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Pimple patches

d'Lëtzebuerger Land vom 26.09.2025

La première fois, on est intrigué : C’est quoi, ce truc dans le visage de cette jeune femme dans le bus, au supermarché, dans la rue ? Ces petites étoiles colorées, ces cœurs, ces Hello Kitty fièrement affichés sont des pimple patches, des pansements hydrocolloïdes, parfois enrichis d’acide salicylique ou de différentes extraits de plantes censés améliorer l’effet du patch. Popularisés par des influenceuses comme Emma Chamberlain (quinze millions de followers sur Instagram), Kendall Jenner ou Kim Kardashian et sa fille North West (*2013) au début de la décennie, ces patches ont pour principal mérite celui de l’hygiène – ils protègent les boutons des bactéries provenant les doigts impatients de tripatouiller l’inflammation cutanée. Ils sont en outre symboliquement intéressants pour ce qu’ils disent sur les standards de beauté et sur l’image de soi des générations Z (nées entre 1997 et 2012) et Alpha (nées après 2010). Ils disent : je suis ado, j’ai des boutons – et alors ?! Johnny Hallyday chantait en 1979 déjà : « Quoi ma gueule ? Qu’est-ce qu’elle a ma gueule ? »

Or, voir dans l’affichage de cet acné ado un acte de défiance vis-à-vis des standards de beauté du monde adulte seulement serait un brin naïf. Il s’agit bien sûr d’une gigantesque industrie que celle des produits pour jeunes, voire pour enfants, qui se sert allègrement des réseaux sociaux. Le hashtag #getreadywithme (ou #grwm) génère instantanément 3,2 millions de posts sur TikTok : des filles, souvent préado, se préparent face caméra, installées devant des montagnes de produits cosmétiques et inspirent ainsi leurs pairs – à acheter tous ces produits elles aussi. Le marché des cosmétiques est en plein boom, et ce pour des âges de plus en plus précoces. Rien que celui des patches, ayant atteint mondialement une valeur d’un demi-milliard de dollars en 2022, devrait quasiment doubler d’ici 2033 selon les projections d’un site spécialisé. On trouve des patches à partir de quelques euros la dizaine, des journaux très sérieux comme la Frankfurter Allgemeine Zeitung (du 14 août) en publient même des tests comparatifs, du plus décent au plus efficace pour le meilleur rapport qualité/prix, en mettant en garde devant les substances allergènes de certaines marques. On doit laisser le patch durant huit heures d’affilée au moins sur la peau, puis en changer, donc il en faut, des stocks. Le plus célèbre post sur le sujet, de la jeune North West avec sa mère se mettant des patchs anti-boutons avant le coucher, est en fait sponsorisé par Starface, la marque leader aux États-Unis.

À l’ère du Mar-a-Lago face du clan Trump – pommettes saillantes, yeux en amande, menton proéminent et teint orangé, le tout pour quelque 90 000 dollars en opérations, plus frais d’entretien – et de la tendance des tradwives façon Turning Point USA, femmes au foyer parfaitement apprêtées, on pourrait voir dans ces imperfections cutanées fièrement affichées une insurrection subversive, aussi saine que le no make-up de Pamela Anderson, version 2025. En même temps, alors que la ménopause et tous les symptômes qui l’accompagnent quittent enfin le non-dit sociétal, on pourrait aussi interpréter l’affirmation des imperfections de la peau acnéique pubertaire comme un nouveau féminisme. Comme si l’âge intéressant de la femme s’élargissait soudainement avant et après sa seule fécondité – n’en déplaise aux nouveaux conservateurs catholiques, qui réduisent justement la femme à sa capacité à donner la vie.

Mais peut-être que tout cela est aussi une surinterprétation de petits patches colorés et joyeux dont l’utilisation est dictée par l’industrie cosmétique et qui ne durera que jusqu’à la prochaine tendance.

josée hansen
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