation économiquement soutenable et une diversification économique sur des créneaux moins, voire non compétitifs (en situation normale), ceci pour des raisons de sécurité alimentaire et de sécurité économique nationale », écrit-on rue Erasme. On y conseille aussi de considérer « la croissance et la productivité sous l’angle social (répartition juste des gains de productivité) et environnemental (utilisation responsable des ressources limitées), en impliquant les partenaires sociaux dans ces discussions ». La croissance est l’étoile du berger de la nouvelle coalition. On verra pour la durabilité.

Sur 28 pages, la Chambre des métiers détaille, elle, un paquet de mesures au nom de ses ressortissants. Avec 103 000 emplois, la CdM se dit premier employeur du pays et embraye rapidement sur la crise du secteur de la construction. Elle demande, à l’instar d’autres groupes d’intérêts, des reports de marchés publics pour compenser l’affaissement de la demande privée. En revanche, il faudrait limiter l’évolution du nombre d’agents de l’État en augmentant l’efficience de l’appareil par la digitalisation ou la simplification des procédures administratives. Un « État moderne » est invoqué dans l’accord de coalition. Le poids de l’administration apparait comme une préoccupation majeure du patronat. Selon les procès verbaux des réunions avec l’Inspection générale des finances (aussi publiés), le poids de la charge d’intérêt et les augmentations de salaires liées à l’indexation ont surpris après la présentation du pacte de stabilité et de croissance en avril. Pour la Chambre des métiers, le système de rémunération du secteur public devrait être lié à la performance des collaborateurs.

« Nous ne pouvons passer sous silence le fait que le niveau salarial de la fonction publique exerce une énorme pression sur les entreprises. Leurs collaborateurs se ruent en masse sur toutes les offres d’emploi des secteurs public et communal », écrit la Fédération des artisans dans son courrier de onze pages. Le niveau de rémunération et la sécurité de l’emploi absolue dans l’administration constituent une concurrence que les entreprises artisanales « ressentent comme déloyale » pour des postes de travail souvent placés dans le « giron de la commune et qui avant cela étaient adjudiqués aux entreprises privées ». Pour les artisans, les communes devraient « cesser la pratique malsaine et économiquement non rentable de créer des entreprises et autres initiatives publiques là où le marché fonctionne normalement et où les marchés publics pourraient apporter une véritable plus-value économique ».

Loin des mots doux glissés par l’association des cadres fonctionnaires de l’administration gouvernementale. « Les membres du conseil d’administration vous adressent par la présente leurs félicitations les plus sincères pour votre remarquable succès lors des récentes élections. Votre résultat montre qu’une grande partie de la population a confiance dans votre engagement pour le bien-être de notre nation (…). Votre leadership inspirant a sûrement été un catalyseur du changement », écrit l’Acfa. Mais les patrons savent aussi se montrer respectueux. « Monsieur le formateur, nous vous félicitons très chaleureusement », écrivent Carlo Thelen et Fernand Ernster, respectivement directeur général et président de la Chambre de commerce, que Luc Frieden a quitté en début d’année. L’on retrouve dans le courrier de l’institution patronale (25 pages) la tonalité de l’accord de coalition : seules des entreprises compétitives et rentables « peuvent garantir la pérennisation de notre modèle social enviable ». Les patrons demandent le « rétablissement de la compétitivité », sous entendant qu’elle a disparue au cours des dix ans de coalition gambienne. Est rappelé le poids de la place financière, 25 pour cent du PIB, 130 000 emplois (direct et indirects), 75 pour cent des impôts directs. Là voilà qui s’exprime.

Totem, moi non plus Un « Cher Luc » amical, est ajouté au stylo au-dessus du plus formel « Cher Monsieur Frieden » en lettres imprimées, comme le reste du courrier envoyé par le lobby des banques et signé par Jerry Grbic (CEO) et Guy Hoffmann (président). Le message de l’ABBL sonne aussi comme le discours de Luc Frieden, ancien patron de banque également, devant le Parlement : « Une économie forte est le garant de la prospérité de nos concitoyens ». Les transitions digitales et vers un modèle de développement durable passeront par les banques, prétend l’ABBL. Le Luxembourg aurait besoin du soutien des banques pour surmonter le défi de la pénurie de logements, le même soutien qui aurait permis au Luxembourg de traverser la crise du Covid-19 ou la hausse des prix de l’énergie. Mais l’ABBL explique que les banques souffrent à cause des coûts règlementaires, si bien que les plus petites sont menacées. Face à la crise du logement, elles demandent ainsi des allègements fiscaux temporaires « afin de contenir le renchérissement du crédit immobilier »… et (elles ne l’écrivent pas) préserver leurs marges. Les banques viennent d’enchaîner deux années de forte progression de leur rentabilité. Dans le procès verbal de l’entrevue avec le directeur général du régulateur des banques, Claude Marx signale que leurs revenus à la fin du deuxième semestre sont « nettement plus élevés dans le contexte de la hausse généralisée des taux d’intérêts ».

