Le Wort perdant de l’étude média interdite

d'Lëtzebuerger Land du 12.01.2024

L’étude Plurimédia n’a pas paru en septembre dernier. Les éditeurs, qui la financent, ont prétexté des problèmes méthodologiques pour mettre fin à cet unique outil d’évaluation de la consommation médiatique au Luxembourg (d’Land, 6.10.2023). Mais l’étude 2023 a bien été réalisée par Ilres. IP/CLT-UFA (RTL), Mediahuis (Luxemburger Wort, Télécran, Contacto) et Editpress (Tageblatt, Le Quotidien et L’Essentiel), qui honorent chacun trente pour cent de la facture, ont décidé de ne pas en valider les résultats. L’État, qui apporte les dix pour cent restants, s’est abstenu. (Les éditeurs ont conçu l’étude en 1982, pour justifier l’intérêt de la publicité auprès des annonceurs. L’État la co-finance au titre de suivi de la politique médiatique.)

Sollicités par le Land en octobre, les éditeurs n’ont pas communiqué l’étude. Le Service des médias, de la Connectivité et de la Politique numérique (SMC) s’est, là aussi, abstenu, mais il a transféré la demande à la Commission d’accès aux documents, créée dans le cadre de la loi Transparence de 2018. L’instance consultative présidée par le magistrat Pierre Calmes lui a réservé une réponse positive. Les éditeurs ont donc transmis le « chiffres non validés » des deux études de mesure d’audience pour 2023 en insistant : « Les résultats n’ont pas obtenu l’aval du comité technique et ne sont donc pas représentatifs pour les commanditaires. »

Communiqués au Land cette semaine, lesdits résultats du premier volet normalement publiés au mois de mars (issus de sondages réalisés en deux sessions, de février à juin 2022, et de septembre 2022 à février 2023) révèlent la poursuite de la baisse tendancielle (depuis deux décennies) de la consommation médiatique. Les chiffres qui devaient être publiés en septembre (qui incluaient une enquête menée de février à juin 2023, en sus de celle opérée l’hiver précédent) laissent croire à un « effet Waljoer ». Certaines progressions sont spectaculaires. L’Essentiel passe de 16,1 pour cent de la population (de plus de quinze ans) touchée (nombre de lecteurs par jour) à 18,1 pour cent (de 87 600 à 100 900 lecteurs selon l’extrapolation d’Ilres). Tageblatt passe de 4,4 à six pour cent, augmentant son lectorat de cinquante pour cent. Le Quotidien, autre publication eschoise, double carrément son nombre de lecteurs, de 11 900 à 25 700 (2,2 à 4,6 pour cent). La Zeitung vum Lëtzebuerger Vollek décroche la timbale parmi les quotidiens avec un quasi-quadruplement de son lectorat, de 1 800 à 6 600 (de 0,3 à 1,2 pour cent). Mais le Wort, premier journal imprimé depuis des décennies, continue de marquer le pas, reculant de 20,5 à 20,1 pour cent de lecteurs quotidiens (avec une légère augmentation toutefois en nombre absolu, de 111 400 à 111 900 lecteurs). Idem, pour RTL. Bien qu’hégémonique ou presque dans l’audio-visuel, la marque y accuse un recul (rtl.lu a toutefois gagné des lecteurs sur l’année passant de 33 à 37 pour cent de lecteurs quotidiens). Les hebdomadaires ont également connu leur heure de gloire dans ce Plurimédia 2023 interdit. Telecran (Mediahuis), Revue (Editpress) et Contacto progressent significativement. Le Land aussi, passant de 2,7 à 4,1 pour cent de lecteurs (10 100 à 22 700) par semaine. Trop beau pour être vrai ?

Pierre Sorlut
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