Andrea van der Straeten, (as if)

Le langage par l’image

d'Lëtzebuerger Land vom 22.03.2013

Comment faire du langage des images ? La réponse est vieille comme les représentations mythiques des animaux des grottes préhistoriques, les hiéroglyphes des temples égyptiens ou encore les récits peints et sculptés sur les parois des cathédrales. Celle de l’époque contemporaine est le cinéma et la vidéo.

On peut aussi se poser la question inverse : comment faire de l’image un langage ? C’est ce que montre l’artiste Andrea van der Straeten qui expose actuellement au premier étage du Casino Luxembourg – Forum d’art contemporain, rue Notre-Dame. Cette artiste née en 1953 à Trèves et qui vit à Vienne en Autriche y consacre tout son art. Au point – et c’est donc emblématique de sa démarche –, de se tricoter une robe en utilisant une vidéo réalisée précédemment. L’œuvre s’appelle logiquement Mein Video, mein Hemd (1986). Mais ce n’est qu’une pièce de l’installation, où l’on verra à côté de la robe suspendue dans l’espace à un cintre, van der Straeten l’emballer dans du papier de soie pour la déposer ensuite avec précaution, non pas dans un carton comme dans une maison de haute couture, mais l’envoyer à un concours de vidéo. Quand on aura ajouté que la vidéo en question est le portrait d’un groupe de rock de filles appelé Unter-Rock, on aura donné les clefs pour comprendre les multiples entrées du travail de van der Straeten.

L’exposition ne se veut pas être une rétrospective, mais il est clair qu’un travail aussi analytique que celui-ci ne peut s’envisager que sur la longue durée. Les œuvres les plus anciennes remontent donc aux années 1980 et le passage du temps, lui, apparaît avec la transposition artistique des nouveaux moyens de communication. Le mail est par excellence une image du langage d’aujourd’hui. Andrea van der Straeten s’en empare bien sûr aussi et le montre avec l’exposition d’un échange entre elle et le couturier Marc Jacobs en 2007. L’idée (magistrale), étant de présenter cette forme de communication virtuelle et instantanée par excellence via un moyen d’expression qui traverse l’histoire de l’art : le support papier et le crayon.

L’ensemble des œuvres exposées est de cette qualité. Parmi celles-ci, on évoquera encore Video Veronika (1987/2012), une saisissante prise de vue d’un visage filmé où l’arrêt sur image fait apparaître une couronne d’épines qui ceint le front d’une jeune femme aux yeux clos. Il s’agit en fait des interférences de synchronisation de l’image vidéo photographiée. Enfin, la projection (as if) datant de 2012 donne le titre à l’ensemble de l’exposition. Il s’agit une installation vidéo faite d’une double projection, mêlant des citations de l’écrivain américain Paul Auster et du philosophe autrichien Ludwig Wittgenstein à une interprétation corporelle en langage des signes par deux jeunes femmes. La langue muette donne toute sa place au corps. L’intellectuelle, la féministe Andrea van der Straeten ne l’oublie pas et c’est très beau.

L’exposition (as if) d’Andrea van der Straeten, au Casino Luxembourg – Forum d’art contemporain, à Luxembourg-ville, dure encore jusqu’au 28 avril ; ouvert lundi, mardi, mercredi et vendredi de 11 à 19 heures, nocturne jeudi jusqu’à 20 heures ; dimanche ouvert de 11 à 18 heures, fermé mardi ; pour plus d’informations : www.casino-Luxembourg.lu.
Marianne Brausch
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