Le secret professionnel n’est en revanche plus un totem. Les assureurs en demandent une levée partielle dès les premières lignes de leur correspondance avec le formateur, 21 pages tamponnées le 19 octobre. Le secret professionnel « impose des limites considérables quant aux possibilités d’externalisation à des prestataires de services », particulièrement en matière de digitalisation (accès restreint aux ressources de leurs maisons-mères et au cloud computing). Le secret est également un souci pour la gestion des assurances vie, des contrats de très long terme, sur plusieurs décennies. Or, pour bénéficier de la levée partielle du secret aujourd’hui permise, il faut l’accord de tous les clients. Si un seul refuse, toute la sous-traitance est mise en péril, prévient l’ACA. Une « source majeure » d’insécurité juridique, risque financier et problème de réputation, expliquent les assureurs. « Cher Monsieur Frieden », l’association professionnelle des courtiers en assurances réclame un assouplissement du secret professionnel de l’assureur et le maintien d’un régulateur dédié, en l’espèce le Commissariat aux assurances. L’association Profil, qui représente l’ensemble du secteur financier, insiste elle sur la conservation de la supervision au niveau national.

Blunt Dans une lettre écrite le 18 octobre (et tamponnée le 19), l’Amcham s’adresse à Elisabeth Margue, Luc Frieden, Laurent Mosar et Gilles Roth. Elle a pour objet, « Re: Keeping Luxembourg’s Tax rules and environment competitive while remaining in harmony with new policy trends at the EU and OECD levels ». Cette demande d’alignement du taux global d’imposition des collectivités avec la moyenne de l’UE ou de l’OCDE est diffusée par l’ensemble du patronat dans un contexte de concurrence internationale avec un taux minimal d’imposition fixé à quinze pour cent pour les grands groupes internationaux. Le vœu a été entendu. La Chambre de commerce américaine insiste encore sur « le besoin de rééquilibrer les droits entre les autorités fiscales et les contribuables, ainsi que les relations avec le fisc ». C’est l’un des quatre axes de travail identifiés par le lobby américain. Les ressources humaines en sont un autre. L’Amcham constate « la combinaison d’éléments défavorables » en matière de ressources humaines : « The first element is the desire of the workforce to rebalance its private and professional life ». Le lobby détaille l’érosion des avantages fiscaux dont bénéficiaient les « talents » avec la disparition des warrants, la fiscalité plus lourde sur les voitures de société, etc. Ce à quoi il faut ajouter des prix prohibitifs pour se loger.

Modifier le régime de carried interest alimenterait les recettes fiscales et contribuerait à l’attractivité du Luxembourg pour les fonds d’investissement. Dans un courrier très détaillé, l’Amcham demande à ce que les relations avec les grands groupes internationaux soient ménagées. Que le gouvernement ne se hâte pas à transposer les directives, mais consulte les entreprises au préalable. Il faudrait aussi modifier le droit des sociétés pour augmenter la substance à Luxembourg en anticipation de la directive Unshell. S’ajouterait une « super deduction » pour les investissements en recherche et développement, la transition énergétique ou digitale. L’Amcham préconise en outre de supprimer l’Impôt sur la fortune des entreprises, « clearly anti-econonomic » (comme le serait tout impôt qui ne serait pas lié au profit). « It further creates additional complexities to the many holding companies massively used in the alternative industry where Luxembourg is clearly penalized vis à vis the UK and Ireland ». Dans l’accord de coalition, le gouvernent Frieden-Bettel entend renforcer ses relations avec l’Oncle Sam. Ses entreprises demandent à faire de l’anglais un langage officiel du Luxembourg.

