Chronique Internet

Peut-on tweeter de l’argent ?

d'Lëtzebuerger Land vom 25.02.2010

Twitter, le site de microblogging, va-t-il devenir le berceau d’applications de micro-paiement ? C’est le pari d’une série de start-ups qui voient dans la flexibilité et la rapidité de la plateforme des caractéristiques idéales pour créer des modes de paiement innovants. C’est le cas de Twitpay qui, avec près de 15 000 utilisateurs, en est pour l’instant à ses balbutiements, mais qui montre qu’après Paypal, l’avènement de nouveaux modes de communication sur le Net peut aussi déboucher sur d’intéressants développements dans le domaine de la monétique. Wired a rappelé comment une erreur de frappe lors de l’envoi d’une note sur Twitter a donné l’idée à Michael Ivey, à l’automne 2008, de tester cette idée. Lorsque sa femme a tapé par erreur la lettre p au début de son texte au lieu de la lettre d, qui indique à Twitter qu’il s’agit d’un message direct, il s’est dit que que c’est ainsi qu’on devrait effectuer les paiements : en tapant un nom d’utilisateur et un montant sur son téléphone portable.

Ivey, un programmeur de l’Alabama, était déjà un utilisateur de Paypal, qui a décollé sur eBay et est devenu la référence en matière de paiements sur le Net. Après que Paypal eut autorisé l’an dernier quelques développeurs, dont Ivey, à accéder à son code, il a pu mettre au point un lien entre des comptes Twitter et des comptes Paypal et a lancé Twitpay. La marche à suivre est expliquée sur twitpay.me : il faut d’abord renseigner ses comptes Twitter et Paypal. On remplit ensuite les cases « montant », « nom Twitter » du destinataire de l’argent et la raison du paiement : le tour est joué.

Quel intérêt présente Twitter pour les paiements, comparé à une utilisation « traditionnelle » de Paypal ? Une première réponse provient du fait que Twitter est surtout utilisé, de par son concept, sur des téléphones portables. Un paiement effectué sur cette plateforme ressemble donc beaucoup à l’envoi d’un SMS. Une deuxième piste est le caractère public que l’on peut aisément donner à tout tweet. Michael Ivey a eu l’idée de mettre cette caractéristique à profit pour ajouter à Twitpay une fonctionnalité spécifique de levée de fonds pour associations non lucratives : l’appli-cation RT2Give (« Retweet to give ») permet aux ONG de faire appel à la générosité des utilisateurs de réseaux sociaux, dont les dons peuvent être affichés en temps réel sur ces réseaux et donc avoir un effet d’entraînement, par exemple en cas de vaste mouvement de solidarité après une catastrophe naturelle.

Il est trop tôt pour savoir si Twitpay va vraiment percer et s’im-poser, que ce soit pour les paiements personnels ou les dons aux organisations caritatives. Mais il semble acquis que de nouveaux moyens de paiement vont voir le jour au cours des prochaines années sur les réseaux sociaux, et qu’après les chèques, les cartes de crédit et Paypal, ils vont à nouveau faire évoluer la nature de l’argent. D’autres expériences comparables sont en cours, comme par exemple celle de Square, qui met au point un appareil de la taille d’un dé à coudre destiné à rendre tout téléphone portable (l’application vise les iPhone pour l’instant) capable d’accepter des paiements par carte de crédit, sans utiliser de lecteur de carte de crédit. Obopay vise lui à rendre possible des transferts d’argent entre téléphones portables en utilisant un simple code PIN. Zong consiste à effectuer des paiements en ligne en donnant son numéro de portable, et la transaction s’effectue par le biais de la facture téléphonique. La forteresse des cartes de crédit va sans doute être ébranlée par ces efforts, et par ceux de Paypal, d’Amazon, d’eBay, de Facebook ou d’iTunes pour s’attaquer à la place qu’elles occupent dans l’univers des paiements, à la dîme – de l’ordre de 3,5 pour cent du prix de vente – qu’elles ponctionnent sur les transactions et aux délais qu’elles imposent avant que les paiements ne deviennent effectifs.

Jean Lasar
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