Gosia Nowara

L’art, le musée et la conservation comme passions

d'Lëtzebuerger Land vom 03.09.2009

Gosia Nowara, passionnée d’his­toire de l’art, conservatrice-stagiaire depuis le 1er juin 2009 à la section des Beaux-Arts du Musée national d’histoire et d’art, a la lourde tâche de succéder à Jean Luc Koltz, « personnalité hors du commun » selon elle, qui a laissé une indéniable marque sur la gestion des collections et des expositions. Femme charmante et dynamique, qui semble encore découvrir le musée et ses riches col­lections, intuitive et intelligente, elle occupe un beau bureau dans la partie administrative du musée, dont les murs sont décorés de tableaux créant ainsi une atmosphère propice à l’étude des beaux-arts. Sûre d’elle et ambitieuse, Gosia Nowara est décidée et pose progressivement les pierres de son chemin au sein du musée.

Née en 1973 à Katowice en Pologne, d’origine polonaise et de nationalité luxembourgeoise, Gosia Nowara a fait sa scolarité au Luxembourg. En 1998, elle obtient une maîtrise d’histoire de l’art à l’ULB de Bruxelles avec pour sujet Les œuvres d’artistes belges dans les collections polonaises des comtes Atanaze Raczynski (1788-1874) et Edward Aleksander Raczynski (1847-1926). Elle s’intéresse aux artistes belges complètement oubliés et redécouverts comme Emile Claus (1849-1924) et Léon Frédéric (1856-1940). En 2006, elle termine sa thèse de doctorat sur La Sécession dans l’architecture à Cracovie, 1897-1914 sous la direction du directeur du Musée Royal des Beaux-Arts de Bruxelles. Elle s’intéresse à la redécouverte du passé dans cette ville épargnée par les destructions de la Seconde Guerre mondiale et sa contribution à l’inventaire et à la classification de ses bâtiments historiques.

Avant son entrée au musée, Gosia Nowara avait organisé plusieurs expositions pour le CGRI (Commissariat Général aux relations internationales de la Communauté française de Belgique) en Pologne et dans les anciens pays de l’Est comme la Slovénie et la Lettonie, ce qui l’amène à se spécialiser sur l’apport des œuvres belges à l’étranger. Grâce à son expérience internationale, elle organise de 2007 à 2008 des expositions temporaires dans la galerie d’art Bren’art située avenue Louise à Bruxelles, où elle deviendra la spécialiste de l’art belge et des anciens pays d’Europe de l’Est. Mais elle découvrira aussi les rouages du marché de l’art et s’occupera des acquisitions pour la collection de la galerie essentiellement constituée d’œuvres d’art moderne provenant des artistes de l’École de Paris. Gosia Nowara a une forte sensibilité artistique, elle a d’ailleurs passé une année à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles dans la section peinture.

Gosia Nowara passait son enfance à visiter les musées de son pays natal et se remémore avec plaisir les collections du Musée national de Varsovie, les chefs-d’œuvre de la fin du XIXe et du début du XXe siècles et avoue admirer l’art du peintre symboliste polonais Jacek Malczewski (1854-1929). Elle aime rester en contact avec les artistes comme Pierre Alechinsky. « C’est un métier inventif, j’aime organiser des expositions et enrichir les collections par des nouvelles acquisitions ». Elle s’occupera également de développer une politique d’acquisition pour la collection du Musée national en étroite concertation avec son directeur Michel Polfer. Elle occupe d’ailleurs l’ancien bureau du directeur au sein de la partie administrative entourés des bureaux de ses collaborateurs. Elle connaît les lieux : avant d’intégrer le département de la conservation, Gosia Nowara avait déjà fait un stage au musée dans le service éducatif et de la presse. 

L’historienne de l’art connaît très bien le tissu local et travaille en collaboration avec des collections privées luxembourgeoises. Actuellement en train de préparer l’exposition du peintre surréaliste luxembourgeois Foni Tissen (1909-1975) au mois d’octobre, qui « n’est pas nécessairement une rétrospective et qui mettra en avant sa période surréaliste avec ses Männerchen et d’autres facettes de son œuvre » , où seront présentés des dessins, des peintures, des portraits, des timbres et des affiches, dans le cadre du centenaire de la naissance de l’artiste. Gosia Nowara insiste sur sa volonté de « défendre et promouvoir les artistes luxembourgeois, grâce à de très belles expositions qui attirent tous les publics », avec son expérience aussi bien théorique que pratique. 

Ce qu’on lui souhaite en connaissant le peu de soutien et de visibilité donnés par le musée national aux artistes luxembourgeois à la carrière établie jusqu’à présent. En effet, où le public va-t-il découvrir les artistes luxembourgeois confirmés et avancés dans leur carrière si ce n’est dans les galeries d’art et les banques, ou alors pour les jeunes artistes au Casino et au Mudam ? N’est-ce pas justement là le rôle d’un musée national ? Gosia Nowara en a bien conscience et souhaite développer les projets du musée en ce sens. Cela représente beaucoup de travail, mais elle va bénéficier d’une assistance très prochainement suivant un appel de candidature passé dans le journal.

Elle projette des expositions en relation avec d’autres institutions culturelles européennes, des prêts d’œuvres et des legs au MNHA tel que celui de Catherine Meyer-Kutter (1924-2009) fille du peintre Joseph Kutter (1894-1949) de la totalité de sa collection soit 42 peintures dont quinze huiles sur toile et des dessins inédits actuellement exposés dans les salles homonymes. Gosia Nowara ajoute que dans ce métier, « il faut aimer ce que l’on fait, s’intéresser à l’art, être méticuleux ». En effet, elle aime la culture, mais aussi la musique, l’escrime comme son père, le cinéma de Pedro Almodovar et celui Krzysztof Kieslowski (1941-1996) et les voyages au cours desquels elle profite pour découvrir les musées. Notamment le nouveau Musée Magritte à Bruxelles, qu’il était temps selon elle d’ouvrir et qui est important pour le public car il rassemble une grande partie des œuvres de l’artiste, un aperçu large de sa carrière et des œuvres des débuts, plutôt méconnues, « un musée indispensable, qui aura certainement beaucoup de succès ». 

Didier Damiani
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