L’absence « d’une approche collaborative de la part de certaines administrations fiscales » ou encore « l’insécurité juridique résultant principalement, mais pas uniquement, des règles fiscales très complexes imposées par l’UE et du manque de recommandations des administrations concernant les sujets techniques » rejoignent les préoccupations de la Luxembourg Private Equity & Venture Capital Association (LPEA). Cette asbl représentant les intérêts de l’investissement alternatif, de plus en plus important, détaille ses priorités sur quatre pages. Y figurent la nécessité de « rester compétitif face à la concurrence de certaines juridictions étrangères offrant un cadre législatif souple et une fiscalité attrayante (…), de mettre la sécurité juridique et fiscale au centre de la proposition de valeur du pays » et de replacer le « Haut comité pour la place financière au cœur de l’innovation et de la réflexion concernant son futur ». L’inquiétude est partagée par la Luxembourg Capital Market (LuxCam) association qui elle a autorité dans la titrisation. Dans son courrier rédigé en anglais par la directrice de la Bourse Julie Becker, l’IRC est considérée comme « a threat to the continued competitiveness of the Luxembourg Capital markets ». Le Grand-Duché aurait perdu (au profit de l’Irlande) sa position dominante sur le marché de la titrisation depuis l’introduction de la limitation de la déduction d’intérêts liée à la transposition de la directive Atad. Il faudrait que les fonds de titrisation soient exclus de ce régime. Lors des réunions à Senningen avec les lobbys patronaux, le 13 octobre, Jean-Marc Goy, président de l’Alfi, a lui aussi mis en garde contre la concurrence de l’Irlande, mais aussi de l’Allemagne et de la France. Il estime « important de créer un environnement fiscal attractif pour le secteur des ETF (exchange traded funds, ndlr) actifs en les exonérant de la taxe d’bonnement ». Ce serait peu de pertes au niveau des recettes. Le gouvernement « analysera la possibilité de réduire la taxe d’abonnement pour des fonds OPCVM-ETF gérés activement », est-il écrit dans l’accord de coalition. Le lobbyiste en chef des fonds d’investissement souligne en outre que la taxe d’abonnement (1,3 milliard d’euros de recettes) et les autres impôts qui s’appliquent aux organismes de placement collectif équivalent à seize pour cent des recettes fiscales. L’Alfi n’a pas envoyé de courrier au formateur. La Fedil s’est contentée d’un courrier annonçant la prochaine création d’une nouvelle fédération dans le secteur de la santé. Sa présidente a participé aux discussions sur l’accord de coalition avec les autres partenaires sociaux.

Au cours des discussions à Senningen, Claude Marx a rappelé les défis qui s’imposaient au centre financier, notamment les attaques à la libre prestation de services (segmentation du marché européen) et la lenteur des procédures devant les juridictions pénales et administratives qui font que les dénonciations de la CSSF n’aboutissent pas. Cette dernière préoccupation se retrouve dans un courrier du Parquet général envoyé le 13 octobre. Martine Solovieff, procureur général d’État, adresse à « Monsieur le Formateur du gouvernement » une copie de la lettre envoyée le même jour à la ministre de la Justice, alors Sam Tanson (Déi Gréng). Elle reprend les réflexions du parquet quelques semaines après la publication du rapport d’évaluation du Gafi (groupe d’action financière luttant internationalement contre le blanchiment d’argent) et les « actions urgentes » à mettre en œuvre jusqu’au rapport de suivi prévu pour 2026.

« Nom Gafi ass virum Gafi » (Sam Tanson) Le rapport d’évaluation mutuelle avait été publiquement présenté comme un succès en septembre. Le Luxembourg s’ancre dans le cycle régulier de suivi (et ne fait plus l’objet d’un suivi renforcé comme en 2010 lorsqu’il figurait sur la liste grise). Mais les réserves inscrites dans le rapport inquiètent en coulisse. Le Luxembourg sera à nouveau évalué en 2028 (soit à la fin de la mandature Frieden-Bettel) avec une période d’observation qui démarre cette année. Seront principalement scrutés deux points nécessitant « d’importantes améliorations », écrit le procureur d’État Georges Oswald. Les enquêtes, poursuites et sanctions pénales d’un côté. Les saisies et confiscations de l’autre. « Il ne fait aucun doute que si le statu quo est maintenu ou si seulement des améliorations minimes sont apportées dans ce court délai, le Grand-Duché sera placé sur la liste grise du Gafi avec ce que cela comporte comme impact en terme de perte du AAA, pour la pérennité de la place financière et pour la stabilité des finances publiques et de l’économie dans son ensemble », relève Georges Oswald. Les responsables de la CSSF, du département économique et financier de la police, du cabinet d’instruction et du parquet se sont entendus sur ce risque au cours d’une réunion le 9 octobre, apprend-on encore. Le Gafi n’est abordé dans l’accord de coalition que sous l’angle de la participation du service des autorisations d’établissement aux travaux du comité interministériel de la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme.

