La révolution blockchain (8)

Bitcoin – la querelle de l’électricité

d'Lëtzebuerger Land du 15.02.2019

La consommation d’électricité pour maintenir en vie l’énorme registre digital qu’est le bitcoin est, selon ses critiques, son talon d’Achille. Au contraire, selon ses défenseurs c’est la meilleure solution pour assurer sa sécurité face aux attaques dont il est l’objet. Dans un monde menacé par le changement climatique, il faudrait arrêter tout de suite cette comédie du bitcoin qui consomme trop d’énergie, contre-attaquent ceux qui s’opposent à cette monnaie digitale. Non, rétorquent les autres, le bitcoin pourrait être la meilleure solution pour stocker de l’électricité à long terme.

Se pencher sur le pour et sur le contre du bitcoin sous l’angle de la consommation d’énergie donne mal à la tête. C’est une histoire où tout le monde a tort et raison. Les principaux opposants au bitcoin sont les banques, certains gouvernements, une bonne partie des médias, et tous les géants économiques centralisés qui brassent des milliards, comme le FAANG : Facebook, Apple, Amazon, Netflix et Google. D’après les supporters du bitcoin, la myriade de start-ups créées par des jeunes qui travaillent sur des applications basées sur la technologie de la blockchain vont changer le monde de demain en bien.

La consommation d’énergie due au bitcoin est une des principales pommes de discorde entre les deux camps. « Le réseau du bitcoin consomme environ 25,5 térawatts (un térawatt compte un million de mégawatts) et pourra aller jusqu’à 76,7 térawatts, affirme l’analyste Alex de Vries. Ces niveaux de consommation sont comparables à la consommation d’électricité en Irlande (31 térawatts) et en Autriche (82 térawatts). On parle de 0,5 pour cent de la consommation d’énergie au niveau mondial et ce pourcentage est choquant. La hausse de la demande d’énergie ne nous aidera pas à régler les problèmes de l’environnement. » La consommation d’énergie est un des arguments forts des critiques du bitcoin soutenus par un large éventail d’associations qui militent pour la protection de l’environnement.

Aux yeux des adulateurs de la monnaie digitale, cet argument ne tient pas la route. « Le bitcoin utilise un pour cent de l’énergie utilisée pour extraire l’or, a déclaré Andreas Antonopoulos, un des meilleurs experts de la monnaie digitale. Le bitcoin peut remplacer l’or et nous épargner la destruction de l’environnement : de grosses quantités d’acide déversées dans les rivières et des montagnes déforestées. Un autre exemple : quand vous sortez votre carte Visa de votre poche vous ne voyez pas les 600 000 employés qui vont tous les jours au boulot dans leurs voitures qui polluent, les innombrables serveurs qui enregistrent les données, les services de protection et la publicité. Il s’agit de niveaux de consommation d’énergie gigantesques mais qui sont cachés au public. »

Pourquoi le bitcoin consomme-t-il autant d’énergie ? C’est l’opération de son minage qui en a besoin. À la base du bitcoin il y a la technologie de la blockchain, une chaîne de blocs informatiques qui enregistrent et conservent les données financières : l’adresse qui envoie le bitcoin, l’adresse qui le reçoit, le montant et la date.

Cette chaîne de blocs est une sorte de registre digital qui conserve la trace de toutes les opérations qui s’enchaînent les unes après les autres. C’est là qu’interviennent les « mineurs » qui sont l’équivalent des mineurs qui extraient l’or. Pour qu’un bloc soit validé et enchaîné aux autres dans le registre digital il doit être vérifié et crypté par les mineurs. Pour ce faire, ceux-ci disposent d’appareils spécialement conçus pour cette opération qui consomme une grande quantité d’énergie.

Les opposants au bitcoin voient dans cette consommation d’énergie un danger pour l’environnement. Ses thuriféraires y voient le moyen le plus sûr de protéger la blockchain du bitcoin contre les attaques des hackers. L’énergie utilisée pour maintenir en vie le registre digital du bitcoin est vue comme un mur contre ces attaques.

La raison en est simple : pour attaquer le bitcoin il faut une quantité d’énergie qui dépasse la moitié de la quantité utilisée pour le maintenir en vie. Il s’agit des fameux attaques « cinquante pour cent plus un ». Si un seul ordinateur pouvait canaliser cette énergie contre le bitcoin, la monnaie digitale mourrait instantanément. Mais étant donnée l’énorme quantité d’énergie qui maintient en vie le bitcoin cette possibilité a peu de chances de se réaliser. Bref, cela coûte plus cher d’attaquer le bitcoin que de le laisser tranquille.

Le 3 janvier 2019, la monnaie digitale a fêté ses dix ans. Malgré les critiques et les innombrables annonces de sa mort imminente elle est toujours là et continue de déchaîner les passions. La question de l’environnement et son rapport au bitcoin sont loin d’être réglés, et le débat autour de cette question n’en est qu’à ces débuts.

Une menace pour l’environnement ou le futur étalon financier qui va remplacer l’or ? Steve Wozniak, le co-fondateur d’Apple, a tranché la question à l’occasion de la dernière conférence Money2020. « La quantité de bitcoins est limitée, a-t-il déclaré. La quantité d’or dans le monde est peut-être elle aussi limitée, mais le bitcoin est réglementé par un algorithme mathématique. Et personne ne peut changer la mathématique. »

Mirel Bran
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