Le courrier du parquet et des autres instances judiciaires restera-t-il lettre morte ? « Depuis que le gouvernement est en fonction, les contributions reçues lors de la formation du gouvernement sont désormais traitées par les départements ministériels compétents », rassure le ministère d’État. Le nouvellement créé Conseil national de la justice se contente, sur deux petites pages, de rappeler son avis sur projet de loi 8299. Ce dernier prévoit la création de 194 postes de magistrats sur les six prochaines années, soit une augmentation de
70 pour cent. C’est excessif pour le CNJ. Il faudrait avant tout une revalorisation globale des rémunérations, « une nécessité afin d’assurer à la magistrature une attractivité suffisante ». Il ne faut pas que les magistrats la quittent pour le barreau et le privé en général, lit-on. Même préoccupation à la Cour supérieure de justice. Dans un courrier signé par son président, Thierry Hoscheit, l’on souligne que la justice revêt la même importance que les autres pouvoirs, législatif et exécutif. « Sa grille de rémunération devrait refléter cette position institutionnelle donc présenter une équivalence approximative avec celle de ces deux autres pouvoirs, y compris les postes les plus élevés de ces derniers, qui sont ceux du président de la Chambre des députés, des ministres et du ministre d’État. » L’accord de coalition prévoit juste de faire revenir des juges retraités pour désengorger l’accès aux prétoires. Des revalorisations salariales nullement.

Paysages éco-démographiques Sur sa présentation powerpoint du 13 octobre, la directrice de l’Adem, Isabelle Schlesser, souligne que le taux de croissance des résidents étrangers dans l’emploi salarié entre 2017 et 2022, soixante pour cent, est bien supérieur à toutes les autres catégories. Derrière, le nombre de frontaliers originaires de France a cru de 25 pour cent, celui des frontaliers de vingt pour cent et celui des résidents de douze pour cent. La principale croissance en termes sectoriels se trouve dans le service public (22 pour cent). Le taux de chômage se situe à 5,3 pour cent en août 2023. Il s’élevait à sept pour cent en août 2014. Il était descendu à 5,5 pour cent en août 2019 pour remonter à 6,4 un an plus tard, au plus fort de la pandémie. Il a atteint un plus bas en août 2022 à 4,8.

« Aucune des organisations sur les questions d’accueil, d’immigration et d’intégration, comme le Flüchtlingsrot (LFR) ou le CLAE » n’a été invitée à discuter avec les partis vainqueurs des élections, constate l’Association de soutien aux travailleurs immigrés (Asti) dans son courrier du 22 octobre (pas tamponné). « Ce qui est regrettable », poursuit-elle. L’Asti souligne les chiffres publiés autour des élections: 47,4 pour cent des 660 000 habitants du Luxembourg n’en ont pas la nationalité, 73,7 pour cent ont un antécédent migratoire direct ou indirect. S’ajoutent 220 000 travailleurs frontaliers au quotidien.

La Broschür Besch a Juegd valorise la chasse comme outil de conservation des forêts. Autour du texte en allemand (langue utilisée rarement par les auteurs des courriers), des photos de forêts, d’animaux dans la nature et cuits en sauce. Le Groupement énergies, de la Fedil étale sur treize pages ses principales recommandations « pour la politique de décarbonation dans le secteur des transports ». Elle serait « en bonne voie et de nouvelles mesures, telle que l’augmentation de la taxe CO2 dans l’objectif de délocaliser davantage les ventes de carburants, ne s’imposent pas actuellement ». Délocaliser les ventes améliore sans doute le bilan comptable du Luxembourg mais cela n’aurait « pas d’effet positif » sur la protection du climat. Puisque l’essence sera achetée de toute façon, autant la vendre nous et générer des profits ici, pense-t-on. Hausse des accises en mai 2019 et introduction de la taxe CO2 en 2021 (augmentée les deux années consécutives) nuisent à la « compétitivité » du pays. « Il est aujourd’hui plus attractif pour un transporteur professionnel de se ravitailler en Belgique ». Entre 2018 et 2022, les ventes de diesel ont chuté de cinquante pour cent sur les autoroutes alors que le Luxembourg continue de « subir les nuisance du trafic en transit ». Cargolux et Luxair font partie des rares sociétés à avoir soumis des doléances au formateur. Leur lettre de huit pages a un but : continuer d’accéder aux bonifications d’impôt pour les investissements réalisés dans des avions et moteurs neufs. « Nous vous remercions de bien vouloir considérer les véhicules automoteurs comme éligibles à la bonification », écrivent Richard Forson (Cargolux) et Gilles Feith (Luxair) avec l’ancien ministre François Bausch (Déi Gréng) en copie. À Senningen, Claude Marx souligne la perte d’attractivité du Luxembourg en raison des problèmes de mobilité. Non seulement les bouchons aux heures de pointe autour de la capitale, mais aussi la piètre qualité de l’offre en matière de transports aériens.

Pierre Sorlut
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